Le cadre conceptuel de la recherche
Pour répondre à ces questions, la recherche adopte les fondements théoriques issus des habiletés éducatives et des gestes professionnels d’ajustement. Les habiletés éducatives sont définies au travers des travaux de recherche de Schwartz (2003, 2009) et de Caparros-Mencacci (2003, 2007). Les concepts de ces deux chercheurs sont ici transposés au métier des AVS. Selon Schwartz (2009), le concept d’habileté se traduit par le fait que l’AVS fait appel à des ressources en termes d’intelligence pratique, au cours de l’action engagée, en s’appuyant sur les signaux qu’émettent les élèves en situation, pour réguler son action. L’AVS fait ainsi ce que Schwartz appelle l’usage de soi. Plus précisément, l’AVS prend alors dans l’instant, une succession de décisions d’agir et décisions sur la manière d’agir qui relèvent de la capacité à évaluer quel geste semble le plus approprié pour telle action dans tel contexte environnemental. L’AVS peut renormaliser les normes antécédentes qui sont présentes dans la classe au moment où il y entre. L’ensemble des règles que l’AVS rencontre peut recouvrir plusieurs aspects : exogènes comme les prescriptions de l’Institution, les missions des AVS, la loi de 2005 et la communication avec l’enseignant de la classe ; endogènes car données par l’enseignant de la classe par l’atmosphère, l’ambiance qu’il crée, sa représentation du handicap et de sa collaboration avec l’AVS. Elles peuvent même être données par l’AVS lui-même. Ce dernier va devoir retravailler toutes ces normes antécédentes pour les adapter à la situation singulière vécue, il va tenter en permanence de ré interpréter ces normes proposées. C’est ce que Schwartz (2000) nomme les renormalisations. En l’absence de normes antécédentes de l’institution scolaire concernant les mises en œuvre d’un accompagnement qui favoriserait l’acquisition d’apprentissage, c’est aux AVS de créer, d’inventer des modalités. Ce déficit de normes antécédentes est qualifié de trous de normes par Schwartz (Ibid., p. 260) « lacunes dans le pré-pensé parce que les normes ne peuvent jamais anticiper toutes les occurrences d’une situation ».
Les travaux conduits par Caparros-Mencacci (2003; 2007) sur les habiletés éducatives apportent également un éclairage concernant les manières de faire des enseignants. Cette chercheure montre que les enseignants ont recours à deux types d’habiletés –les tours habiles et les habiletés prudentes– qu’ils combinent tour à tour. Pour Mencacci ce sont des « savoirs d’action particuliers »qui sont appelés« habiletés éducatives en situation problématique »(2007). Les tours habiles sont des catégories de la ruse éducative, tandis que les habiletés prudentes sont des catégories de l’intelligence du moment opportun, de l’à propos. Ce sont des savoirs d’action endogènes, incorporés beaucoup plus qu’abstraits, sous-tendus par une pensée très peu dissociable du faire, en partie non verbale et souvent non consciente. Ils visent l’efficacité et ils sont incarnés de manière unique par chaque praticien qui en mobilise certains d’entre eux dans l’instant, et les agence sur le mode intégratif et non pas additionnel. Par exemple, la ruse –issue des tours habiles– est ici mise en oeuvre par l’AVS qui souhaite obtenir la compréhension des consignes. Et il est compris par savoir saisir le moment opportun –issue des habiletés prudentes–, la capacité de l’AVS à repérer sur le visage de l’élève des signes inanticipables qui vont lui servir d’appui pour réguler son action..
Habiletés éducatives et gestes professionnels d’ajustement d’un auxiliaire de vie scolaire accompagnant un élève autiste (271.85 KB) (Cours PDF)