Valorisation médicinale d’une plante des jachères, Icacina oliviformis (Poiret) Raynal (Icacinaceae)
Description botanique
Les racines
Ce sont de gros tubercules napiformes qui peuvent atteindre 50 cm de large et peser jusqu’à 25 kg (Baumer, 1995; Berhaut, 1975 ; Kerharo et Adam, 1974 ; Berhaut, 1967). La partie comestible du tubercule est blanche avec des tâches jaunes habituellement mouchetées (National Research Council, 2008) Tiges feuillées de Icacina (Photo : MANGA A, 2013) Fruits de Icacina Figure 1: Icacina oliviformis (Poiret) Raynal II.2. Les tiges Les tiges sont herbacées venant généralement en touffe. Elle a une ou plus de 10 tiges annuelles, dressées, non ramifiées, atteignant 1m de haut en sortant d’un gros tubercule profondément enfoui dans le sol (Raphaël, 2011 ; National Research Council, 2008 ; Berhaut, 1975 ; Kerharo et Adam, 1974). 8 II.3. Les feuilles Les feuilles sont simples ou entières (Villiers, 1973). Elles sont alternes et parfois denses sur les tiges. Les feuilles sont en cymes corymbeuses, lâches, et terminales. Le limbe est ovale ou ovale elliptique. Il est long de 5 à 12cm et large de 5 à 8 cm. L’apex est en coin, glabres, arrondi, et finement poilus dessous. Le calice est court (Akoegninon, 2006 ; Berhaut, 1975 ; Hutchinson, 1958). Figure 2 : Icacina oliviformis (Fay, 1987). A: Rameau feuillé. B, C: Feuilles. D: Fleurs. E1 et E2: Pétales vue des deux faces. F: Etamines. G: Ovaire et un style. H: Fuit. I: Diagramme florale 9 II.4. Les fleurs Icacina oliviformis fleurit de mars à août (Raphaël, 2011 ; Berhaut, 1975 ; Kerharo et Adam, 1974). Les fleurs sont blanches ou blanches crème. Elles sont en cyme corymbiforme terminale arrondis ou allongée. La corolle est large de 7 à 10 mm. Elle a 5 pétales libres entre eux et pubescents à la face interne. Le calice est très court (National Research Council, 2008 ; Berhaut, 1975 ; Villiers, 1973). Les étamines sont libres. Le style est souvent excentrique et bifide parfois pubescent se terminant par un stigmate plus ou moins développé. L’ovaire est souvent asymétrique uniloculaire (Villiers, 1973). II.5. Les fruits Ce sont des drupes veloutées jaune ou rouge carmin à maturité. La longueur d’un fruit varie de 3 à 4 cm et la largeur est comprise entre 2 à 3 cm. Le fruit renferme une grosse graine unique sphérique ou ovoïde entourée par une mince couche (environ 0,2 cm) de pulpe blanche gélatineuse acide et sucrée au goût agréable. Cette pulpe est entourée d’un épicarpe fin recouverte de poils très courts. Dans un même endroit, la maturité des fruits est étalée sur plusieurs semaines (National Research Council, 2008 ; Baumer 1995 ; Berhaut, 1975).
Répartition géographique
En Afrique Icacina oliviformis est une espèce commune de la savane boisée soudanoguinéenne dans l’ouest et le nord de l’Afrique centrale. On la trouve au Sénégal, en Guinée Bissau, en Gambie, au Ghana, au Bénin, au Nigéria, au Tchad, en République Centrafricaine, au Congo et au Soudan , Dans certains de ces pays, l’espèce est trouvée dans les forêts en reconstitution et/ou dans les zones de jachères (Timothée et Idu, 2011). Elle est très abondante au Sénégal, en Guinée-Bissau, au Ghana et République Centrafricaine (Fay, 1987 ; Irvine 1961; Rosevear, 1961). Selon Cunningham (Cunningham, 1993) cité par Mbatchou et Dawda, 2012), certaines espèces du genre Icacina sont retrouvées aussi en Zambie. Par contre, Icacina oliviformis serait inconnue dans certains pays de l’Afrique de l’ouest comme la Sierra Leone, le Liberia, la Côte-d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Cameroun. (Fay, 1987 ; Peyre de Fabrègues et Lebrun 1976 ; Lebrun et al 1972 ; Keay, 1958). Figure 3: Distribution de Icacina oliviformis en Afrique (Fay, 1987) 11 III.2. Au Sénégal Icacina oliviformis est commune au sud du Sénégal à partir de Kaolack. Elle est très abondante en moyenne Casamance dans les savanes boisées, en Casamance maritime dans les jachères des champs d’arachide, de mil ou de cassave (manioc), dans le Sine Saloum à l’est et au sud de Kaolack (Berhaut, 1975 ; Kerharo et Adam, 1974). IV. Ecologie C’est une espèce annuelle (Berhaut, 1975) qui s’adapte à plusieurs associations phytoècologiques et à plusieurs formations pédologiques. Icacina oliviformis est une pyrophyte et pousse mieux sous un régime de brulis annuels (Fay, 1993). C’est une espèce peu exigeante qui pousse sur des terres sableuses et pauvres. Elle serait une plante pionnière qui apparait en premier dans les champs de jachère. Et grâce au développement de son système racinaire, Icacina oliviformis jouerait un rôle contre l’érosion éolienne et hydrique (communication personnelle : Dr Maleiny Diatta). D’après Diatta, Icacina oliviformis serait un indicateur biologie d’un état de dégradation ou de régénération des terres appauvries. Les abeilles sont les principaux vecteurs de pollinisation de Icacina oliviformis. Six espèces d’abeilles se sont révélées plus fréquentes. Parmi ces hyménoptères pollinisateurs figurent : Dactylurina staudingeri Gribondo (Apidae) le plus fréquent ; Apis mellifera L. (Apidae) ; Meliponula bocandei Spinola (Apidae) (Fay, 1993). Divers nuisibles attaquent les tiges et les jeunes fruits (Fay, 1993). Dans son biotope, Icacina oliviformis peut se trouver en association avec plusieurs espèces comme : Lophira lanceolata, Terminalia laxiflora, Pericopsis angolensis, Hymenocardia acida, Erythrophleum africanum, Piliostigma thonningii, Amblygonocarpus andongensis (Fay, 1993).
Usages alimentaires
Icacina oliviformis est une plante alimentaire indigène (Guillemin et al, 1830) dont le mésocarpe des fruits mûres est consommé dans plusieurs pays et généralement par les enfants (Baumer, 1995 ; Berhaut, 1975 ; Tisserant, 1950 ; Dalziel, 1937). Ces fruits de cueillette, riches en éléments minéraux et en sucres, joueraient un rôle important dans l’équilibre alimentaire des populations locales (Gueye et al, 2011). Les graines et les tubercules étaient utilisés lorsqu’il y avait une pénurie des produits alimentaires de base, en période de disette (Kerharo, 1974). Ce sont les éléments les plus consommés dont la farine est utilisée pour produire du couscous (Cerighelli, 1919). Figure 4 : Graines et tubercules de Icacina oliviformis V.2. Usages en médecine traditionnelle
Les racines
Selon Berhaut (1975), les racines sont employées pour traiter divers affections. Ainsi, la racine est d’abord considérée en usage interne et externe comme revigorante. Elle est utilisée contre le rachitisme, l’anorexie, l’infection buccodentaire, le lymphatisme, la cachexie, les maladies de voies respiratoires, Tubercules de Icacina (Fay, 1987) Graines de Icacina (Moses, 2013) 13 l’impuissance et comme purgatif de dérivation pour les œdèmes généralisés, le météorisme abdominal et toutes les intoxications ou envenimations. La poudre de racines aurait un effet contre les maux de ventre, les caries dentaires. En cas de fatigue, le macéré de la poudre de racines est donné en bain et en boisson. Le décocté des racines serait un adjuvant thérapeutique contre les dermatoses, les maux de tête, de poitrine, de reins, de coryza. Au Togo, le tubercule serait utilisé pour traiter l’hernie (Raphaël, 2011). En Gambie, les racines additionnées avec des feuilles de Mangifera indica sont bouillies dans l’eau. Le décocté ainsi obtenu serait un bon remède contre le paludisme. V.2.2. Les feuilles Selon Kerharo et Adam (1974), Icacina oliviformis est un grand médicament des casamançais, ayant rang de panacée. Le décocté concentré de feuilles donné en bain et boisson agirait contre l’hémorragie interne consécutive à un choc, la toux et la bronchite. Il lutterait aussi contre les morsures de serpents. Les feuilles en association avec celles de l’Annona senegalensis seraient utilisées dans le traitement externe des asthénies (fatigue) (Kerharo et Adam, 1974). Le décocté de la poudre des feuilles de Icacina oliviformis est recommendée par les guérisseurs contre le paludisme et les fièvres (Sarr et al, 2011). Des études sur le plan pharmacologique ont été réalisées sur Icacina oliviformis. Ainsi, d’après Sarr et al (2011), l’extrait méthanolique de feuilles de Icacina oliviformis a révélé une action inhibitrice sur la croissance de Plasmodium falciparum qui est chloroquino-sensible (3D7) et chloroquino-résistants (7G8). Cependant, cet extrait lyophilisé n’a aucun effet hémolytique sur les globules rouges. 14 Sarr et al (2011), rapportent aussi que le test de cytotoxicité effectué sur la lignée de cellules Hépatiques 1-6 révèle une constance d’inhibition IC 50 > 100 µg/mL. En plus, aucune toxicité est notée sur les cellules des fibroblastes dermiques humains normaux même à des concentrations supérieures à 500 µg/mL (Sarr et al, 2011). Des travaux antérieurs (Ndiaye et al, 2008), portant sur les extraits éthanolique et aqueux de feuilles de Icacina oliviformis, ont montré une activité antihyperglycémiante chez des rats normoglycémiques et sur un modèle de diabète induit par l’alloxane.
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