Vivre et incarner les idées du siècle des Lumières à
travers la plume
Le Bourgois gentilhomme
Parmi les milliers de pages que contiennent les Miscellanea une poignée d’entre elles recèlent de précieux indices nous permettant d’affirmer qu’à Grenoble Letourneau avait acquis un mode de vie nobiliaire, la fréquentation de salons est ce qui est le plus visible à travers les anecdotes rapportées mais d’autres éléments autrement plus convaincants nous permettent de corroborer cette idée. L’acquisition de sa charge anoblissante ne fut pas qu’un moyen d’échapper aux contraintes imposées au Tiers, Letourneau transforma son mode de vie en incarnant ainsi ce syncrétisme social de plus en plus rependu au crépuscule de l’ancien Régime entre haute bourgeoisie et noblesse78. En effet, un curieux document inséré à la fin du tome II, intitulé Plan pour Monsieur Mariton, nous a longtemps questionné79. Ce folio de format A3 plié en quatre illustre sur son verso le plan architecturale d’une imposante bâtisse préfigurant les grandes maisons bourgeoises du XIXe siècle. Il s’agit d’un tracé intégral du bâtiment en lui-même, accompagné d’une grande basse cour à l’avant et d’un grand jardin potager à l’arrière orné d’une fontaine à jet atteignant 25 pieds80. La propriété est cerclée d’un muret accompagné de hautes balustrades en fer forgé. Le bâtiment seul constitué d’un rez-de-chaussée plus deux étages faisait 54 pieds de long sur 36 de large81. Le rez-de-chaussée est composé d’une cuisine, d’un salon à manger et d’une salle de réception de 36 pieds de long sur 24 de large. Plus haut, les étages supérieurs forment quatre appartements de maître complet. Le verso de ce folio est un feuille de compte assez floue mais indubitablement lié au plan, La calligraphie tant sur le recto que le verso démontre que Letourneau lui-même est l’auteur du document. Une illustration insérée a la suite de ce plan, intitulée Dessein de la fontaine de M. Letourneau à Saint-Ismier année 1761, nous a conduit à penser que cette 78 Pierre-Yves BEAUREPAIRE, op. cit., Partie X, chapitre IV « Une société sous tensions », pp. 691-706. 79 Voir Annexe 6. 80 Soit 7 mètres environ. 81 Soit environ 16,5 mètres sur près de 11. 27 demeure n’était ni plus ni moins qu’une résidence secondaire en campagne82 sur le mode des châteaux nobles où ces derniers passent la saison estivale. Cependant il eut été impossible de déduire indubitablement que ce fut la propriété du secrétaire de la Chancellerie sans une correspondance capitale du mois de mai 1771 insérée dans le tome IV83. Depuis Metz Madame Cantat cousine de Letourneau écrit à son parent Grenoblois à propos du mariage de sa fille. Lorsque Letourneau répond, la lettre porte cet entête : Réponse de M. Letourneau de Saint-Ismier près Grenoble le 16 May 1771. Le développement est encore plus révélateur et apporte d’autres éléments sur la vie de son auteur : Madame ma chère Cousine, J’ai reçû à ma Campagne où je Suis Depuis le Commencement du Mois La Lettre que vous m’avés fait L’honneur de m’écrire le six du présent […] Je n’ay jamais, Madame, Exercé aucun Emploi dans la partie du Vingtieme ; Je suis receveur à L’Entrepôt du Tabac et Secretaire du Roy audiencier enla chancellerie près le Parlement de cette Province (charge Onéreuse, et dont je me serois bien gardé de me faire pourvoir, Si j’avois prevu un supplément de finance de 14 000£ qu’il m’a fallû païer l’année derniere : Je vous fait cette observation que pour vous donner ma véritable adresse, dans le cas auquel j’aurois le Plaisir de recevoir quelques fois de vos nouvelles ; vous pourriès même tout uniment mettre ainsi l’adresse à M. Letourneau avocat en la Cour à Grenoble, et me faire parvenir le Pacquet sous l’Enveloppe de M. L’intendant où sous celle de M. son premier Secretaire : M. Cantat que j’ay l’Honneur d’Embrasser est au fait de cela […] Letourneau s’enquiert de ses parents et demande des nouvelles de sa famille avant de présenter la sienne : […] La mienne consiste en trois Enfants un fils de 20 ans reçu avocat l’année dernière, et deux filles l’une de 16 ans et l’autre de 14. Ils sont tous les trois 82 Saint-Ismier est au XVIIIe siècle beaucoup moins peuplée qu’aujourd’hui. 83 Miscellanea, tome IV, fs. 1424-1429. 28 Musiciens, mon fils joue du Violon, et mes filles touchent le Clavecin. Madame Letourneau me charge de vous dire mille choses de sa part […]. Ainsi, Letourneau possédait bien une résidence d’été au sein de laquelle il prenait ses quartiers d’été accompagné de sa famille. Il sut par ailleurs fournir en eau sa fontaine et sa propriété en prélevant une partie de l’eau sur la source des Dames de Sainte-Marie d’en Haut84. C’était en effet le vœu formulé sur le plan architectural avec cette inscription : En prenant le surplus de l’eau des Dames de Sainte Marie on pourra avoir un jet d’eau de 25 pieds.85 Dans son testament contrôlé par notaire, Letourneau devait à sa mort 4000£ sous forme de rente aux dites Dames, ce qui laisse à penser qu’un arrangement eu lieu afin de prélever effectivement une partie de leur eau.86Parallèlement à cette seconde demeure, Letourneau adopta un autre signe ostentatoire de noblesse, à savoir le port de l’épée come rapporté dans l’anecdote qui suit : Il y’a environ 16 ans, du tems auquel je forme ce Recüeil, qu’Etant eu Palais dans la Salle des Pas Perdus avec l’épée au côté, un Conseiller malhonnête intitulé M. de Charconne m’apostropha en me disant pourquoi je me trouvois là avec mon Epée, sur ce que je lui repondis, il me demanda si je ne sçavois pas qu’il étoit M. de Charconne Conseiller au Parlement, je lui Répliquai vivement que non, et que comme il faisoit fonction d’huissier je Croïois qu’il en etoit un ! mon homme se retira sans mot dire.87 Ainsi, L’auteur des Miscellanea sut allier à la fois les signes extérieurs et intérieurs de noblesse, après avoir montrer le comportement en société que ce devait avoir tout honnête 84 Leur couvent est actuellement le musée Dauphinois à Grenoble au dessus du quartier Saint-Laurent. 85 Note sur le plan. 86 Voir annexes. 1 et 6. 87 Miscellanea, tome IV, fs. 1365-1366. Le conseiller de Charconne est un personnage atypique de cette seconde partie du XVIIIe siècle grenoblois, Letourneau rapporte de nombreuses anecdotes à son sujet au sein des Miscellanea. Ce Conseiller serait en effet coutumier de procédés douteux dans les affaires où il fut impliqué. En outres de nombreux juristes auraient eu selon Letourneau, et à l’appui d’exemples, bon droit de se plaindre de son comportement. 29 homme, voyons quelle morale, quelle discipline de soi devaient être intrinsèquement liée a ces apparences pour notre auteur.
LA MORALE DANS LES MISCELLANEA
Edmond Esmonin dans son étude des Miscellanea faisait remarquer que Letourneau accueillait volontiers les idées nouvelles apparues dans la première moitié du XVIIIe siècle cependant qu’il rejetait celle de la fin dudit siècle88. Néanmoins, nous pouvons aller au delà de cette limite en affirmant que la philosophie de l’auteur est proche sinon identique à celle des auteurs moralistes du Grand siècle. La « dépravation du Siècle »89 le désole de même que les écrits irréligieux90. L’affaire Jésuite tient une place importante dans son œuvre91 sans pour autant prendre partie d’un des deux camps alors en lutte. Etant familier des instances de pouvoirs provinciales de par sa fonction et son réseau tout en étant un habitué des mondanités urbaines, Letourneau n’en a que trop vu les travers92 : Tout homme qui considère bien sérieusement que l’Interet est le principal lien de la Société, se tiendra sans cesse sur ses Gardes, il se mefiera de ces belles Protestations de tendresse et d’amitié qui ne sont presque jamais sinceres, En Philosophe moderé et surtout en Philosophe Chretien il tiendra un juste milieu Entre la Retraite et le grand Monde : Il se Livrera essentiellement à sa famille et à l’Education de ses Enfants, Partageant ainsi ses moments entre L’Etude de la Sagesse et des amusements honnêtes : Son bonheur sera aussi grand qu’il peut être sur la Terre : la Partique des Vertus, et la Tranquilité de sa conscience lui feront attendre la mort non pas avec Empressement, mais au moins sans beaucoup Crainte.93 Il dénonce la corruption de beaucoup de serviteurs de l’Etat, critique les faux dévots et démasque les Tartuffes. Apres Voltaire c’est Molière qui fait figure d’importante référence littéraire pour Letourneau, lorsqu’il dresse des portraits de personnalités célèbres, le chancelier de la cour du Parlement utilise des personnages de l’œuvre de Jean BaptistePoquelin aussi bien que des noms lié à l’antiquité gréco-romaine afin de ne pas citer nommément des individus assez puissants pour lui causer du tort94 . Une vertu pré-républicaine ? De Paris à Moulins et enfin Grenoble, l’Intendant de La Porte et Letourneau sont liés. Ils partagèrent près de vingt années ensembles au service du Roi de 1740 jusqu’en 1759 et l’affaire de Monticourt95 la dernière que traita le secrétaire avant de quitter son poste : Copie de la Lettre Ecrite par M. Dela Porte Intendant de Dauphiné à M. Trudaine Intendant des finances le 14 aout 1759. […] N.a que la Partie des fermes générales m’Etoient alors confiée à l’Intendance c’est la derniere affaire dans laquelle jay travaillé. LETOURNEAU […].96 Ainsi quels pouvaient bien être les rapports entre les deux hommes ? Etait-ce un rapport de Protecteur à Protégé ? Comment Letourneau percevait-il sa fonction ? Edmond Esmonin laissait entendre qu’une animosité existait entre l’Intendant et son secrétaire, qu’il s’était brouillés. Cet événement conduisant ce dernier à quitter son poste de secrétaire97. Il aurait été congédié ou contraint à la démission ce qui tranche pourtant avec plusieurs qualités que Letourneau reconnait à son patron. Ainsi, souligne t-il son honnêteté en tant qu’administrateur du Dauphiné : Probité de Damon. Un subdelegué passe une adjudication et Envoie au premier secretaire de l’Intendance (ou à Damon c’Est tout un) ce qu’il croit devoir lui revenir à ce sujet, Damon refuse l’argent et le renvoie au subdelegué » qui lui repond : vous êtes, Monsieur, plus Delicat que fontanius98, qui bien loin de ne vouloir pas accepter, a toujours Exigé en pareille Occasion.99 De la Porte refuse obstinément tout présent qui serait lié à des affaires en cours, ce que loue son subalterne. Il lui est reconnaissant d’avoir défendu ses secrétaires face au lieutenant général de Police, le Sieur Amat Dumolin, qui était entré en conflit en1753 avec Letourneau et le secrétaire Moisson. Ces derniers auraient omis de respecter les procédures lors d’une séance des syndics de la ville à propos du commerce et de ses statuts, en ne tenant pas au courant le Lieutenant et en délibérant sans son autorisation. L’intendant prit fait et causes pour ses commis et envoya une lettre au Lieutenant en réfutant ses accusations de même que les mauvais propos tenus contre ses secrétaires. Á partir de ces exemples et réflexions Letourneau rédige la maxime suivante : L’honnete-homme s’annonce assés sans se préconiser lui-même, et je ne serois assés tenté de douter des Sentimments de ceux qui se ventent sans cesse d’en avoir : l’honnete-homme d’ailleurs n’est que ce qu’il doit être, et l’on ne peut faire trophée d’une qualité necéssaire et qui n’est pas même Suffisante, si on envisage les hommes vivants en Societé. Quant aux présents, je soutiens, malgré la Dépravation du Siècle, qui ne les admet que trop, puisqu’en général on ne peut aujourd’huy obtenir justice soit à la Cour, soit à la ville, qu’en versant l’or à plaines mains Je soutiens dis-je qu’on ne doit recevoir aucune Especes de présents (même de Gibier) après les affaires finies ; et qu’il n’y a absolument que les gens du même Etat qui étant lié d’amitié, et qui, n’aïant entre-eux aucunes affaire d’Interet, puissent s’Envoier reciproquement des fruits des Productions de leurs Campagnes du Gibier de leur Terres […] un Amy paroît Curieux d’un de mes Livres je lui envoie, ce seroit une Dureté et une Impolitesse de sa part de ne pas l’accepter : J’aurois tort Egalement de ne pas recevoir une Estampe où autre Bagatelle parles quelles il voudroit me marquer sa Reconnoissance. Je conviens que si les Commis S’en tenoient à leurs appointement et à quelques Droits légitimes attachés à leurs Places, nous verrions se faire beaucoup moins de fortunes en peu tems, nous verrions beaucoup moins d’habits galonnés, que les Traiteurs, les petites filles et les femmes Coquetes y perdroient beaucoup, mais à tout cela je n’y vois qu’un grand Bien : il est vrai encore qu’un superieur, pour soutenir la Probité de ses commis, doit leur faire un sort raisonable, et augmenter leur traitement à mesure qu’ils lui sont utiles et qu’ils vieillissent dans ses Bureaux, desorte qu’ils puissent chaque année mettre quelque chose de Côté, et se conserver une Poire pour la Soif, lorsqu’ils se trouveront hors de Combat : Ils n’acheteront pas de charges de Secretaires du Roy) , ils n’Epouseront pas des filles de Sousfermiers, mais ils mourront comme ils auront vecus, c’est-à-dire en honnêtes gens, et leur bonne Conduite (en faisant leur Eloge) fera aussi celui du Ministre où de L’homme en Place sous lesquels ils auront travaillé. Adieu ne plaise que je sois surpris, et encore moins scandalisé qu’un homme chargé de grandes Parties et aiant des appointements proportionnés à son travail ne puisse faire une fortune honnête, et qu’en trouvant une femme qui lui donne du bien, il fasse ce qu’on appelle une Bonne Maison, Eleve et même avance d’un Degré sa famille : ces Evénements heureux sont la suite et la Recompense du merite et du Travail : Le public verra toujours avec plaisir un honnête homme prospere et on ne peut pas Tourner le Dos à la fortune quand Elle se présente avec Thémis et Minerve.100 Cette réflexion illustre bien la clairvoyance de Letourneau sur les mœurs et la société au temps des Lumières. Bien que réfléchie, l’auteur n’en est pas moins contradictoire. S’il fait preuve d’avance sur son temps en évoquant une augmentation progressive des gages des secrétaires en fonction de leur ancienneté, il fut cependant contraint d’acheter une charge de Secrétaire du Roy. Á ce titre c’est sans doute de lui-même que Letourneau parle ici étant donné que cette réflexion date de 1762 soit trois années après son départ de l’Intendance. Cette charge n’était autre qu’une sinécure anoblissante qui tient toutefois à cœur son propriétaire. Celui-ci recueillit méticuleusement les textes juridiques concernant son office. Ainsi, au sein du tome IV des Miscellanea, Letourneau dresse une liste exhaustive des privilèges des secrétaires du roi tirée de l’Encyclopédie101. L’auteur n’hésite pas à comblé les lacunes de l’article, à travers une note de bas de page, en rappelant les différents édits et arrêts que l’encyclopédiste avait omis de citer. C’est à M. Colaud de la Salcette, célèbre juriste à Grenoble, que l’avocat achète sa charge102 en 1759 pour près de 80 000£
Penser l’autre sexe, l’idéal féminin selon Letourneau
Le thème de la famille est plus particulièrement l’image de bon père de famille, de patriarche modèle est récurent au sein des Miscellanea. Être un bon père est un devoir moral pour Letourneau. Cependant une place toute particulière est aussi accordée à la femme dans ses manuscrits. Ainsi la série d’articles dispersé au sein des six tomes nous permettent de reconstituer la femme idéale et les qualités, tant physiques que morales, que celle-ci devaient possédait. Les textes traitant ce sujet sont de nature remarquablement variés. En effet, nous avons aussi bien des extraits de pièces de Molière, des anecdotes célèbres ou personnelles, que des correspondances ou réflexions personnelles que l’auteur retranscrit. Un poème de Letourneau en latin120, le seul qu’il compose dans la langue de Cicéron qui correspond aussi au seul endroit des Miscellanea où le latin est utilisé dans un but de censure121, décrit son idéal féminin : Tout ce qu’il faut que possede une femme pour être exactement Belle, ou la chose impossible. Texte latin original Traduction. « Trigenta haec habeat quae vult formosa vocari faemina, sic helenam fama fuisse refert. Alba tria, et totidem nigra et tria rubra Puella tres habeat longas res, totidem que breves. tres crassas totidem graciles, tria stricta tot ampla Sint itidem huic formae, sint quoque Parva tria. Alba Cutis, nivei dentes albique Capilli, nigri oculi, C**, nigra supercilia. Labra, genae atque vugues Rubri : sit Corpore Longa, et longi Crines, sit quoque longa manus. Sint que breves Dentes, auris, pes ; Pectora lata et Clunes, Distent ipsa Supercilia. C** et os strictum, Stringunt ubi cingula « Que celle qui veut être appelée une femme bien faite, ainsi que la renommée raconte ce que fut Hélène, possède ces trente traits. Blondes les trois et brunes aussi et rousses les trois, que ces trois jeunes femmes aient ce qu’il faut de long autant que ce qu’il faut de court. Que les trois soient épaisses autant que graciles ; les trois sévères autant que sublimes ; de la même façon que leurs formes soient aussi petites toutes les trois. Peau blanche, dents éclatantes et cheveux blancs ; yeux noirs, c(on sombre), sourcils noirs. Des lèvres, des joues et (?) rouges : Qu’elle soit élancée de corps, et des cheveux longs et aussi que chacune de ses mains soit déliée. 120 Miscellanea, tome I, fs. 724-725. 121 D’ordinaire, lorsque Letourneau recourt à la censure ou au secret, il utilise des astérisques et/ou des pseudonymes. 41 stricta. Sint coxae et culus, vulvaque turgidula. Subtiles Digiti, Crines et Labra Puellis ; Parvus sit nasus, parva Mamilla, caput. Cum nulli aut rarae sint haec, formosa vocari nulla Puella potest, rara Puella potest ./. » Et que ses dents soient petites, l’oreille, le pied (aussi) ; une large poitrine et des fesses et que ses sourcils soient bien séparés. C(on) et visage étroit, qu’elle soit étroite où les ceintures serrent. Que ses cuisses, son cul et son sexe soient gonflés. Qu’elle ait des doigts délicats, des cheveux et des lèvres de jeune fille tendre ; Que son nez soit petit, menus ses seins, sa tête. Comme celles-ci (= ces femmes) n’existent pas ou sont rares, aucune jeune femme ne peut être appelée bien faite, rare est peutêtre la jeune femme. » L’aspect érotique sinon explicitement sexuel dans certains vers, explique l’usage du latin que la pudeur de l’auteur ou le risque de passer pour individu aux mœurs légères s’il venait à être lu a rendu nécessaire. Nous avons ici la femme telle que fantasmé par l’auteur, bien entendu cette idéal est inspiré des canons de beautés de XVIIIe siècle et ne laisse place qu’a peu de fantaisie. Il s’agit plutôt d’une recherche d’un Beau parfait, nous retrouvons cette obsession dans un texte intitulé Chanson sur les deux sœurs Loizon, ceux qui ont vecû au Commencement du reigne de Louis XIV ont assés entendû Parler de leur Beauté et de leur Conduite122. Letourneau reprend cette épigramme célèbre en son temps où l’auteur subjugué par la beauté des sœurs ne sait plus s’il préfère la brune ou la blonde. Letourneau en commentant le poème affirme qu’elles étaient originaires de Lyon et que leur mère les conduisit à Paris pour les prostituer, Elle y réussie (sic). En note Letourneau affirme à plusieurs reprises qu’il possède une gravure de ces deux sœurs. Encore une fois c’est ici la beauté physique qui domine, et l’auteur s’enorgueillit d’avoir pu rencontrer l’ainée des sœurs lorsqu’il était encore à Paris chez son père, celle vit vint solliciter le procureur du Châtelet pour un procès. Letourneau prétend par la suite être lié de parenté avec cette sœur dans la mesure où elle eut une liaison avec son oncle123. Ces sœurs étaient célèbres à travers la Capitale, l’une était blonde et aux yeux noir et l’autre brune aux yeux bleus.
PARTIE I – HOMME DE LOI, HOMME MONDAIN : LES ANECDOTES DE LETOURNEAU |