Variables environnementales responsables de la répartition et de la diversité des bryophytes
Les gradients d’humidité au sol et de la lumière ainsi que la qualité et la disponibilité en microhabitat sont les principales caractéristiques abiotiques affectant la distribution et la richesse en bryophyte (Mills et al. 2004, Raabe et al. 2010, Goguen and Arp 2017). La distribution, c’est-à-dire l’arrangement dans l’aire de répartition, et la richesse en bryophyte sont étroitement liées à l’hétérogénéité du microhabitat et du microclimat (Mills et al. 2004, Mills and Macdonald 2005, Raabe et al. 2010). La disponibilité en propagule, la capacité de dispersion à l’échelle du paysage (Caners et al. 2009), les interactions interspécifiques (Caners 2010) et les strates supérieures (McGee and Kimmerer 2002) sont les principaux facteurs biotiques influençant la composition et la répartition des bryophytes.
Variables abiotiques
Puisque les bryophytes sont exohydriques (alimenté en eau par circulation externe) (Faubert 2012), elles sont dépendantes du taux d’humidité se trouvant à leur proximité pour leur assurer croissance et vigueur (Pharo et al. 2004, Stewart and Mallik 2006, Caners et al. 2013). L’humidité est influencée par les ouvertures dans le couvert forestier (Caners et al. 2010, Raabe et al. 2010) et par les caractéristiques topographiques à l’échelle du peuplement (pente, orientation, forme), du méso et du micro habitat (Økland 1994). Les gradients d’humidité qui en résultent influencent la composition en espèces selon leur préférence en humidité (Goguen and Arp 2017) et leur tolérance à la dessiccation (Caners et al. 2013). Les gradients d’humidité ont un effet sur la composition tant au niveau du microsite à l’échelle d’un mètre carré comme dans le cas d’un button dans une dépression (Økland 1994) qu’aux échelles du peuplement dans les bandes riveraines (Stewart et Mallik, 2006, Baldwin et al. 2011).
La lumière disponible influence la composition en espèces par son effet sur les conditions du microclimat et du microhabitat (Caners et al. 2013) et la germination des spores (Caners et al. 2009). Les niveaux de luminosité influencent l’évaporation ayant ainsi un impact sur l’humidité ambiante ainsi que celle des microsites tels que le bois mort. Il y a donc un changement progressif dans la composition en espèce de bryophytes selon le gradient d’ouverture dans le couvert forestier en raison des gradients de luminosité et d’humidité qui en découlent (Raabe et al. 2010, Caners et al. 2013).
La richesse, l’abondance et la fréquence des espèces vivant sur le bois mort sont, à une échelle du microhabitat, déterminées par la quantité, la superficie (Raabe et al. 2010) et la qualité de celui-ci (classe de décomposition, conifère vs feuillu) (Mills et al. 2004, Mills and Macdonald 2005). Les communautés présentes sur le bois des feuillus et des résineux sont différentes et accueillent des espèces avec des traits biologiques distinctifs (Mills et al. 2004, Mills and Macdonald 2005). Les espèces de bryophytes présentes sur les troncs vivants persistent après la mort de l’arbre (Mills et al. 2004, Mills and Macdonald 2005). Cependant, une fois le bois mort, c’est la classe de décomposition et le taux de colonisation qui déterminent l’assemblage en espèces, diminuant les différences de composition entre feuillus et résineux (Mills et al. 2004, Mills and Macdonald 2005).
Plus il y a accumulation de bois mort, plus la superficie colonisable augmente et plus il y a d’hétérogénéité dans les stades de décomposition résultant en une augmentation de la richesse (Raabe et al. 2010). Plusieurs facteurs influencent l’accumulation de débris ligneux au sol tels que les perturbations naturelles, les maladies, la succession forestière, etc. (Worrall et al. 2005). Le taux de décomposition est influencé par la dimension du débris, le climat, le type de bois (Russell et al. 2013) et l’espèce (Yatskov et al. 2003). Les débris ligneux se décomposent plus lentement lorsqu’ils sont surélevés ou exposés à la lumière, car les niveaux d’humidité des débris ligneux sont réduits (Raabe et al. 2010). L’humidité est ainsi une variable importante pour la décomposition du bois. De plus, la décomposition est plus longue pour les régions où le nombre de degrés/jour est faible (Russell et al. 2013).
Variables biotiques
Les propagules représentent toute partie d’une bryophyte pouvant donner naissance à un nouveau plant soit les spores, gemmae ou autres structures asexuées spécialisées (Ross-Davis and Frego 2004). Ces sources de propagule, aérienne et cumulée au sol, représentent le bassin à partir duquel les communautés se développeront, c’est-à-dire à partir duquel elles émergeront ou évolueront. La diaspora aérienne a une influence plus importante que la diaspora cumulée au sol sur la composition de bryophytes établie puisque certaines propagules cumulées au sol ne sont plus viables une fois ensevelit (Ross-Davis and Frego 2004). La distance était auparavant considérée comme un élément limitant pour la dispersion (Ross Davis and Frego 2004), et ce particulièrement pour les espèces ayant des stratégies de reproduction considérées limitantes telles que les espèces dites satellites qui ont une production de spores faible ou occasionnelle (Söderström 1989). Cependant, à la lumière des résultats obtenus par Barbé et al. (2016), la distance aurait un rôle mitigé dans la composition. Elle serait davantage responsable de la composition au niveau régional alors que les caractéristiques temporelles, structurelles et spatiales affecteraient les métacommunautés (Barbé et al. 2016). Effectivement, les conditions du microhabitat (Mills et al. 2004, Mills and Macdonald 2005) et le niveau de luminosité (Caners et al. 2009) sont déterminants pour l’abondance et pour l’établissement des propagules.
La composition et la distribution sont influencées par l’interaction entre espèces établies (Caners et al. 2010). Les relations peuvent être négatives (ex. : compétition), ou bien être positives (ex. : symbioses) (Økland 1994). Au niveau du sol forestier, la colonisation par de nouvelles espèces peut être restreinte par l’apparition de microhabitat lorsque des espèces compétitives occupent déjà les microhabitats présents (Mills et al. 2004). Par ailleurs, le tapis dense formé par certaines espèces de mousse est corrélé avec une faible diversité en bryophyte (Ross-Davis et Frego, 2004) et la compétition exclusive (Caners et al. 2010). Ces interactions négatives sont toutefois marginales dans les peuplements non perturbés (Økland 1994), les interactions positives étant davantage observées dans ces peuplements (Caners et al. 2010). Des conditions d’humidité et d’ombre plus élevées favorables à l’établissement de secondes espèces peuvent également être promues par les espèces colonisatrices (Caners et al. 2010).
La diversité en bryophyte étant davantage liée à la disponibilité en microhabitat et aux conditions du microclimat, le type de peuplement contribue de manière marginale à la diversité (Mills and Macdonald 2005). Il influence cependant les conditions de luminosité, d’humidité et de disponibilité en microhabitat (Caners et al. 2013). Les peuplements de résineux offrent un couvert plus dense, ce qui favorise des conditions d’humidité plus stables et plus élevées que les peuplements mixtes ou de feuillus (Caners et al. 2013). Ces conditions sont plus favorables au maintien d’une composition en espèces ayant des préférences d’humidité élevée, une reproduction dioïque ou une production de sporophyte irrégulière (Caners et al. 2013). Dans les peuplements feuillus, les bryophytes sont retrouvées sur des microhabitats émergents puisque le dépôt important de litière au sol empêche la croissance des espèces vivant sur le sol (Startsev et al. 2008). Le couvert en bryophyte y est donc moins important que dans les peuplements de résineux (Caners et al. 2013). En contrepartie, le tronc des feuillus héberge une plus grande diversité d’épiphytes que les conifères (Mills et al. 2004). Le type d’essence et l’âge des arbres jouent un rôle important dans l’assemblage des communautés d’épiphytes (McGee and Kimmerer 2002, Fritz et al. 2009b). L’âge des arbres est souvent relié à un plus grand diamètre et donc une plus grande superficie colonisable, mais également à un temps permettant la colonisation de nouvelles espèces (McGee and Kimmerer 2002). Chaque essence possède des caractéristiques particulières au niveau de la rugosité, de l’épaisseur et du pH de leur écorce qui influence les conditions du microhabitat et du microclimat pour les espèces qui s’y établissent (McGee and Kimmerer 2002).
CHAPITRE I INTRODUCTION GÉNÉRALE |