VERS LA MISE EN ŒUVRE D’UNE STRATEGIE ENERGETIQUE DANS LES PROJETS URBAINS
Dans ce dernier chapitre nous rassemblons les différentes conclusions que notre étude comparative des pratiques en matière d’énergie dans les projets urbains Paris Rive Gauche, Paris Nord Est et Clichy- Batignolles nous a permis d’esquisser. A partir de ces observations, nous formulons plusieurs pistes de réflexion qui pourraient participer { la mise en œuvre de la transition énergétique dans les projets urbains. Il nous semble tout d’abord qu’il existe plusieurs ingrédients, plusieurs pratiques qui pourraient favoriser la prise en compte des enjeux de l’énergie dans les projets urbains : l’évaluation, le développement de méthode de conception partagée et l’intégration d’une expertise auprès des acteurs conduisant le projet urbain dans son ensemble (1). Notre analyse des trois projets parisiens nous amène par ailleurs { envisager que soit définie et mise en œuvre une stratégie énergétique locale (2). Nous pensons que les enjeux énergétiques devraient être considérés lors de la définition de la stratégie de mutation du territoire. Développer une stratégie énergétique, c’est-à-dire définir des orientations stratégiques traduites en objectifs accompagnés de critères et d’indicateurs, nous semble pertinent pour mobiliser les acteurs du projet urbain et assurer la qualité énergétique du quartier en devenir. La constitution de cette stratégie énergétique locale doit émaner en partie des élus et s’appuyer sur un ensemble de données territoriales. Il apparait par ailleurs nécessaire de désigner un acteur du territoire en charge de ce management stratégique de l’énergie (3). Enfin, il nous semble que les conditions nécessaires au changement de pratiques et à la recomposition du système d’acteurs induits par la mise en œuvre de la transition énergétique dans les projets urbains pourraient être éclairées par les théories de la sociologie de l’innovation (4).
LA NECESSAIRE EVALUATION DE LA QUALITE DES INVESTISSEMENTS EN MATIERE D’ENERGIE
Maitriser la demande en énergie des bâtiments et des services urbains et développer des unités de production d’énergies renouvelables et de récupération représentent un coût d’investissement non négligeable. Les acteurs que nous avons rencontrés nous ont rappelé que bien souvent le coût de l’investissement dans des solutions innovantes sur le plan énergétique constituait un frein { l’action. Toutefois, selon les acteurs, l’impact des choix de conception et de matériaux en faveur de la performance énergétique sur le coût de la construction d’un bâtiment est plus ou moins relativisé. Bien que ces questions de coût de constructions concernent uniquement les opérateurs immobiliers, elles ont des conséquences sur le bilan financier des opérations d’aménagement : « La question économique est celle des constructeurs qui doivent payer des bâtiments plus chers pour atteindre les objectifs. Quand ils paient des bâtiments plus chers, le terrain vaut moins cher. Si le bâtiment vaut plus cher, le terrain vaut moins cher. Donc, ça a une répercussion sur le bilan. C’est une décision, un choix politique assumé, aussi bien par les techniciens que par les élus. Il faut faire avec. Il est difficile { évaluer, l’impact. On pourrait l’évaluer sur une opération, mais il y a une telle évolution du coût du foncier… De toute façon, on ne se pose pas cette question. Il y a des objectifs { atteindre, portés par la Ville de Paris. On se donne les moyens d’atteindre ces objectifs. Et si ça passe par une altération du niveau des droits { construire, c’est assumé. » (PRG, aménageur, Direction de la programmation et de l’urbanisme, le 20/09/2012).
La recherche par la Ville de Paris d’une meilleure performance énergétique des bâtiments neufs doit donc s’accompagner du niveau d’investissement nécessaire. Selon certains acteurs, il n’est pas utile de faire supporter à la collectivité le surinvestissement relatif à la performance énergétique puisque ce surcoût est absorbé par le marché immobilier, du moins à Paris : « C’est le problème des opérateurs, pour tout ce qui est performance énergétique de leur bâtiment. Toutes les opérations privées, ça fait partie du bilan des promoteurs. Le marché du logement à Paris le supporte encore parce que c’est un marché où les coûts de sortie sont monstrueux, même si le foncier est très cher. Finalement, ça reste marginal sur des coûts { la fois de foncier et d’acquisition qui sont énormes. Donc, je pense que c’est absorbé naturellement. Pour tous les logements sociaux, ce sont des équilibres de bilan et la Ville est appelée dans l’équilibre de ce bilan. » (Clichy- Batignolles, Ville de Paris, Direction de l’urbanisme, le 27/07/2012).