Vers l’intégration monolithique d’une micro-optique
active en polymère sur VCELs
Conception d’une micro-optique active intégrée sur VCSEL
Dans le chapitre précédent, nous avons présenté les solutions reportées dans la littérature pour assurer une mise en forme passive et active du faisceau laser des VCSELs à l’aide de dispositifs micro-optiques. Pour notre part, nous avons opté pour une approche collective : intégrer directement la micro-optique sur la source laser VCSEL en postprocessing et exploiter les potentialités des matériaux polymères (compacité, réalisation collective et simplicité du packaging). Nous avons en effet vu que la pertinence de cette démarche a été déjà démontrée pour des microlentilles passives, en combinant la photolithographie d’une résine épaisse (piédestal en SU-8) et le dépôt localisé d’un polymère fluide (microlentille). Au-delà de la correction passive, nous visons un objectif plus ambitieux : l’adaptation dynamique de la taille et de la position du waist du faisceau laser par l’intégration collective sur wafer VCSEL d’un MOEMS (Micro-Optical-Electrical-Mechanical System) fabriqué dans cette même filière polymère. C’est une approche qui se veut générique, valable quelle que soit la filière VCSEL considérée (GaAs, InP, …), et innovante car à notre connaissance plusieurs MOEMS ont été proposés dans ce but mais, excepté le cas particulier des VCSELs accordables, ils sont toujours associés à des VCSELs par hybridation lors de délicates étapes d’assemblage. Ce chapitre est consacré à la conception du dimensionnement du système optique et de la microlentille associée que nous souhaitons développer. Il débute par l’exposé de nos motivations pour le choix des matériaux polymères, puis dresse un état de l’art sur les actionnements possibles de microlentilles ou de micro-miroirs. Ceci nous permettra ensuite de préciser nos choix de conception pour le MOEMS complet, en tenant également compte des contraintes liées à une intégration collective sur un composant actif. Dès lors, nous présenterons les études optiques et électro-thermo-mécanique menées pour le dimensionnement du système.
Choix du matériau
Nous allons décrire ici les contraintes que nous nous sommes fixées pour réaliser un microsystème actif directement intégrable sur un VCSEL et les raisons pour laquelle nous avons choisi la filière polymère. Il s’agit pour nous de concevoir un microsystème actif capable de modifier verticalement la position d’une microlentille placée sur le trajet du faisceau du laser, de manière à ajuster dynamiquement la position et la taille du waist. Ceci implique tout d’abord que le matériau mécanique utilisé soit bien évidemment transparent à la longueur d’onde des VCSELs (généralement 0.75 à 1.55 µm), et plus spécifiquement dans notre cas à 850 nm. Les polymères conviennent donc parfaitement. De plus, ces matériaux peuvent aussi utilisés pour la réalisation de la microlentille elle-même. Par ailleurs, la disposition matricielle des VCSELs avec un pas réduit (pitch de 150 à 500 µm) induit une très forte contrainte sur l’encombrement de notre micro-optique adaptative. Il nous faut donc proposer un dispositif très compact, différent des dispositifs élémentaires généralement reportés dans la littérature et qui atteignent fréquemment plusieurs millimètres de côté. De plus, notre système compact doit être facilement intégrable sur un wafer VCSEL et avec une précision d’alignement suffisante. La première condition implique évidemment que le processus d’élaboration soit compatible avec un post-processing. Ce choix a une incidence immédiate sur la compatibilité des technologies employées, car aucune étape thermique audelà de 200°C (recuit ou dépôt de couche) n’est envisageable ; il faut également garantir la sélectivité des gravures aqueuses. En effet, l’utilisation de technologies à base de silicium ou de verre implique des étapes de gravures profondes à base d’attaques aqueuses (KOH, TMH, …) ou sèches (DRIE) qui sont difficilement compatibles avec les étapes de réalisation de VCSEL sur substrat III-V. La réalisation de MOEMS en technologie silicium nécessitera donc un report par hybridation après fabrication de celui-ci. Cette hybridation est toujours délicate, non seulement pour le positionnement dans le plan XY (alignement lentille / VCSEL) mais aussi et surtout suivant la dimension verticale (gap entre la surface d’émission du VCSEL et le plan de la lentille). Notre système compact impose un positionnement transverse précis (alignement optique VCSEL / lentille). Pour l’approche par hybridation, cela peut être effectué à l’aide d’un équipement de placement performant, mais cette étape reste délicate et surtout non collective. Par exemple, nous disposons au laboratoire d’un équipement Flip Chip (KarlSuss FC 150) de positionnement de puce précis (+/- 3 µm), pour obtenir un alignement latéral VCSEL-lentille suffisant. A l’inverse, les polymères peuvent être mis en forme simplement et directement sur la plaque VCSEL en profitant de la précision d’alignement qu’offre la lithographie (±1µm). De plus, le respect de la planéité et la maitrise du gap restent problématiques dans le cas de l’hybridation. Ces contraintes impliquent donc que la fabrication de cette micro-optique active puisse être intégrée simplement et directement (et non par hybridation) sur le wafer VCSEL. Les polymères sont donc là aussi les matériaux les plus indiqués, car la maîtrise du gap est possible grâce au contrôle de leur épaisseur lors de l’enduction sur la surface. En outre, l’utilisation d’une technologie collective bas coût est toute indiquée pour accroitre l’implémentation des VCSELs dans les applications grand public, cet aspect étant souvent un point bloquant pour le transfert industriel. Enfin, parmi les polymères possibles, la SU-8 possède des propriétés de mise en forme spécifique pour la réalisation de MEMS (cf. chapitre III), c’est donc le matériau que nous avons choisi. De plus, au début de cette thèse, notre équipe avait déjà commencé à acquérir une expérience sur ce matériau pour la micro-optique passive (Post doc C. Levallois, projet MIOPY).
Choix de l’actionnement
Plusieurs méthodes sont envisageables pour modifier dynamiquement la forme d’un faisceau à l’aide d’un microsystème optique. La plus simple à mettre en œuvre consiste à déplacer mécaniquement une lentille ou un miroir sur le trajet du faisceau (actionnement d’un levier ou d’une membrane suspendue), ce qui conduit à une déflexion (déplacement latéral) ou à un changement de la taille et de la position du waist du faisceau (déplacement vertical). Il est également possible de modifier la forme de la lentille (cas des lentilles déformables ou des lentilles à bain d’huile) pour agir directement sur sa distance focale, ce qui est plus efficace, mais plus difficile à mettre en œuvre. On peut aussi exploiter le changement d’indice optique d’un matériau par l’application d’un champ électrique (systèmes à base de cristaux liquides). Avant de décrire l’approche que nous avons décidé d’explorer, nous allons passer en revue ici les différents types d’actionnement possibles pour une application de mise en forme du faisceau laser pouvant être implémentés sur un VCSEL, en commençant par les commandes qui permettent un déplacement mécanique. Les critères pertinents pour le choix final seront : l’encombrement et la possibilité d’arrangement matriciel, la plage d’accordabilité et l’énergie de commande et enfin la complexité, la linéarité et la rapidité d’actionnement.
Commande piézo-électrique
Le principe de l’actionnement piézo-électrique est basé sur l’utilisation de matériaux se déformant sous l’application d’un champ électrique (fig.2.1 a). Le comportement électrique des dispositifs à base de matériaux piézo-électriques, tel que le quartz, correspond à celui d’un circuit résonnant à fort coefficient de qualité (Q>1000), largement mis à profit pour la réalisation d’horloge précise et stable. Les industriels se sont rapidement tournés vers d’autres matériaux que les cristaux, et plus particulièrement vers le PZT (Titano-Zirconate de Plomb). En effet, le PZT peut être synthétisé en couche mince, compatible avec le micro-usinage, et présente surtout un module de déformation très élevé sous l’application d’un champ électrique (typiquement quelques 70 nm/V [Hong, 2006]). Cette propriété électromécanique est employée dans des micromanipulateurs pour l’optique adaptative ou dans des capteurs comme les radars et sonars . Ce type micro-actionneur est basé sur l’insertion une couche mince d’un matériau piézo-électrique entre deux électrodes, aux bornes desquelles on applique une tension continue, qui vient par constriction réduire de quelques fractions de % l’épaisseur de la couche et donc de l’empilement. Cela explique pourquoi ce type d’actionnement est peu utilisé dans les microsystèmes, car il faudrait une surface millimétrique de PZT pour produire un déplacement de l’ordre du micromètre. Néanmoins, la rapidité d’actionnement et le contrôle précis du déplacement sont exploités pour l’actionnement de micro-miroirs [Cheng, 2001]. Cheng et al. ont ainsi proposé un système basé sur l’utilisation de micro-leviers comportant un miroir et une couche piézoélectrique en ZnO (Oxyde de Zinc) pour l’écriture laser. Ces micro-miroirs permettent de déplacer rapidement le faisceau d’écriture et donc d’augmenter la vitesse d’impression et d’obtenir une meilleure qualité en éliminant les problèmes de synchronisation des faisceaux tout en réduisant les coûts de fabrication par rapport à une imprimante laser conventionnelle. Un autre design (figure 2.1 b), cette fois basé sur un miroir asymétrique, a été proposé par Filhol et al., qui ont conçu un micro-miroir qui se déplace lors de l’actionnement d’une bande piézo-électrique en PZT. Ce système permet un scan laser rapide et sans perte de résolution. De fortes angulations du miroir (>90°) sont ainsi obtenues pour quelques dizaines de volts appliquées avec des fréquences de résonnance autour de 10 kHz. Enfin, Zhang et al. ont reporté une platine de translation X-Y fabriquée avec une méthode simple et planaire . Ils obtiennent des déplacements de l’ordre de 20 µm pour des tensions de commande de 150 V. Cependant, le système complet présente un encombrement de plusieurs millimètres carrés.
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