Vulnérabilité des enfants placés
Les enfants placés sont particulièrement vulnérables considérant les multiples facteurs de risque qu’ils cumulent. Ils présentent bien souvent des prédispositions biologiques défavorables et se retrouvent exposés à différents facteurs de risque environnementaux; ils sont donc plus susceptibles de présenter des retards développementaux, des problèmes de santé physique ou psychiatrique, des difficultés socioémotionnelles et comportementales ainsi que des difficultés scolaires (pour une revue, voir par exemple, Pecora, White, Jackson, & Wiggins, 2009). Ces risques sont d’autant plus exacerbés par le fait qu’une majorité d’ entre eux est issue d’ un milieu socioéconomique défavorisé (Barth, Wildfire, & Green, 2006).
Par ailleurs, en plus des événements traumatiques vécus dans le milieu naturel, le choc occasionné par le retrait de la famille biologique constitue un facteur de risque supplémentaire. Il est effectivement proposé que la rupture entre l’ enfant et sa famille biologique augmente à elle seule le risque que le jeune présente des problèmes de comportement à long terme (Lawrence, Carlson, & Egeland, 2006). Ainsi, bien que cette mesure se veuille protectrice, il importe de considérer l’ensemble de ses répercussions, positives et négatives, lors de la décision d’ un placement.
Contexte et mesure de placement
Différentes mesures de placement existent pour offrir à chaque enfant le milieu qui lui convient en fonction de ses besoins, de sa situation familiale et des perspectives de réunification familiale. De façon générale, suite à la mise en place d’une mesure de placement, la Loi sur la Protection de la Jeunesse (LPJ) indique que le retour de l’enfant dans son milieu d’ origine doit être priorisé. Lorsqu’il apparait impossible d’ assurer la permanence d’ un projet de vie dans le milieu naturel, un projet de vie alternatif doit être envisagé pour assurer une stabilité à l’enfant. Il s’avère alors pertinent de considérer un placement permettant un projet de vie permanent afin de permettre à l’enfant et à son parent substitut de se projeter dans l’ avenir ensemble et de favoriser le développement d’ un lien significatif entre eux.
Au Québec, la grande majorité (80 %) des enfants en contexte de placement sont réunis à leur famille d’origine (Esposito et al., 2014a). Cependant, il est fréquent que la situation de compromission ne puisse être résorbée dans les délais souhaités et que les enfants se retrouvent placés en famille d’ accueil plus longtemps que prévu (Gauthier, Fortin, & Jéliu, 2004). Ainsi, c’ est environ le tiers des enfants placés avant l’âge de 5 ans qui demeurent en milieu substitut au-delà du délai initialement convenu (Esposito et al., 2014a). Lorsque le placement est maintenu, la LPJ prévoit que la continuité des liens et la stabilité doivent être priorisées. Dans le contexte où l’on vise la stabilité des mesures de placement, il est tout à fait justifié de se questionner sur la capacité de l’ enfant à s’ enraciner dans sa famille substitut, de même que sur la capacité du parent d’ accueil à s’engager envers l’ enfant qu’ il héberge.
Différents types de milieu substitut peuvent être envisagés pour répondre aux besoins uniques des enfants en contexte de protection de la jeunesse. On retrouve au Québec les familles d’ accueil régulières, de proximité et issue/s du programme Banque-Mixte. Chacun de ces milieux soulève des enjeux différents aux plans de la stabilité et de l’engagement parental. Ainsi, les parents substituts de type Banque-Mixte souhaitent d’emblée s’ engager à long terme puisqu’ ils ont le désir d’ adopter un enfant. On leur confie donc généralement des enfants qui sont placés très tôt au cours de leur vie pour leur permettre de s’enraciner dans leur milieu substitut (Chateauneuf & Trudelle, 2014). En contrepartie, ces parents peuvent être éprouvés par l’ambiguïté de la mesure de placement et par le maintien des liens avec le parent biologique (Pagé, 2015). Un tel contexte de placement semble néanmoins favorable au regard de l’engagement parental. De même, les familles substituts de proximité, bien que plus défavorisées au plan psychosocial (Cuddeback, 2004), offrent l’avantage qu’ elles permettent à l’enfant de demeurer sous la garde d’ un proche avec qui il présente déjà un lien affectif significatif. Comme la relation qui les unit est indépendante de la situation de placement, on peut aisément concevoir que ce type de parent substitut aura plus de facilité à se projeter dans le temps avec l’ enfant en comparaison avec un parent d’accueil régulier. En revanche, les familles d’ accueil de proximité peuvent questionner leur rôle auprès des enfants qu’ ils accueillent, d’ autant plus que leur relation avec les parents biologiques peut être mouvementée et est susceptible de fluctuer au travers du temps (Crowther, Huang, & Allen, 2015). Les différences qui existent entre les types de famille d’accueil constituent une avenue de recherche pertinente afin d’identifier plus aisément les circonstances dans lesquelles chacun de ces types de milieu serait à privilégier.
Dans tous les cas, les parents substituts ont le devoir de protéger les enfants qu’ ils hébergent et de leur offrir un milieu de vie sécuritaire, stable et chaleureux, et ce, tout en respectant les modalités du placement et du plan d’ intervention. En répondant aux besoins fondamentaux de l’enfant, notamment au plan de la stabilité et de la sécurité d’attachement, les parents substituts ont l’opportunité de favoriser le développement de ces enfants.
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