Un nouveau domaine de recherche en physique atomique s’est récemment développé et a déjà produit un fait expérimental particulièrement remarquable : il s’agit de l’observation d’une violation de la parité dans les atomes, c’est-à-dire d’une manifestation d’une certaine préférence entre la droite et la gauche dans les lois physiques régissant les systèmes atomiques. Ce fait est le premier en physique atomique qui ne soit pas interprétable (môme qualitativement) par l’Electrodynamique Quantique, une théorie pourtant déjà testée jusque dans ses moindres implications avec une impressionnante précision.
L’effet de violation de parité est certes très petit. Aussi son observation a-t-elle nécessité le recours à un choix très particulier de conditions expérimentales, en même temps que la mise en oeuvre de méthodes très sensibles. Nous décrivons dans ce mémoire les expériences qui nous ont permis de mettre en évidence un effet de cette nature dans une vapeur de césium. L’effet mesuré correspond à un dipôle électrique de transition de 10⁻¹¹ |ea o entre les états 6S et 7S de l’atome de Cs, états dits de même parité. Malgré son extrême petitosse, étant donné le rôle essentiel jouó par les symétries dans la compréhension des lois physiques, la violation de paritó en physique atomique mérite une attention particulière.
La violation de parité dans les atomes stables s’interprète par l’existence de l’interaction faible « à courant neutre » entre les électrons et les nucléons, une interaction qui, contrairement à l’interaction électromagnétique, n’est pas invariante par réflexion d’espace. Ce type d’interaction a été prédit en 1971 dans le cadre dos nouvelles théories de jauge, extensions de l’Eloctrodynamique Quantique qui unifient les interactions faiblos (responsables de certains processus de désintégration tels que la radioactivité 03B2) et les interactions électromagnétiques C’est en fait dans le but de tester cos théories qu’a été entreprise la recherche d’une violation de parité dans les atomes
Les théories électrofaibles sont d’un intérêt tout à fait fondamental.
Tout d’abord elles visent à unifier deux familles d’interactions en dépit de leurs dissemblances , cela signifie qu’elles révèlent un lien profond entre les deux types d’interactions tout en expliquant leur apparente diversité Celles-ci sont désormais décrites en termes d’échanges de bosons au photon médiateur de l’interaction électromagnétique correspondent des bosons faibles médiateurs des interactions faibles Cette unification fournit le premier formalisme mathématique capable de calculer les processus faibles avec une précision en principe comparable à celle de l’Electrodynamique Quantique. En outre l’unification électrofaible entraîne la prédiction d’effets physiques nouveaux ; le plus remarquable concerne l’existence de l’interaction faible « à courant neutre » (associée à l’échange d’un boson neutre appelé Z₀) alors que toutes les interactions faibles connues jusquelà sont « à courants chargés » (associées à l’échange des bosons chargés W±). Sitôt cette prédiction (1971) une recherche active des interactions faibles « à courant neutre » s’est développée auprès des accélérateurs de particules. De nombreuses manifestations en ont mamtenant été observées Mais, plus encore, récemment le boson Z₀, lui-même, a été directement produit au cours de collisions proton-antiproton à très haute énergie (CERN- 1983).
En dépit de moyens plus modestes, la physique atomique est elle aussi concernée. L’observation de la violation de parité dans l’atome de césium rapportée dans le présent exposé, est une preuve originale de l’existence de l’interaction faible à courant neutre Elle confirme la validité de la théorie électrofaible standard dans un nouveau domaine d’énergie, celui des faibles énergies actuellement inaccessibles à la physique des particules. En outre indépendamment de tout modèle théorique elle apporte une information complémentaire de celle obtenue à hautes énergies, concernant la structure de la nouvelle interaction électron-nucléon Elle met par suite des contraintes sérieuses aux modèles proposés en tant qu’alternatives au modèle standard .
Les théories électrofaibles ont fait progresser la physique de façon considérable. Elles suscitent encore des développements théoriques de plus en plus élaborés en vue de la grande umfication des forces fondamentales. Leur but initial était en s’inspirant de l’Electrodynamique Quantique, de décrire dans un même cadre mathématique cohérent d’une part l’interaction électromagnétique, et d’autre part les interactions faibles. Le cadre est celui des théories de jauge. Le grand intérêt de ces théories est d’être renormalisables : leurs prédictions sont de précision en principe quasi illimitée. Par ailleurs elles ont déjà reçu de nombreuses confirmations expérimentales. ,
Une prédiction cruciale des théories électrofaibles était l’existence d’une interaction faible préalablement inconnue, dite « à courant neutre » elle est associée à l’échange de bosons vectoriels neutres Alors que l’échange de bosons chargés implique une modification de la nature des parncules en interaction, la nouvelle interaction faible peut se manifester entre particules stables , si de plus ces particules sont chargées, c’est le cas dans un atome, elle se superposera à l’interaction électromagnétique .
Les résultats « neutrinos » sont en très bon accord avec le modèle standard. Mais ils sont limités au domaine des hautes énergies. D’autre part ces expériences « neutrinos » ne permettent pas de tester la violation de la parité. La raison est que les neutrinos n’existent dans la nature que dans un seul état d’hélicité et les antineutrinos dans l’état d’hélicité opposée. Il n’est donc pas possible avec ces particules de préparer des expériences-miroir. Par ailleurs un domaine important restait inexploré celui de l’interaction faible neutre entre électrons et nucléons Dans ce domaine on pouvait espérer départager le modèle standard et ses alternatives qui différaient quant à la nature et à la grandeur du couplage entre le Z₀, l’électron et les nucléons .
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