VIE ASSOCIATIVE FÉMININE ET CIRCULATION DES BIENS DANS LES CÉRÉMONIES FAMILIALES
Essai de typologie des associations féminines
Par leur forme, leur fonction et leur modalité de fonctionnement, on distingue différents types associations. Emile Durkheim, De la Division du Travail social . Paris : PUF, 1991, p. 63 13 Marie André Tall , Identification des besoins de formation auprès des organisations féminines » ACDI ,PFPS, mars 1990 14 Fédération des associations féminines au Sénégal qui compte 162 associations dont 52 à Dakar. 15 Fédération nationale des groupements de promotion féminine qui compte environ 3500 groupements.
Les tontines
La tontine peut être définie comme un regroupement d’individus qui s’accordent à verser une certaine somme en un intervalle de temps régulier. Le montant total des cotisations ou levées sera remis aux participants à tour de rôle. La tontine est une association d’entraide financière, d’épargne et de crédit qui peut prendre pied autour d’un aïeul commun ou autour du voisinage. Elle est souvent définie comme : « une association d’entraide dont le rôle est de collecter, régulièrement (jour, semaine, mois, année ) les contributions financières ou/et non monétaires d’un certain nombre d’individus. A tour de rôle chacun peut ainsi utiliser à des fins personnelles la masse monétaire les versements en nature collectés 17». La tontine peut rassembler uniquement un groupe de personnes qui se connaissent déjà : c’est la tontine fermée . On parle de tontine ouverte si un membre a le droit d’amener d’autres participants . L’origine de la diversité des participants recoupent les motivations des membres et leurs ambitions à plus ou moins long terme. Ainsi, la tontine s’adapte aux moyens et aux besoins des participants qui partagent le même cadre d’activité : tontines de marché, de quartier, etc. La tontine est la plus sophistiquée des associations créées par les populations féminines. Elle est loin d’être homogène et est créée en fonction de divers critères en vue d’objectifs précis : fêtes religieuses, cérémonies familiales, etc. Les motivations d’ordre social ou psychologique sont l’expression de préoccupations purement économiques ou financières. Ce qui fait l’originalité d’une tontine c’est qu’elle intègre, dans une fusion dynamique, deux dimensions : une logique sociale et une logique économique. a-Les tontines de quartier Les tontines de quartier se caractérisent essentiellement par des relations interpersonnelles et mutuelles nouées dans un espace de vie par les participants. Elles ont pour but de pérenniser les relations, de faciliter le rapprochement en vue d’un voisinage harmonieux. La tontine repose sur la confiance entre les partenaires. C’est un système d’épargne rotatif, très populaire qui généralement basé sur l’argent. La tontine constitue tout autant un moyen de mener un projet en commun et de se voir fréquemment pour mieux se connaître. Elle constitue toujours une occasion de rencontres régulières pour ses membres qui sont obligés d’être présents aux différentes réunions sous peine de payer une amende. De même que les absences, les retards sont sanctionnés. Dans ces types d’organisations, les rencontres sont généralement mensuelles. Les levées sont déterminées par un tirage au sort effectués de manière rotative au domicile des participants. b- Les tontines avec organisatrice Dans ces tontines, on note une absence de relations directes entre les différents membres qui les composent. L’initiative revient à une seule personne qui décide du nombre de participants et prend contact avec les individus de son choix pour leur faire la proposition de participer à sa tontine tout en précisant le montant des contributions, des levées, la périodicité, etc. C’est donc le réseau de relations sociales personnelles qui permet de mettre sur pied une telle forme d’association. Ce type de tontine peut regrouper des hommes et des femmes de tout âge. Elle ne donne pas lieu à des rencontres entre les participants. Sa priorité n’est pas le renforcement des liens de sociabilité au sein du groupe mais la satisfaction d’un besoin qui nécessite la mobilisation d’une forte somme d’argent. L’organisatrice profite de ses relations, de ses connaissances pour en faire une source de revenu. En effet, à chaque levée, elle reçoit une commission communément appelée « fond de caisse » qui constitue un précieux « capital social »18 ou capital financier utilisée à des fins de développement d’activités rentables comme le commerce par exemple. 18 Pierre Bourdieu, Raisons pratiques sur la théorie de l’action. Paris : Edition du Seuil, 1994.
Les tontines des lieux de travail
Elles se distinguent généralement des tontines que l’on retrouve dans les quartiers. Ces tontines occasionnent rarement des rencontres périodiques entre les participants. Ceux-ci ne se retrouvent que lors de la première réunion afin de fixer les modalités de versement des contributions, le nombre de participants, l’ordre de remise des levées. Dans ce type d’arrangement ou les contributions sont le plus souvent mensuelles, on note aussi bien la participation des hommes que des femmes. d- Les tontines de marché Dans les tontines de marché on retrouve aussi bien des hommes que des femmes. Elles présentent une grande diversité du point de vue des appartenances sociales et professionnelles. Elles regroupent des personnes ayant des situations économiques et financières fort différentes. Les plus aisés sur le plan financier doublent ou triplent leur mise alors que les participants aux revenus faibles ou modestes disposent généralement d’une mise ou se regroupent pour disposer d’une seul et unique mise et partagent la levée. Les contributions sont journalières et les levées se font généralement tous les cinq jours ou dix jours ou toutes les quinzaines. L’argent reçu est généralement réinvesti dans l’activité commerciale des bénéficiaires. Il n’y a point de rencontres ni au début ni à la fin du cycle de cotisation. Il appartient à l’organisateur de faire le tour du marché pour collecter les contributions journalières des souscripteurs.
Les tours
C’est une association à but récréatif axée autour des loisirs de rencontres au cours desquelles on partagent des repas (tour de mbakhal), organise des séances de danses (tour de sabar ou de tama). Le principe de fonctionnement est que les membres cotisent et se retrouvent chez les membres qui les reçoivent à tour de rôle. Tout comme les tontines, les tours réunissent des personnes ayant une certaine proximité sociale et affective (relations d’enfance, origine commune, voisins, condisciples , collègues de bureau, etc.). Les membres ont l’obligation d’être présents aux différentes rencontres. Une nouvelle forme de tour est apparu depuis en milieu urbain : ce sont le tours de famille. Ils ont pour objectif de resserrer les liens familiaux et de renforcer les relations d’entraide et de solidarité entre les descendants d’une même lignée familiale. Elle a pour but de rassembler tous les deux, trois, quatre ou six mois les membres d’un même ancêtre utérin chez l’un d’entre eux afin de mieux se connaître. Une cotisation symbolique est fixée et doit être versée au moment de chaque rencontre. Une partie de l’argent est versée à celui qui reçoit la famille et qui prépare, à l’occasion, des mets à déguster. Le reste des cotisations est versé dans la caisse et est destiné à venir en aide un membre qui en exprime le besoin. 3- Les dahiras Le dahira est une association de disciples qui se réclame du même guide religieux. L’univers des dahiras mérite à lui seul une étude à part en raison de sa complexité et de sa spécificité et de son évolution. Les dahiras ne sont pas sur le même registre que les autres types d’associations étudiées, il peut toutefois exister des passerelles entre elles au vue de la diversité de ses membres 19. Le dahira est une association rattachée à un marabout et à une confrérie donnée (mouride, tidjiane, khadre et layènne). Les objectifs des dahiras ne sont pas les mêmes que ceux des associations évoquées. Ils s’articulent essentiellement au tour de la religion, du marabout et de la nécessaire solidarité entre talibés20. La fonction des dahiras est d’aider à mieux connaître la religion, à modeler les comportements dans le sens du « bien » et de favoriser une plus grande proximité entre disciple d’un marabout (Diop, 1982).
Première partie – Présentation du cadre sociologique de l’étude |