Valorisations nutritionnelle et fonctionnelle des viscéres de poissons

Madagascar est une île de l’Océan Indien, qui fait partie des pays en développement. Comme dans la plupart de ces pays, la Grande Ile a un problème d’insécurité alimentaire. La malnutrition protéino-énergétique touche la plupart des régions mais surtout le Sud (LATHAM, 1979). D’après la FAO (2017), la partie sud de la Grande Ile compte environ 850 000 personnes en grave insécurité alimentaire. La malnutrition présente à Madagascar est qualifiée de malnutrition protéino-énergétique. Il en existe deux formes : un manque en nutriments, notamment en protéines (le kwashiokor), et un manque en calories (marasme) (LATHAM, 1979). L’enquête nationale sur le Suivi des Objectifs du Millénaire pour le Développement (ENSOMD) a estimé en 2012-2013 que le régime alimentaire des Malagasy est pauvre en quantité dans 76% des ménages et en qualité dans 84%.

La malnutrition peut avoir de graves conséquences sur les enfants. En effet, dans les pays pauvres, plus d’un tiers des décès chez les enfants de moins de 5 ans est causé par la malnutrition. A Madagascar, 47% des enfants de moins de 5 ans sont atteints de malnutrition chronique, c’est-à-dire de retard de croissance, et 8% souffrent de malnutrition aigüe ou émaciation (PNAN III).

La pêche à Madagascar

Madagascar est la quatrième plus grande île dans le monde. Sa séparation avec le continent africain par le canal de Mozambique (400 km) lui procure des atouts halieutiques importants. Un Etat a le droit d’explorer les ressources qui s’étend de sa côte jusqu’à 370,4 km (200 milles marins) : c’est ce qu’on appelle Zone Economique Exclusive (ZEE) . Celle de la Grande Ile couvre 1 140 000 km² dont 113 000 km² de mer territoriale (Ministère des pêches et des ressources halieutiques, 2012). Avec une ligne côtière de 5 500 km, il existe donc un espace considérable en ressources halieutiques.

L’exploitation des produits de la pêche fait de ce secteur un des piliers de l’économie nationale malgache. Alors que la production mondiale est de 148 millions de tonnes dans les années 2010, la grande île produit près de 104 000 tonnes (FAO, 2012). Cette production est apportée, pour les 75%, par la pêche maritime. La pêche continentale est assez faible, elle est surtout représentée par la pêche lacustre qui ne couvre que 1 500 km² (BREUIL et GRIMA, 2014).

A Madagascar, la pêche maritime peut être classée en quatre segments, dont trois sont nationaux.

• La pêche traditionnelle PT
Elle rassemble toute activité de pêche pratiquée à pied ou au moyen d’une pirogue avec ou sans moteur. En 2012, la production était de 70 000 à 80 000 tonnes dont 55 000 tonnes de poissons(MPRH, 2012).
• La pêche artisanale PA
Elle regroupe toute activité de pêche au moyen d’une embarcation munie d’un moteur de puissance inférieure ou égale à 50 chevaux. 200 à 300 tonnes de poissons sont produites par ce segment (MPRH, 2012).
• La pêche industrielle nationale PIN
Elle correspond à toute activité de pêche pratiquée au moyen d’une embarcation munie d’un moteur de puissance supérieure à 50 chevaux. La pêche industrielle concerne surtout les crevettes, les poissons démersaux et pélagiques, les thons (MPRH, 2012).
• La pêche industrielle étrangère PIE
Selon les ressources, douze principales pêcheries peuvent être distinguées .

Problèmes de la pêche à Madagascar

L’exploitation des ressources halieutiques connaît des problèmes. La capture et les techniques de conservation ou de transformation génèrent des déchets. Il y en existe trois groupes (PEREZ-GALVEZ, 2009) :

• Les rejets de pêche
C’est la portion de capture totale, jetée à la mer. Ce sont probablement des espèces non ciblées dont la valeur commerciale est trop faible (capture accessoire) ou des individus de taille au-dessous de la taille recherchée.
• Les déchets générés par la transformation du poisson à bord du navire
Ce sont généralement les viscères. Les industries effectuent une éviscération des poissons blancs ainsi que des espèces cartilagineuses, avant même d’arriver à l’usine.
• Les déchets et les co-produits de la transformation du poisson à terre
La quantité dépend de la transformation à effectuer, de l’activité commerciale et de l’espèce du poisson traité. Ces déchets augmentent les risques de pollution environnementale puisque, ne pouvant pas les garder, les industries ou les pêcheurs les jettent dans la nature ou les incinèrent. Autre problème est le gaspillage. D’après la FAO, plus de 20 à 25% de la production sont gaspillés. Or les rejets et les déchets contiennent des éléments nutritifs non négligeables (IFREMER, 2012).

Différentes voies de valorisation des co-produits

Les parties de poissons non utilisées peuvent être commercialisées sous la forme de produits dérivés. La valorisation est soit de niche, c’est-à-dire valorisation s’appliquant à de faibles volumes de sous-produits d’excellente qualité et générant des produits à haute valeur ajoutée ; soit de masse, valorisation s’appliquant à des volumes de sous-produits importants et générant des produits à faible valeur ajoutée (PENVEN-TURPAULT et al.,2017).

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Différentes voies de valorisation ont été mises en évidence :

Farine et huile de poisson
Elles représentent la plus grande part de valorisation des co-produits dans le monde. Tout type de co-produit peut être utilisé (NGUYEN,2009). La farine de poisson contient 65 à 67% de protéines, 12% de lipides. Sa valeur nutritive est élevée de par sa richesse en acides aminés essentiels et sa forte digestibilité. Cependant, elle possède peu de propriétés fonctionnelles (IFREMER, 2010). La farine est un résidu séché et broyé tandis que l’huile brute se fabrique par cuisson suivi de pressage et de centrifugation (VOLOLONIRINA, 2017).

Hydrolysats protéiques
Ce sont les résultats de la digestion partielle des protéines par l’hydrolyse protéolytique. Ils se présentent sous forme de farines solubles avec une granulométrie très fine. Cette substance farineuse, ayant une teneur en protéines de 73 à 85%, est utilisée, entre autres, en aquaculture et dans l’alimentation des jeunes animaux d’élevage afin de favoriser leur croissance. (GBOGOURI, 2005 ; IFREMER, 2010) .

La teneur en lipides dépend du type et de la composition des co-produits, de la centrifugation. L’huile extraite de la matière première peut varier de 10 à 25%. (PENVENTURPAULT, 2017) .

L’hydrolyse enzymatique peut se faire soit par autolyse, soit par hétérolyse.

Hachis congelés
A l’exception des viscères, des peaux et des poissons cartilagineux (IFREMER, 2010), les co-produits sont broyés, filtrés et congelés en bloc. En France, les hachis congelés correspondent à la troisième valorisation avec une production de 33 000 tonnes en l’an 2002. Ils sont utilisés dans la fabrication d’aliment pour les animaux de compagnie (« pet food »). (GBOGOURI, 2005) .

Collagène et gélatine
Le collagène est une glycoprotéine fibreuse dans la structure de la peau, contribuant notamment à sa résistance physique et à son élasticité. Il est utilisé par l’industrie cosmétique comme agent filmogène hydrateur et restructurant du tissu cutané. (NGUYEN, 2009) La gélatine est la forme hydrolysée ou dénaturée par la chaleur du collagène. Elle est utilisée dans l’industrie alimentaire comme gélifiant, en pharmacie et en nutraceutique pour la micro-encapsulation. (IFREMER, 2010) .

Valorisation aromatique
Il est possible d’utiliser les co-produits halieutiques comme matière première des arômes dans les soupes, les sauces, les plats cuisinés… Pour cette transformation, deux méthodes existent :
• Les matières premières sont séchées par cuisson, puis broyées. Le résultat obtenu est une poudre aromatique peu soluble.
• Les matières premières sont ajoutées d’eau. L’eau est ensuite récupérée et concentrée. Après cette dernière opération, les matières organiques dissoutes sont séchées, afin d’obtenir des extraits solubles.

Cependant, il est indispensable que les arômes soient de bonne qualité et propres à la consommation humaine. (NGUYEN, 2009) .

Pulpes alimentaires
Ce sont les chairs de poisson récupérées sur les arêtes centrales (LE FLOC’H et al. 2014). Les pulpes alimentaires ont des propriétés nutritives, un pouvoir liant et émulsifiant intéressants (IFREMER,2010).

Huiles raffinées
Ces ingrédients alimentaires sont les conséquences de procédés biochimiques, riches en vitamines A et D et en acides gras « oméga 3 ». Elles sont préparées à partir des huiles brutes de poisson (LE FLOC’H et al. 2014).

Autres molécules
Il existe d’autres molécules à forte valeur ajoutée pour les industries cosmétiques et pharmaceutiques. Ce sont la kératine, l’élastine, la chitine et la squalane.

D’autres ingrédients diététiques et nutraceutiques existent aussi, comme les lécithines marines, la chondroïtine sulfate. (GBOGOURI, 2005) Les applications en sont donc nombreuses : alimentation humaine, alimentation animale, diététique et nutraceutique, pharmaceutique, cosmétique. Par la production d’engrais et compost, les co-produits sont même utilisés dans l’agriculture (PEREZ-GALVEZ, 2009).

Table des matières

INTRODUCTION
1 La pêche à Madagascar
2 Problèmes de la pêche à Madagascar
3 Les co-produits halieutiques
3.1 Définition
4 Différentes voies de valorisation des co-produits
4.1.1 Farine et huile de poisson
4.1.2 Hydrolysats protéiques
4.1.3 Hachis congelés
4.1.4 Collagène et gélatine
4.1.5 Valorisation aromatique
4.1.6 Pulpes alimentaires
4.1.7 Huiles raffinées
4.1.8 Autres molécules
5 Hydrolyse protéique
5.1 Enzyme
5.2 Protéolyse
5.3 Autolyse
5.4 Ajout d’enzymes (hétérolyse)
6 Paramètres qui influent sur l’hydrolyse enzymatique
6.1 Le rapport enzyme/substrat et la concentration en substrat
6.2 Effet de la température
6.3 Effet du pH
6.4 Effets des substances activatrices et inhibitrices
6.4.1 Les activateurs
6.4.2 Les inhibiteurs
7 Propriétés fonctionnelles des hydrolysats protéiques
7.1 La solubilité
7.2 Capacité de rétention d’eau ou capacité d’hydratation
7.3 Capacité d’absorption d’huile
7.4 Propriété émulsifiante
7.5 Propriété moussante
8 Détermination de la qualité alimentaire
8.1 Qualité hygiénique
8.2 Qualité nutritionnelle
8.3 Propriété sensorielle
9 Application
CONCLUSION

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