L’attentat terroriste – Le Terroriste, la Victime et l’État
Le terroriste et l’attentat : Victimisations primaires
Bases Légales :
L’article 2-1-b de la convention européenne du 10 janvier 2000 définit le terrorisme comme : « Tout acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque par sa nature ou par son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ».
L’article 421-1 du Code pénal français détermine également ce qu’est l’acte de terrorisme :
« Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur les infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;
2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ;
3° Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17 et les infractions définies par les articles 434-6 et 441-2 à 441-5 ;
4° Les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par les articles 222-52 à 222-54, 322-6-1 et 322-11-1 du présent code, le I de l’article L. 1333-9, les articles L. 1333-11 et L. 1333-13-2, le II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4, les articles L. 1333-13-6, L. 2339-2, L. 2339 14, L. 2339-16, L. 2341-1, L. 2341-4, L. 2341-5, L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2353-4, le 1° de l’article L. 2353-5 et l’article L. 2353-13 du Code de la défense, ainsi que les articles L. 317-7 et L. 317-8 à l’exception des armes de la catégorie D définies par décret en Conseil d’État, du code de la sécurité intérieure ;
5° Le recel du produit de l’une des infractions prévues aux 1° à 4° ci-dessus ;
6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;
7° Les délits d’initié prévus aux articles L. 465-1 à L. 465-3 du code monétaire et financier. » .
Ces caractéristiques de l’attentat sont vectrices de préjudices qui peuvent être multiples et que nous allons développer ci-dessous.
Atteinte physique :
La blessure physique est souvent celle à laquelle nous allons penser en premier quand nous nous représentons les conséquences d’un attentat terroriste. Le but même d’un attentat étant de tuer, blesser, détruire. Selon Galbert, « Celle-ci est visible et la victime peut relativement facilement en indiquer l’origine de sa souffrance. Elle crée une effraction de l’enveloppe physique, de la peau. Il peut y avoir une égratignure, une coupure ou, plus grave, un trou, un os qui est à nu, un membre qui manque, un organe vital touché. Le plus souvent, le sang coule. ».
Lors des attentats de novembre 2015 à Paris, 350 personnes ont été blessées, dont des dizaines garderont des séquelles à vie.
Atteinte psychologique :
En plus des effets directs des blessures physiques pouvant être causées par un attentat terroriste, celui-ci peut avoir des répercussions directes sur la santé mentale, la qualité de vie ou les relations sociales des personnes qui y sont confrontées. En effet, l’une des principales conséquences de l’acte violent que peut constituer une attaque terroriste est celui du trouble psychique. Celui-ci peut donner suite, dans les jours, semaines, mois voir années suivant l’événement, au développement d’un Stress Aigu et/ou d’un Trouble Stress Post Traumatique (TSPT) . Selon le DSM-V, « le TSPT peut survenir à n’importe quel âge, à partir de la 1ère année de la vie. Les symptômes débutent habituellement dans les 3 premiers mois après le traumatisme mais il peut y avoir un retard de quelques mois, voire de quelques années avant que les critères diagnostics ne soient remplis » Mathur et Schmitt estiment qu’un TSPT est développé par 24 à 35% des personnes exposées à un événement «potentiellement traumatique ». Cela pour une durée moyenne variant d’un à cinq ans, pouvant se poursuivre plus d’une dizaine d’années après l’événement. « En population civile exposée, on retrouve dans la littérature des prévalences de TPST de 20% à New York après les attentats du 11 septembre 2001, ou de 11% en Norvège après l’attaque de l’île d’Utoya ». Dans le cadre de leur étude sur la présence et l’intensité d’un TSPT chez les victimes de l’attentat du 3 décembre 1996, dans lequel une bonbonne de gaz a explosé dans une rame du RER B à Paris, Jehel, Paterniti, Brunet, Duchet et Guelfi montrent que sur un échantillon de 32 victimes, 39% montraient des symptômes sévères de TPST six mois après l’attaque et 25% présentaient des symptômes sévères 32 mois après les faits.
Atteintes matérielles :
De la même façon que lorsque nous parlons d’un attentat, nous avons souvent tendance à penser que les blessures physiques sont les principales conséquences de l’attentat, nous avons moins tendance à envisager les dégâts matériels que cela peut engager. Un acte terroriste étant souvent caractérisé par son extrême violence, celui-ci détruit et peut parfois empêcher toute forme de réparation.
On pourrait citer par exemple, l’opération policière du 18 novembre 2015 dans un immeuble de SaintDenis en France, dans lequel l’activation de la ceinture d’explosif d’un des terroristes tuera le commandant opérationnel des attentats du 13 novembre 2015. Les autres habitants de l’immeuble se sont retrouvés sans logement du jour au lendemain, certains n’ayant toujours pas été relogés jusqu’à 2 ans après les faits.
Variables particulières au terrorisme :
La théorie de la délinquance de Matza et Sykes apporte une dimension particulière. En effet, les techniques de neutralisation « ont pour mission de protéger le délinquant du blâme qu’il pourrait s’infliger à lui-même et du blâme des tiers » En effet, dans leur théorie, ils définissent cinq types de techniques de neutralisation :
– Déni de responsabilité
– Déni de dommage
– Déni de Victime
– Condamnation des « condamnateurs »
– Appel à des loyautés supérieures .
Le troisième point « déni de victime » nous intéresse car il peut caractériser une forme de déshumanisation de la victime. Dans ce cadre, le champ lexical utilisé par les groupes terroristes doit être souligné. Dans les communications réalisées post-attentats par les commanditaires de l’attaque, la victime peut être désignée comme «une ‘cible’, un ‘objectif’, un ‘symbole’, un ‘dommage collatéral’, un ‘porc’, un ‘apostat’, un ‘traître’, un ‘ennemi des travailleurs’, un ‘bourreau’, un ‘oppresseur’, un ‘sioniste, etc. » . Par exemple, dans le communiqué de revendication de l’État Islamique faisant suite aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris, on peut relever des termes tels que « abominations », « ennemis », « idolâtres », « cibles », et « croisés ». Ces différents qualificatifs entrent bien dans un processus de déshumanisation de la victime, un processus dans lequel les caractéristiques humaines de la victime lui seraient niées et pouvant alors être vecteurs de victimisation.
La portée d’un attentat terroriste est particulière, dans le sens où il peut atteindre, comme nous l’avons vu, des personnes ne se trouvant pas directement sur les lieux.
I. Introduction |