Vécu et ressenti des patients diabétiques de type 2 suivis par le protocole ASALEE
Le suivi ASALEE : une organisation qui s’adapte au quotidien des patients
L’organisation du suivi ASALEE en pratique
- Initiation du suivi La majeure partie des patients ont rencontré l’infirmière ASALEE par le biais de leur médecin traitant. Ces derniers leur proposaient un rendez-vous avec l’infirmière exerçant dans leur cabinet lors des consultations ou la présentait à la fin de celles-ci. « Ben, j’étais là le jour où elle est arrivée d’ailleurs. Dr R m’a dit ben si vous voulez, il y a une infirmière qui va arriver et il m’a expliqué… Je lui ai dit oui pourquoi pas… » (P8) Le fait que la présentation se déroule de cette manière peut représenter une incitation pour les patients. En effet, une relation de confiance existe entre les deux parties. Les patients ne connaissant pas le protocole ont donc commencé le suivi ASALEE avec un a priori positif puisqu’il venait directement des conseils de leur médecin traitant. « Donc quand il m’a dit aussi est ce que vous voulez voir quelqu’un, j’ai dit oui… S’il me propose ça, c’est qu’il peut y avoir quelque chose de bien à tirer. » (P8) Certains sont entrés dans le protocole par d’autres moyens. Ils ont pu être contacté soit directement par l’infirmière, soit initié la prise en charge pour d’autres raisons que le diabète notamment le suivi du poids ou l’arrêt du tabac : « Le poids, le poids le problème de hernie discale » (P4) « En 2018, j’ai commencé à faire un atelier anti-tabac, je fumais énormément, je fumais 2 paquets et demi par jour et j’ai fait le premier atelier. » (P2) • La première consultation La plupart des premières consultations avec l’infirmière duraient une heure et permettaient un interrogatoire poussé, explorant notamment les antécédents de chaque patient, les traitements qu’ils prenaient ainsi que les antériorités de leurs bilans sanguins. 12 « Alors la première consultation, on a fait un entretien qui a… Qui a duré. Parce que j’ai presque souvenir d’une heure » (P6) « Elle m’expliquait un petit peu l’analyse de sang et c’était bien, c’était bien de savoir. » (P9) Par la suite, la consultation était ciblée sur le diabète. En s’adaptant aux connaissances de chacun, elles reprenaient le fonctionnement des différents traitements. De plus, elles mettaient à jour les examens de dépistages tels que le test au monofilament et l’électrocardiogramme : « Un examen total des pieds pour voir si j’avais des plaies ou si j’étais sensible et cetera » (P2) « Me faire aussi bien un électrocardiogramme » (P8) Puis les infirmières prenaient le temps de présenter leurs objectifs, principalement concernant l’éducation thérapeutique. Les participants ont donc reçu des conseils personnalisés concernant leur alimentation, la pratique d’activité physique… Les infirmières ont aussi repris les différents points concernant le suivi du diabète avec les différents examens biologiques et consultations de spécialistes à réaliser : « J’ai eu beaucoup de conseils concernant tout le suivi de ce qu’un diabétique doit faire. » (P5) « On a parlé de mon poids…De l’alimentation » (P4) • Le déroulement du suivi Par la suite, les suivis différaient en fonction des patients. Certains étés revus tous les trois mois, d’autre tous les mois ou encore tous les quinze jours : « Tous les quinze jours » (P4) « Depuis, je suis régulièrement suivi tous les mois. » (P2) 13 Le rythme semble varier en s’adaptant aux patients et peut changer en fonction de ses besoins : « Mme B à un moment donné, on se voyait une fois par mois puis après elle a vu qu’il fallait rapprocher, elle a dit une fois tous les 15 jours. » (P8) Les patients ont mis l’accent sur la répétition des différents points abordés au cours de la première consultation. À chacune d’entre elles, des conseils personnalisés sur l’alimentation et la réalisation d’activité physique étaient repris. Cela permettait au patient de nombreux rappels qui ont permis d’inscrire les changements d’habitude dans le temps : « Il y a une espèce de coaching qui est important parce qu’assez répétitive et dans le temps, mais aussi assez important sur le moment. » (P8) Un retour sur les bilans et les consultations de suivi était fait. Dans ce cadre, les infirmières pouvaient aider à la prise de rendez-vous, ce qui semblait apprécié par de nombreux patients : « J’essayais de prendre des rendez-vous je n’arrivais pas alors elle regardait sur Internet. » (P1) Enfin certains patients n’hésitaient pas à avoir recours à leur infirmière ASALEE pour la réalisation d’acte technique tel que les bilans sanguins, la réfection de pansement ou encore plus récemment la vaccination : « En plus, quand j’ai des piqûres à faire, j’essaye que ce soit elle qui me les fasse. » (P3)
La coopération entre le médecin traitant et l’infirmière
- Un échange perpétuel Les patients ont mis en avant différents aspects de la collaboration des soignants. Ils ont pointé l’importance des échanges qui étaient réalisés entre les parties notamment par le biais d’un dossier médical partagé. Cet échange permet aux médecins traitants d’être au courant des discussions entretenues lors des consultations entre les patients et les infirmières 14 permettant ainsi de connaître leur évolution et ainsi d’adapter leur discours et leur thérapeutique. « Ce que je trouve en plus de très bien, c’est qu’elle met tout le résultat de son travail à disposition de mon médecin. Il sait qu’il y a eu un entretien, il sait ce qu’il s’y est dit et ça c’est bon… Pour moi c’est intéressant aussi parce que le médecin me suit » (P6) D’après les patients, ces échanges étaient favorisés par la proximité des intervenants et l’organisation de réunions fréquentes : « L et E ?! Ah oui, c’est juste la et la » (P1) « Ils font des réunions ensemble. » (P2) Cette proximité permettait aussi aux patients de regrouper les consultations. En effet, certains binômes Médecin/Infirmière permettaient d’enchaîner les deux rendez-vous. Ainsi, les patients consultaient leur infirmière juste avant le rendez-vous avec leur médecin. Cela leur permettait de réaliser une pesée, faire un récapitulatif de leur suivi et réaliser les examens de routine comme l’électrocardiogramme annuel et le test au monofilament. Ceci se traduit par un gain de temps pour les patients qui pourrait représenter un frein au bon déroulement du suivi : « Elle me pèse avant que j’aille chez le Dr E. Des fois je passe chez L et après je vais chez le Dr E » (P4) • Des rôles bien définis Concernant la collaboration entres les médecins et infirmières, la plupart des patients précisaient que malgré le fait que le suivi soit réalisé en binôme, les décisions concernant la prise en charge revenaient et devaient rester au médecin : « J’ai l’infirmière L qui me suit par rapport à mon hygiène (…) mais les examens ça, c’est mon docteur qui fait des examens. » (P3) 15 • Une aide qui devient indispensable Les personnes interrogées mettaient en avant les nombreuses situations au cours desquelles les infirmières venaient en aide aux médecins. Dans plusieurs entretiens nous retrouvons des patients qui n’hésitaient pas à demander à leur infirmière le dépannage d’une ordonnance perdue. En découlait un gain de temps du médecin traitant : « Des fois, elle regarde sur l’ordinateur quand je manque d’une ordonnance » (P1) Enfin, les médecins mettaient cette importance en avant directement en l’exprimant aux patients. Par la délégation d’acte, la répartition du temps de consultation se retrouvait modifiée. Les patients mieux au fait de leur pathologie étaient plus sensible au discours médical, les examens de dépistages comme l’ECG étaient déjà réalisés et ne demandaient qu’une lecture : « Mon docteur, il me dit heureusement qu’on a L parce qu’elle est là quand on a besoin. » (P4)
Les difficultés rencontrées lors du suivi
- Des problématiques liées aux patients Le principal problème lié au suivi décrit par les patients était le manque de temps. En effet, ceux-ci expliquaient qu’il est parfois difficile de se tenir au suivi régulier à cause du travail, de la famille… Ils appuyaient sur le fait que cela n’était pas lié au manque de disponibilité des infirmières, mais uniquement a des problèmes organisationnels de leur part. « J’étais irrégulier pour venir, quand on fait des RDV, ce n’est pas que je ne viens pas, c’est par rapport à mon travail, j’annule et c’était comme ça » (P5) D’autre contraintes sont apparues lors des entretiens. Des patients parlaient de leurs problématiques financières, car l’application des conseils prodigués par l’infirmière impliquait des dépenses supplémentaires. 16 • Des contraintes d’effectif Lors des entretiens, les patients s’inquiétaient du manque d’effectif ASALEE. Cela pouvait induire plusieurs problématiques. Des participants ont rencontré des difficultés pour le maintien des rendez-vous à cause de l’éloignement que pouvait entraîner un déménagement. Du fait d’effectif encore limité, la répartition territoriale des infirmières ASALEE est inégale et les patients ont rarement la possibilité de trouver une nouvelle personne pour les suivre. « Peut-être que j’irai plus par rapport à la route quoi » (P3) D’autres patients étaient inquiets quant au futur de leur suivi, car un des points forts de celuici était la disponibilité des infirmières. Hors du fait d’un manque d’effectif et d’une demande grandissante de patients, cela se retrouverait irrémédiablement altéré. « Je suppose que V va être vite débordée…Be qu’elle ne soit pas toute seule, mais je vois mal le cabinet avoir 2-3 infirmières comme ça aussi » .
I. Introduction |