Contexte et problématique
Contexte général : l’agro-écologie comme modèle d’agriculture durable
Depuis les années soixante, l’agriculture connaît une crise environnementale et sociale remettant en cause le modèle d’agriculture productiviste ou industriel. En effet, en dépit de ses résultats très positifs en termes de rendements agricoles et d’approvisionnement en nourriture, l’agriculture moderne intensive a entraîné des effets négatifs sur les ressources naturelles et l’environnement. De plus dans plusieurs pays du Sud, ce type d’agriculture est apparu comme non adapté aux besoins et contraintes d’un grand nombre de petits producteurs limités en ressources et en revenus.
Une réflexion critique menant au changement de paradigme dans le modèle de production agricole et la recherche agronomique a permis l’émergence du concept d’agriculture durable vers la fin des années quatre-vingts. L’objectif est alors de développer des systèmes alimentaires plus durables, plus sains et intégrant des considérations à la fois environnementales, économiques et sociales (Robertson & Swinton, 2005 ; Pretty et al., 2010 ; Altieri et al., 2015). Ce constat a abouti à l’émergence de l’agro-écologie qui est une approche agricole basée sur l’intensification des processus écologiques et aux interactions entre les composantes de l’agrosystème de façon à optimiser l’utilisation des nutriments et de l’énergie sur l’exploitation.
L’objectif des pratiques agroécologiques est de fournir de nombreux biens et services écosystémiques (ou plus exactement agrosystémiques, pour les systèmes cultivés) : approvisionnement en fibres et nourriture, séquestration du carbone et atténuation du changement climatique, résistance à l’érosion, régulation de la qualité de l’eau, résilience aux perturbations et aux stress (Hobbs & Govaerts, 2010 ; Powlson et al., 2016). L’agro-écologie est sensée fournir de nombreux avantages : une plus grande durabilité et résilience environnementale, la conservation des ressources naturelles (eau, sol, biodiversité), une réduction de la dépendance des petits exploitants aux intrants chimiques chers et difficiles d’accès, une plus grande productivité atteinte à travers une diversification des produits (Wezel et al., 2009 ; Silici, 2014). L’intensification écologique, dans le respect des considérations environnementales, économiques et sociales, est la base de la provision des services agrosystémiques et de la sécurité alimentaire (Bonmarco et al., 2013). Ainsi, l’agro-écologie constitue une piste prometteuse pour réduire l’insécurité alimentaire au niveau mondial. Actuellement, huit cent cinquante millions de personnes sont victimes de la famine, dont plus de la moitié sont des petits agriculteurs ou travailleurs agricoles vivant dans des zones rurales (FAO, 2011).
Contexte local : le développement de l’agro-écologie à Madagascar pour améliorer la sécurité alimentaire et atténuer le changement climatique
Madagascar est l’un des pays les plus pauvres de l’Afrique Sub-Saharienne (ASS); classé au 158ème rang sur 188 pays dans le monde selon le Rapport sur le Développement Humain 2016. Le taux de pauvreté est élevé affectant plus de 70% de la population ; 52% vit en dessous du seuil d’extrême pauvreté (PAM, 2014). Le Ministère malgache de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (MAEP) estimait en 2009 que 8% de la population souffre d’insécurité alimentaire chronique et 38% est considérée comme sous-nourrie. Récemment, une analyse globale de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et de la vulnérabilité, menée par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a fait remarquer que cette situation ne s’est pas améliorée depuis une décennie. En effet, en 2012, 76% de la population demeuraient encore dans une situation sévère d’insécurité alimentaire ayant un régime alimentaire très pauvre, en qualité et en quantité (Rapport de la Consultation ODD, 2016). Cependant, l’agriculture représente le premier secteur économique, contribuant à environ 26% du PIB de la Grande Ile (INSTAT, 2011).
La riziculture occupe la première place dans le secteur agricole vu que le riz constitue l’aliment de base des Malgaches. Cependant, la production rizicole inondée ne suffit plus à nourrir une population croissante à cause de la saturation des bas-fonds. Dans ce contexte, les agriculteurs commencent à exploiter les terres de collines ou « tanety » pour y produire une riziculture pluviale. Ceci est particulièrement développé dans les régions de moyenne et haute altitude (700 à 1 800 m) de Madagascar (www.dp-spad.org). Or, les sols de tanety des Hautes Terres sont des sols ferrallitiques acides, fortement désaturés, pauvres en matière organique et en N et P disponibles. En effet, la teneur élevée en sesquioxydes de fer et d’aluminium dans ces types de sols leur confère un fort pouvoir fixateur du P disponible du sol (Rabeharisoa, 2004). Ainsi, il s’avère nécessaire d’apporter des fertilisants pour pallier cette faible fertilité.
Cependant, les agriculteurs, dominés principalement par des petites exploitations à faible revenu n’ont pas d’accès aux fertilisants chimiques. Les matières organiques MO végétales (résidus de cultures, composts) et animales (fumiers) représentent un pool potentiellement important pour fournir des nutriments aux cultures. Toutefois, cette ressource est insuffisante. De plus, les cultures sur tanety sont pluviales et donc très sensibles et vulnérables au changement climatique. Les climatologues prévoient, pour les Hautes-Terres, une augmentation de la température, une réduction de la durée de la saison des pluies associée à une augmentation de l’intensité des pluies (Rapport de la Direction Générale de la météorologie de Madagascar, 2008). L’érosion de ces sols fragiles risque alors de s’accentuer avec une perte accrue de nutriments. En outre, l’attaque des maladies (pyriculariose) et des bioagresseurs (vers blancs et autres coléoptères, plantes parasites comme le striga, …) constitue une contrainte majeure dans la culture de riz pluvial. L’utilisation des variétés qui répondent positivement à ces critères semble être une alternative prometteuse. Néanmoins, la diversité variétale exploitée par les producteurs reste très limitée surtout pour les zones en haute altitude. Ainsi, le développement de l’agriculture rizicole pluviale des Hautes-Terres malgaches fait face à de nombreux défis et contraintes auxquels la recherche doit apporter des réponses.
État de l’art
Biens et services écosystémiques
Les biens et services écosystémiques sont définis comme les bénéfices que les humains peuvent tirer du fonctionnement des écosystèmes (Millenium Ecosystem Assessment, 2005). Ces services écosystémiques sont regroupés en quatre grandes catégories : (i) services d’approvisionnement, (ii) services de régulation, (iii) services culturels et (iv) services de support ou d’auto-entretien.
Les services d’approvisionnement
Il s’agit des produits obtenus à partir des écosystèmes ou agro-écosystèmes directement utiles à l’homme. Par exemple, les produits alimentaires dérivés des plantes et animaux, l’eau potable, les fibres utilisées en tant que matières premières (bois, jute, coton, laine, soie ou chanvre), les combustibles (bois, bouses, biocarburant), et enfin diverses ressources génétiques, médicinales et ornementales.
Les services de régulation
Les écosystèmes dans leur fonctionnement, sont directement impliqués dans les échanges avec l’atmosphère. Le maintien de la qualité de l’air et du sol, la purification de l’eau et des déchets et la pollinisation des cultures font également partie des services de régulation assurés par les écosystèmes. En outre, ces services de régulation permettent de modérer ou réguler les phénomènes naturels. Ils assurent la régulation du climat, la modération des risques naturels (inondation, sècheresse,…) et de l’érosion ainsi que la régulation des maladies et des bioagresseurs.
Les services culturels
Ce sont les bénéfices immatériels que l’humanité peut tirer des écosystèmes. Ces services sont, notamment, l’inspiration esthétique, l’identité culturelle, le sentiment d’appartenance et l’expérience spirituelle liés à l’environnement naturel.
Les services de support ou d’auto-entretien
Ces services constituent le fondement de tous les écosystèmes et de leurs services. Ils sont liés à l’existence de la Vie sur Terre (formation des sols, production primaire, production d’oxygène). Les services de support ou d’auto entretien sont indispensables à la production des autres services.
Dans les écosystèmes terrestres, le sol est l’élément fondamental dans la fourniture des services écosystémiques. Ceci est principalement lié au fonctionnement biologique du sol ou bio-fonctionnement du sol regroupant l’ensemble des fonctions assurées par les organismes vivants du sol. Cette biodiversité est connue pour remplir de nombreuses fonctions qui déterminent le fonctionnement du sol et assurent, entre autres, la croissance végétale.
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