VOLCANISME ARCHEEN DU MASSIF DU CHAILLU
GENERALITES SUR L’ARCHEEN
ECHELLE GEOLOGIQUE DE L’ARCHEEN
L’Archéen est un éon de l’échelle des temps géologiques correspondant à une période d’importante croissance crustale sur le globe. Il forme avec l’Hadéen et le Protérozoïque le Précambrien. Le Protérozoïque comprend trois ères à savoir le Paléoprotérozoïque subdivisé en quatre périodes se situant entre 2,5 et 1,6 Ga ; le Mésoprotérozoïque composé de trois périodes dont l’âge varie de 1,6 à 1 Ga et enfin le Néoprotérozoïque comprenant trois périodes allant de 1 à 0,542 Ga. L’Archéen est subdivisé en quatre ères: l’Eoarchéen daté de 4 à 3,6 Ga, le Paléoarchéen compris entre 3,6 à 3,2 Ga, le Mésoarchéen âgé de 3,2 à 2,8 Ga et enfin le Néoarchéen débutant à 2,8 Ga et prenant fin à 2,5 Ga marquant ainsi la fin de l’Archéen (Fig 1). L’Archéen représente une bonne partie de l’histoire de la terre, son étude constitue de ce fait une étape importante dans notre compréhension de la formation et de l’évolution de la terre. Il a débuté à 4,03 Ga pour s’achever à 2,5 Ga. 4 Figure 1: Echelle stratigraphique du Précambrien (modifiée d’après N. Flament 2009 et http://www.stratigraphy.org/upload/ISChart2009.pdf)
DISTRIBUTION DES TERRAINS ARCHEENS DANS LE MONDE
Les terrains Archéens sont très répandus dans le monde. Ils affleurent sur tous les continents ou ils forment des noyaux stables appelés boucliers ou cratons. Les terrains Archéens en Europe, en Asie et en Australie sont peu représentés contrairement à l’Amérique du Nord et Sud et l’Afrique où nous distinguons de vastes provinces archéennes (Fig 2). 5 Figure 2: Répartition géographique des grandes provinces archéennes (Taylor S.R et McLennan S.M. 1985). Les terrains Archéens affleurant sont en rouge, les couleurs jaunes et blanches sont plus jeunes: (1) Bouclier baltique, (2) Bouclier ukrainien, (3) Bouclier écossais, (4) Bouclier sibérien ; (5) Bouclier indien ; (6) Craton sino-coréen ; (7) Bloc de Pilbara ; (8) Bloc de Yilgarn ; (9) Bloc d’Australie du Nord ; (10) Complexe de Napier ; (11) Craton du Kaapvaal ; (12) Craton du Zimbabwe ; (13) Craton de Madagascar ; (14) Bouclier d’Afrique centrale ; (15) Bouclier d’Afrique de l’Ouest ; (16) Craton du São Francisco ; (17) et le Bouclier guyanais ; (18) Province du Wyoming ; (19) Province Supérieure ; (20) Province de l’Esclave ; (21) Bouclier du Labrador ; (22) Bouclier groenlandais.
CARACTERES GEOLOGIQUES DE L’ARCHEEN
Les terrains Archéens sont marqués par trois grandes formations géologiques caractéristiques que sont TTG (gneiss et différents granites), les ceintures des roches vertes archéennes (komatiites, les basaltes) et enfin les BIFs.
T.T.G
Les terrains granito-gneissiques représentant environ 80% des terrains Archéens. Ils sont généralement constitués de gneiss et de granites connus sous le nom de T.T.G. (Tonalite, Trondhjémite et Granodiorite). Ce sont des roches constitutives de la croute continentale 6 archéenne (Martin et Moyen, 2002) contenant essentiellement du quartz, du feldspath, plagioclase, de la biotite et parfois de l’amphibole. Ils se distinguent des granites actuels par leur teneur très faible (voire même l’absence) en feldspath potassique. Les termes les moins différenciés peuvent être riches en hornblende. Les phases accessoires sont: allanite, pistachite, apatite, zircon, sphène et titanomagnétite. Toutes ont une texture grenue qui atteste de leur lente cristallisation en profondeur. Enfin, ces roches omniprésentes à l’Archéen, deviennent très rares après 2,5 Ga. Aujourd’hui, une roche similaire aux TTG apparaît dans les zones de subduction à haute pression de croûtes océaniques jeunes, par exemple entre la plaque de Nazca et la plaque Antarctique non loin de la Patagonie : ce sont les adakites. On peut donc en conclure que les TTG Archéens se seraient formées dans les mêmes conditions, sachant toutefois que le gradient géothermique le long du plan de subduction était plus élevé qu’aujourd’hui. Cependant il est important de noter que la fin de l’Archéen (entre 3,0 et 2,5 Ga) est aussi marquée par la mise en place dans les différents cratons de granitoïdes potassiques habituellement regroupés, dans la description des lithologies archéennes sous le terme de « granites tardifs » également nommés Sanukitoides. Ils représentent 5 à 10% du volume de terrains Archéens qui sont intrusifs dans le socle granito-gneissique et les ceintures de roches vertes. Il s’agit de vrais granites à affinité calco-alcaline et le plus souvent très riches en phénocristaux de feldspath potassique mais également riches en magnésium. Ils sont interprétés comme provenant de la fusion de péridotites mantellique dont la composition a été modifiée par l’adjonction de magma TTG.
Géochimie
La géochimie des éléments majeurs donnent des résultats similaires: les TTG sont des granitoïdes riches en Na et pauvres en K (ce qui est marqué par leur enrichissement en plagioclase et l’absence de feldspath alcalin), avec des rapports K/Na<0,5. Ce sont des granitoïdes métalumineux (A/CNK ≈ 1); leur Mg# est de 0,4 à 0,5. On retrouve là aussi la même opposition avec les granitoïdes calco-alcalins contemporains (K/Na > 0,7). La géochimie des éléments en trace nous montre que ces éléments ont également des teneurs caractéristiques. Une des plus évidentes caractéristiques des TTG est leur spectre de terres rares très fractionné (La/YbN = 30–50), avec un enrichissement marqué en terres rares légères (LaN= 50–100) et, à l’inverse, de très faibles teneurs en terres rares lourdes (YbN = 1–5). Ces roches ne présentent pas d’anomalie en Eu. A l’inverse, rappelons que les granitoïdes calco- 7 alcalins actuels ont des spectres de terres rares moins fractionnés, avec un moindre enrichissement en terres rares légères, des terres rares lourdes plus abondantes (YbN > 10) et une anomalie négative en Eu bien marquée. Dans une moindre mesure, les autres éléments en trace ont aussi des teneurs caractéristiques (Sr/Y > 50; etc.). Figure 3 : Comparaison des valeurs (La Yb) N et YbN pour les TTG archéennes (noir), et les granites juvéniles post-archéens (blanc). Ces variables permettent de quantifier la forme des spectres de terres rares (encart). Ce diagramme montre une opposition forte entre les deux types de magmas (Martin, 1994).
Pétrogenèse
Au cours de ces dernières années, de nombreux modèles essentiellement basés sur des données géochimiques ont été proposés afin de rendre compte de la genèse des TTG. L’étude pétrogénétique nous permet de démontrer que la croute continentale primitive a une composition de TTG et elle a été extraite du manteau par un mécanisme s’effectuant en trois étapes: – La fusion du manteau engendre une croute océanique basaltique, – La fusion de cette croute à haute pression transformée en amphibolite à grenat qui va donner naissance aux magmas parents des TTG 8 – Et enfin un peu de cristallisation fractionnée peut créer les lignées de différenciation observées dans les TTG (Fig 4) Figure 4: Modèle pétrogénétique pour la formation des TTG (Martin, 1994). PM: fusion partielle ; CF: cristallisation fractionnée. Cependant l’environnement géodynamique dans lequel une telle fusion a pu avoir lieu a été longtemps l’objet de débats passionnés: D’aucuns pensent que ces basaltes étaient les basaltes de la croûte océanique entraînés dans la subduction ; Et d’autre qu’il s’agissait de basaltes sous plaqués dans un environnement de panache mantellique. Depuis quelques années, un large consensus semble s’établir en faveur de la première hypothèse. D’une manière générale ces modèles envisagent la fusion de basaltes océaniques hydratés dans une zone de subduction (Condie, 1980; Martin, 1986; Condie, 1989; Rollinson, 1997; Barth et al, 2002; Foley et al, 2002; Kamber et al, 2002; Moyen et al, 2006; Martin et al, 2008; Nair et Chacko, 2008) où, en raison d’une plus grande production de chaleur interne, les gradients géothermiques le long du plan de Bénioff étaient plus élevés qu’aujourd’hui (Martin, 1986). Un point fort en faveur de ces modèles réside dans le fait que la géométrie d’une zone de subduction est telle que le coin du manteau est situé au-dessus des basaltes subductés, et en conséquence, les magmas issus de la fusion de ces derniers doivent traverser les péridotites avant de se mettre en place. Aujourd’hui aussi la croûte continentale juvénile est engendrée dans les zones de subduction mais sa composition, au lieu d’être TTG est typiquement granitique et ses caractéristiques géochimiques montrent qu’elle provient de la 9 fusion du coin du manteau. Dans cet environnement, le comportement de l’eau va jouer un rôle primordial, en effet celle-ci abaisse considérablement la température de fusion d’une roche. Par exemple à 45 km de profondeur un basalte pourra fondre à 750°C en présence d’eau alors qu’il ne fondra qu’à 1250°C s’il est anhydre. En d’autres termes, dans les conditions d’une subduction il est possible de fondre un basalte hydraté alors que cela est impossible si celui-ci est anhydre. Aujourd’hui, la croûte océanique subductée est vieille et froide et en conséquence le gradient géothermique le long du plan de subduction est faible. La croûte subductée se déshydrate totalement avant d’atteindre 750°C, elle ne peut donc absolument pas fondre. Les fluides issus de sa déshydratation en remontant vers la surface, recoupent le coin de manteau sus-jacent, le réhydratent et induisent la fusion. Ainsi, la source de la croûte continentale moderne est le coin de manteau réhydraté. Figure 5: Diagramme Pression vs Température et coupes schématiques dans des zones de subduction montrant les conditions de genèse de la croûte continentale primitive et moderne (Martin, 1986). Pendant l’Archéen, les gradients géothermiques le long du plan de subduction étaient élevés (flèche rouge) de telle manière que la croûte océanique subductée atteignait la température de son solidus avant de se déshydrater, elle pouvait alors fondre à de profondeur relativement faible dans le domaine de stabilité de la hornblende et du grenat (en bleuté). Aujourd’hui, les gradients géothermiques le long du plan de subduction sont faibles (flèche bleue), la croûte subductée se déshydrate avant de pouvoir fondre. Les fluides issus de la déshydratation, remontent à travers le coin du manteau dont ils modifient la composition et le réhydratent. Celui-ci fond alors et donne naissance aux magmas calco-alcalins typiques de la croûte 10 continentale moderne. Le diagramme montre les courbes des solidus anhydre et hydraté (5% eau) d’une tholéite. Le domaine des réactions de déshydratation de la croûte océanique est figuré en hachures. Le domaine de coexistence d’un magma avec un résidu de fusion à grenat (G) et hornblende (H) est représenté en bleuté. Sur les coupes synthétiques: C.O. = croûte océanique ; C.C. = croûte continentale ; s.m. = solidus du manteau hydraté ; les zones en rouge sont celles où l’on rencontre du magma et le domaine bleu pâle en hachures verticales corresponde au domaine de circulation des fluides.
Les ceintures de roches vertes archéennes
Les ceintures de roches vertes représentent la seconde lithologie archéenne (Anhaeusser et al, 1961; Condie, 1981) et constitue près de 10% des terrains archéens (Goodwin, 1991). Il s’agit de roches volcaniques appelées roches supracrustales car mises en place à la surface de la Terre. Elles forment le plus souvent des structures synformes allongées (>100 km de long pour 20 km de large) d’où leur nom de ceinture. Le terme de roche verte est dû au fait que ces ceintures sont constituées en partie des roches basiques et ultrabasiques pouvant être de couleur verte sombre. Les roches qui les constituent sont: les komatiites, basaltes komatiitiques, les basaltes tholeitiques et les basaltes calco-alcalins.
Komatiites
Ce sont des roches volcaniques ultramafiques représentées en générale par des coulées ou un empilement de coulées. Chaque coulée présente une succession de textures soit en spinifex ou cumulative. Elles renferment beaucoup d’olivine et se retrouvent principalement dans des ceintures de roches vertes archéennes et Paléoprotérozoïque (Fig 6).
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