Variabilité de structure et de fonctionnement d’un écosystème de bord

Variabilité de structure et de fonctionnement d’un
écosystème de bord

Le modèle d’écosystème 

Choix du modèle Les écosystèmes, ou réseaux trophiques, sont complexes : ils font interagir une multitude d’acteurs comprenant des nutriments, des organismes vivants et de la matière détritique entre lesquels s’établissent des flux souvent fortement non linéaires. La complexité des écosystèmes rend leur étude difficile. Il est donc nécessaire de simplifier l’écosystème étudié avec l’objectif de répondre à une problématique préalablement établie. Dans notre étude, nous nous intéressons aux échanges au sein du Système du Courant de Californie liés à la dynamique océanique entre la région côtière et la région du large. Les éléments qui peuvent être directement soumis à ce transport sont les nutriments et les organismes des échelons trophiques les plus bas qui ne peuvent lutter contre le courant, c’est-à-dire les organismes planctoniques. L’analyse des observations biologiques dans la zone CalCOFI montre un fort contraste écologique entre la côte et le large définissant deux types de systèmes qui diffèrent par leur concentration en nutriments et leur composition en plancton [Venrick, 2002 ; Bernal, 1981]. La zone côtière est caractérisée par un fort enrichissement en nutriments. Les organismes planctoniques y sont de grande taille. Le groupe phytoplanctonique dominant est celui des diatomées, dépendant des apports en azote et en silice, et le groupe zooplanctonique est majoritairement représenté par les copépodes (macro-zooplancton). Les espèces côtières de zooplancton se nourrissent presque exclusivement de phytoplancton (détails dans Mackas et al. [2005]). Le réseau trophique côtier est donc court. Au large, les conditions sont oligotrophes avec de petites espèces phytoplanctoniques, telles que des diatomées et des dinoflagellés, dont la croissance est souvent limitée par la concentration en nutriments. Les espèces zooplanctoniques du large, majoritairement des copépodes ici aussi, sont plus carnivores ou omnivores, tirant profit du micro-zooplancton. Le réseau trophique de la région du large est donc long et est caractérisé par la présence d’espèces phytoplanctoniques de petites et de grandes tailles, de micro-zooplancton et de macro-zooplancton. Un modèle d’écosystème adapté à notre questionnement devra donc comporter au minimum deux classes de taille de phytoplancton et deux classes de taille de zooplancton. Nous avons choisi le modèle d’écosystème North Pacific Ecosystem Model for Unders47 Matériels et Méthodes tanding Regional Oceanography (NEMURO) (figure 2.1) developpé par Kishi et al. [2007]. Ce modèle présente une structure d’écosystème adaptée à notre problématique puisqu’il est composé de deux classes de taille de phytoplancton, de trois classes de taille de zooplancton (dont un strictement herbivore et deux omnivores) et de deux sources de nutriments, l’azote et le silicium, permettant la croissance préférentielle des deux espèces de phytoplancton. Il a été utilisé à plusieurs reprises dans des études concernant la région Nord-Est Pacifique [Aita et al., 2007 ; Megrey et al., 2007] et plus spécifiquement dans le CCS [Rose et al., 2007 ; Wainwright et al., 2007 ; Li et al., 2010]. Sinking Mortality Egestion Predation Nitrification Grazing Photosynthesis Decomposition Decomposition Decomposition Decomposition Mortality Mortality Mortality Mortality Mortality Photosynthesis Photosynthesis Grazing Grazing Grazing Grazing Egestion Egestion EgestionPredation Excretion Excretion Excretion Sinking Predation Egestion Si(OH)4 Opal ZP ZL ZS DON PON NH4 PS NO3 PL Grazing Figure 2.1 – Représentation schématique du modèle d’écosystème NEMURO. Les flèches en trait plein représentent les flux d’azote. Les flèches en trait pointillé représentent les flux de silicium. D’après Kishi et al.

Présentation, formulation du modèle et choix des paramètres

Le modèle NEMURO (figure 2.1) comporte 11 variables d’état : le nitrate (NO3), l’ammonium (NH4), l’acide silicique (Si(OH)4), le petit phytoplancton (PS, associé aux dino48 Le modèle d’écosystème flagellés), le gros phytoplancton (PL, associé aux diatomées), le petit zooplancton (ZS, associé aux ciliés), le gros zooplancton (ZL, associé aux copépodes), le zooplancton prédateur (ZP, associé aux euphosiacés, au krill ou aux espèces de plancton gélatineux), l’azote organique particulaire non-vivant (PON), la silice organique particulaire (Opal), et la matière organique dissoute (DON). Ce modèle s’agence autour de deux cycles biogéochimiques : le cycle de l’azote et le cycle du silicium. L’azote transite dans l’ensemble des compartiments vivants (PS, PL, ZS, ZL, ZP) alors que le silicium intervient dans la croissance des diatomées (PL) et transite dans ses prédateurs (ZL et ZP). Les unités des différentes variables du modèle (cf. tableau 2.2) sont exprimées en mmol N m−3 pour le cycle de l’azote et en mmol Si m−3 pour le cycle du silicium.

Dans l’ensemble de cette partie, nous adopterons la notation suivante

L’indice Y qui suit le nom du flux indique que le flux s’effectue vers le compartiment Y. Les flux marqués de l’indice X2Y représentent les flux qui s’effectuent du compartiment X vers le compartiment Y. X et Y décrivent une des variables d’état. Les principaux processus qui régissent la dynamique de ce modèle sont décrits ci-après. Les conditions initiales et les conditions aux frontières des variables biologiques sont exposées dans le chapitre 5. Tous les paramètres cités dans ce paragraphe sont regroupés et explicités dans les tableaux 2.4, 2.5 et 2.6. Ils s’appuient sur les travaux de Li et al. [2010] et une étape de calibration dans le CCS à l’aide de la configuration qui sera détaillée dans le chapitre 5. Certains flux biologiques du modèle NEMURO sont dépendants de la température (photosynthèse, mortalité, broutage, nitrification, décomposition) et les paramètres du modèle impliqués à cette dépendance sont exprimés à une température de 0 ◦C dans les tableaux 2.4, 2.5 et 2.6. Certains modèles d’écosystème du CCS ne tiennent pas compte de l’effet de la température sur la biologie [Powell et al., 2006 ; Chai et al., 2002]. De manière à simplifier l’interprétation de nos résultats, nous décidons aussi de supprimer cette dépendance. Dans notre modèle biologique, la température est imposée constante, fixée à 10◦C [Wain51 Matériels et Méthodes wright et al., 2007]. Les flux à 10◦C sont calculés à l’aide de la relation de Q10 [Eppley, 1972]. Ainsi, la dépendance à la température T pour un processus P est décrite par gT (T) = exp(kP .T), avec kP le coefficient de température lié au processus P tel que kP = ln(Q10)/10 = 0.0693◦C −1 , ce qui donne à 10◦C, gT (10◦C)=2.

 La croissance du phytoplancton

 La formulation générale de la croissance phytoplanctonique GppP j , j représentant la classe de taille du phytoplancton (S pour petit, L pour grand), est fonction de la lumière et de la concentration en nutriments dans le milieu. Son expression en azote est la suivante : GppP jn = Vmaxj · gT · lim(lum) · lim(nutj ) · P j (2.24) Vmaxj représente le coefficient de croissance maximum du phytoplancton de classe de taille j, et P j la concentration du phytoplancton de classe de taille j. lim(lum) est le terme de limitation de croissance par la lumière. Il a été modifié par Li et al. [2010] et s’exprime par la formulation de la photoinhibition de Platt et al. [1980] : lim(lum) =   1 − e   −αjP AR(z) Vmaxj     · e   −βjP AR(z) Vmaxj   (2.25) avec αj la constante de réaction photochimique de P j ou pente à l’origine de la courbe de réponse à la lumière et βj la constante de photo-inhibition de P j. P AR(z) est l’irradiance à la profondeur z, et est fonction d’une fraction de l’irradiance de surface I0, de l’atténuation de la lumière par l’eau, attw, et de l’atténuation de la lumière par la quantité de phytoplancton présent à la profondeur z, attP , de telle façon que : P AR(z)=0.43 · I0 · exp ! − ) z 0 (attW + attP · (P S + P L)) dz » (2.26) lim(nutj) est le terme de limitation de croissance par les nutriments. La croissance de PS dépend de la quantité de nitrate (NO− 3 ) et d’ammonium (NH+ 4 ) alors que la croissance de PL dépend à la fois de la quantité de nitrate et d’ammonium, mais aussi de la quantité d’acide silicique (Si(OH)4). La croissance de PL est limitée par l’élément limitant, c’està-dire l’élément qui vient à manquer dans le milieu. Ce concept est appelé la loi du minimum. Il a été introduit par Liebig en 1842 et est très largement utilisé dans les 52 Le modèle d’écosystème modèles d’écosystème (Chai et al., 2002 ; Moisan et Hoffman, 1996). L’expression de cette limitation est : lim(nutS) = fNO− 3 + fNH+ 4 (2.27) lim(nutL) = min * fNO− 3 + fNH+ 4 , fSi(OH)4 /RSiN+ (2.28) La cinétique d’absorption des nutriments, notée f, est basée sur la relation de MichaelisMenten [Menten et Michaelis, 1913]. Le processus par lequel le phytoplancton assimile préférentiellement l’ammonium au nitrate est pris en compte par un terme de limitation de l’assimilation de nitrate en fonction de la concentration en ammonium selon la formulation de Wroblewski [1977]. Dans l’équation fNO− 3 , cette limitation est exprimée par un terme en exponentielle. Les cinétiques d’absorption des différents nutriments sont les suivantes : fNO− 3 = NO3 NO3 + KNO3j · exp (−ΨjNH4) (2.29) fNH+ 4 = NH4 NH4 + KNH4j (2.30) fSi(OH)4 = Si(OH)4 Si(OH)4 + KKSi (2.31) avec KNO3j et KNH4j les constantes de demi-saturation de phytoplancton de classe de taille j pour respectivement le nitrate et l’ammonium, et KSi la constante de demisaturation du gros phytoplancton pour l’acide silicique. Ψj représente la constante d’inhibition de la consommation de nitrate par l’ammonium pour le phytoplancton de taille j. 

 Le f-ratio

 La production primaire totale (en azote) liée à la croissance phytoplanctonique peut être décomposée en deux termes : la production nouvelle liée à la cinétique d’absorption du nitrate, fNO− 3 , et la production de régénération liée à la fixation d’ammonium, fNH+ 4 . Le f-ratio (ici noté fratio) est défini par le rapport entre la production nouvelle et la production primaire totale : fratio = fNO+ 3 fNO+ 3 + fNH− 4 (2.32) 53 Matériels et Méthodes 

 Le broutage du zooplancton

 La fonction de nutrition du zooplancton Zj sur sa proie X, GraX2Zj , est formulée dans le modèle d’origine selon la cinétique d’Ivlev [Ivlev, 1955]. Dans un souci de réduction du nombre de paramètres utilisés, nous avons choisi de la décrire selon la cinétique de broutage de type Holling III [Holling, 1965], décrivant une sigmoïde : GraX2Zjn = GRmaxXZj · gT ! X2 n X2 n + KX2Zj  » Zjn (2.33) GRmaxXZj est le taux de croissance maximum du zooplancton Zj, KX2Zj est la constante de demi-saturation du broutage du zooplancton Zj sur sa proie X. Cette réponse permet aux proies d’échapper à la prédation lorsque la population de proies est très faible. Lorsque la quantité de proies augmente, le taux d’attaque du prédateur augmente exponentiellement puis ralentit lorsque le prédateur atteint la satiété. Cette formulation est très largement utilisée dans les modèles d’écosystème et est d’autant plus intéressante qu’elle est plus stable, numériquement, que la formulation d’Ivlev [Morozov, 2010 ; Gentleman et al., 2003, et références citées dans cet article]. Selon la taille de zooplancton considérée, la nature et la taille des proies varient. Le petit zooplancton est exclusivement herbivore et ne mange que le petit phytoplancton. Le gros zooplancton et le zooplancton prédateur sont omnivores, et consomment respectivement PS, PL, ZS et PL, ZS, ZL. Le petit et le gros zooplancton n’ont pas de préférence de proie, tandis que le zooplancton prédateur est préférentiellement carnivore. Ainsi, lorsqu’il y a assez de gros et petit zooplancton, la prédation du zooplancton prédateur sur le gros phytoplancton est amoindrie. En présence simultanée de petit et de gros zooplancton, le prédateur préférera se nourrir de gros zooplancton. Ces préférences sont exprimées par un facteur d’inhibition de broutage dans un terme en exponentielle : GraP L2ZPn = GRmaxZPP L · gT ! P Ln2 P Ln2 + KP L2ZP  » · exp(−ΨP L(ZLn + ZSn))ZPn (2.34) GraZS2ZPn = GRmaxZPZS · gT ! ZSn2 ZSn2 + KZS2ZP  » · exp(−ΨZS · ZLn)ZPn (2.35) 54 Le modèle d’écosystème 

La mortalité naturelle

Le terme de mortalité naturelle MorY , avec Y une des classes de taille de phytoplancton ou de zooplancton, est usuellement le terme de fermeture du modèle, et représente la mortalité par maladie ou par famine. Une fonction quadratique [Steele et Henderson, 1981; Denman et Gargett, 1995 ; Fasham, 1995] est utilisée pour exprimer cette mortalité du phytoplancton et du zooplancton : MorY = MorY 0 · gT · Y 

Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte général .
1.2 Présentation de la zone d’étude
1.2.1 Le Système du Courant de Californie
1.2.1.1 Généralités .
1.2.1.2 Structuration spatiale du CCS
1.2.1.2.1 Gradient latitudinal
1.2.1.2.2 Gradient longitudinal
1.2.2 Variabilité du système
1.2.2.1 Variabilité à haute fréquence
1.2.2.2 Variabilité à basse fréquence
1.3 Problématique de la thèse
2 Matériels et Méthodes
2.1 Le modèle hydrodynamique
2.1.1 Choix du modèle
2.1.2 Présentation du modèle
2.1.2.1 Présentation générale et équations
2.1.2.2 Paramétrisation des effets sous-maille
2.1.2.3 Type de coordonnées, discrétisation spatio-temporelle et  schéma numérique
2.1.2.4 Conditions aux frontières
2.1.2.5 Multiplicité des codes sources de ROMS
2.1.3 Choix des grilles, des conditions initiales et des conditions aux limites (en surface et aux frontières)
2.2 Le modèle de traceurs passifs
2.3 Le modèle d’écosystème
2.3.1 Choix du modèle
2.3.2 Présentation, formulation du modèle et choix des paramètres
2.3.2.1 La croissance du phytoplancton
2.3.2.2 Le f-ratio
2.3.2.3 Le broutage du zooplancton
2.3.2.4 La mortalité naturelle
2.3.2.5 L’excrétion et l’égestion
2.3.2.6 La nitrification et la décomposition
2.3.2.7 La sédimentation
2.3.2.8 Les équations du cycle du silicium
3 Variabilité du transport dans le Système du Courant de Californie :Expérience de traceurs passifs
3.1 Introduction
3.2 Configuration du modèle ROMS version Rutgers
3.3 Article 1 : Cross-shore transport variability in the California Current :Ekman upwelling vs. eddy dynamics
3.3.1 Introduction
3.3.2 Model and Tracer experiment setup
3.3.3 Mean and Seasonal Cycle
3.3.4 Interannual variability of upwelling and eddy cross-shelf transport
3.3.5 The poleward undercurrent
3.3.6 Summary and conclusions
3.4 Conclusion
4 Variabilité saisonnière des vents d’upwelling en relation avec le signal NPGO de grande échelle
4.1 Introduction
4.2 Article 2 : North Pacific Gyre Oscillation modulates seasonal timing and ecosystem functioning in the California Current upwelling system
4.2.1 Introduction
4.2.2 Variability of alongshore winds patterns
4.2.3 Seasonal variability of the Upwelling
4.2.4 Impact on the ecosystem
4.2.5 Conclusion
4.3 Conclusion
5 Réponse saisonnière et structuration de l’écosystème du Courant de Californie au forçage de grande échelle NPGO
5.1 Introduction
5.2 Configuration du modèle ROMS AGRIF, conditions limites et set d’expériences .
5.3 Construction des climatologies des phases positives et négatives du signal NPGO
5.4 Article 3 : California coastal upwelling onset variability : cross-shore and
bottom-up propagation in the planktonic ecosystem
5.4.1 Introduction
5.4.2 Material and methods
5.4.2.1 Model description
5.4.2.1.1 Physical Model
5.4.2.1.2 Ecological Model
5.4.2.2 Set of simulations
5.4.3 Model Evaluation
5.4.4 Ecosystem response to differential onset of upwelling . 129
5.4.5 Cross-shore difference of biological tracers budget 134
5.4.5.1 Seasonal biological budgets
5.4.5.2 Annual mean biological budgets
5.4.6 Characterization of the cross-shore transport
5.4.7 Discussion
5.5 Conclusion
6 Conclusion Générale
6.1 Synthèse des résultats et Discussion
6.2 Limites
6.3 Perspectives
Bibliographie

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