VALIDATION D’UNE METHODE D’ANALYSE PAR CPGSM DE DEUX MOLECULES DE PESTICIDES SUR LA GRAINE D’ARACHIDE
GENERALITES SUR LES PESTICIDES
Selon le Code international de conduite de la FAO sur la gestion des pesticides (FAO, 2013) un pesticide est défini comme : « Toute substance ou association de substances qui est destinée à repousser, détruire ou combattre les ravageurs (y compris les vecteurs de maladies humaines ou animales) et les espèces indésirables de plantes ou d’animaux causant des dommages ou se montrant autrement nuisibles durant la production, la transformation, le stockage, le transport ou la commercialisation des denrées alimentaires des produits agricoles, du bois et des produits ligneux, ou des aliments pour animaux, ou qui peut être administrée aux animaux pour combattre les insectes les arachnides et les autres endo- ou ecto-parasites. Le terme inclut les substances destinées à être utilisées comme régulateur de croissance des plantes, défoliant, agent de dessiccation, agent d’éclaircissage des fruits ou pour empêcher la chute prématurée de ceux-ci, ainsi que les substances appliquées sur les cultures, avant ou après la récolte, pour protéger les produits contre la détérioration durant l’entreposage et le transport. » La classification des pesticides peut être basée sur les groupes fonctionnels, leur structure moléculaire ou leur activité biologique spécifique sur les espèces cibles (Van der Hoff et al.,1999). Selon la famille chimique à laquelle, le pesticide appartient, on peut distinguer entre autres les organochlorés, les organophosphorés, les pyréthrinoïdes, les carbamates, les benzoïlurées etc.
Classification et propriétés
Les pesticides peuvent être classés de différentes façons parmi lesquelles la classification selon la famille chimique adoptée ci-dessous.
Pesticides organochlorés
La principale caractéristique des pesticides organochlorés est la présence de l’atome de chlore lié au cycle aromatique qui les rend résistants à la dégradation, d’où leur persistance dans l’environnement. Cette famille chimique comprend : – Le groupe du dichlorodiphényletrichloroéthane (DDT) : DDD, DDE, perthane, métoxychlore et dicofol ; – Le groupe de l’hexachlorocyclohexane (HCH) : lindane ; – Le groupe du chlordane : chlordane, heptachlore, aldrine, dieldrine, endrine, chlordécone, perchlordécone et diénochlore ; – Les dérivés de l’essence de térébenthine : endosulfan, toxaphène, polychlorocamphène ; – Divers : chlorfénétol, mirex, , pentachlorophénol et chlorbenside. La figure 1 présente les structures chimiques de quelques pesticides organochlorés. Figure 1 : Structures chimiques du DDT (a) et du lindane (b) 10 Les organochlorés sont le groupe le plus important des polluants organiques persistants (POP). Ces composés sont connus pour leur persistance dans l’environnement, une longue période de demi-vie et leur potentiel très important de bioaccumulation et de bioamplification dans les organismes une fois dispersés dans l’environnement (Mpofu et al. 2010). Les polluants organiques persistants sont des composés organiques qui sont très résistants à la dégradation biologique et chimique. Elles proviennent presque entièrement des sources anthropiques, sources associées à la fabrication, l’utilisation et l’élimination de certaines substances chimiques. Les liaisons carbone-chlore présents dans ces composés sont très stables à l’hydrolyse (Stimmana et al. 1985). Plus le nombre de substitutions de chlore et / ou de groupes fonctionnels dans le produit est élevé plus le produit résiste à la dégradation. L’atome de chlore attaché à un cycle aromatique (benzène) est plus stable à l’hydrolyse que l’atome de chlore dans la structure aliphatique. En raison de leur haut degré d’halogénation, ils ont une solubilité dans l’eau très faible et sont facilement solubles dans les graisses. Ainsi, ils sont capables de passer à travers la structure lipidique des membranes biologiques et s’accumuler dans les dépôts de graisse. Ils sont semi-volatils, une propriété qui les soumet à de longue portée. Ces composés sont capables de se déplacer sur de grandes distances à travers l’atmosphère pour atteindre des régions très éloignées de leur point de manipulation. Ils sont omniprésents et ont été mesurés sur tous les continents, sur des sites représentant chaque zone climatique majeure et des secteurs géographiques à travers le monde (Wania et al. 1993). Il s’agit notamment des régions éloignées tels que les océans ouverts, les déserts, l’Arctique et l’Antarctique. 11 La seule explication raisonnable à leur présence est leur déplacement à longue distance vers les autres parties du monde. Une grande variété de composés organochlorés, parmi lesquels des pesticides tels que, le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), le toxaphène et le chlorobenzène ont été détectés dans la morue arctique, les ours polaires et les phoques annelés de la Canadian Centre-Est Arctique (Muir et al., 1998). Neuf des composés de la Convention de Stockholm signalés comme polluants prioritaires (DDT, dieldrine, toxaphène, endrine, aldrine, hexachlorobenzène, chlordane, heptachlore et mirex) sont des insecticides (Mpofu et al., 2010).
Organophosphorés
Les organophosphorés sont des esters de l’acide phosphorique, généralement très toxiques et volatils, liposolubles et moins persistants que les organochlorés. Ce sont des dérivés de l’acide phosphorique. Ils sont caractérisés par leurs structures chimiques similaires, appelée formule de SCHARDER (Figure 2). Figure 2 : Structure générale des organophosphorés – L’atome de phosphore pentavalent est lié à un atome d’oxygène ou de soufre. – R1 et R2 sont des groupements basiques pouvant être des radicaux alkoyl, aryloxy, alkyle, ou un groupe amino, plus ou moins substitué. – X = groupement acide hydrolysable qui peut être un halogène, cyanure, thiocyanate, phénoxy, thiophénoxy, carboxylate, phosphate. Ce sont des pesticides qui ont en commun leur mode d’action sur le système nerveux des ravageurs : ils sont des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase. Ces insecticides 12 ont en général une toxicité aiguë plus élevée que les organochlorés, mais ils se dégradent beaucoup plus rapidement. Dans ce groupe, on distingue : – Les organophosphorés aliphatiques : acéphate, déméton, dichlorvos, dicrotophos, diméthoate, éthion, formothion, malathion, mévinphos, monocrotophos, naled, ométhoate, phorate, phosphamidon et trichlorfon. Ils sont généralement hautement toxiques et peu stables. – Les organophosphorés à cycle de phényle : bromophos, chlorfenvinphos, fénitrothion, fenthion, fonofos, isofenphos, parathion, parathion éthyl, parathion méthyl, phosalone, profénofos et protiophos. Ils sont plus stables que le groupe précédent (meilleure rémanence). – Les organophosphorés à hétérocycle : chlorpyrifos, diazinon, étrimfos, isoxation, quinalphos, méthidation et phosmet ; (Ndiaye 2009). Les produits phytosanitaires issus de ces 3 groupes sont regroupés ci-dessous selon leur mode d’action : – Produits de contact : bromophos, diazinon, fénitrothion, malathion, dichlorvos, fonofos, parathion, phosmet, profénofos, téméphos, hepténophos, mevinphos, trichlorfon, phosalone ; – Produits systémiques : diméthoate, formothion, isofenphos, triazophos, monocrotophos, ométhoate, phosphamidon, thiométon, vamidothion La figure 3 illustre les structures chimiques du chlorpyrifos et du primiphos méthyle qui font partie de ce groupe. Figure 3 : Structures chimiques du chlorpyrifos (a) et du primiphos méthyle
Pyréthrinoïdes
Elles sont synthétisées à partir de substances naturelles appelées pyréthrines. Leur composition se rapproche de celle du pyrèthre naturel, mais ce sont en réalité des pesticides chimiques comme les autres. Ce sont des esters d’acide chrysanthémique et pyréthique. C’est aujourd’hui la famille d’insecticides la plus utilisée, insecticides dits « de troisième génération » ; ils sont copiés sur les pyrèthres naturels, en cherchant à augmenter leur toxicité et leur photostabilité. Dotés d’une toxicité considérable et agissant par contact, ils tuent presque instantanément les insectes par effet de choc neurotoxique, permettant de les utiliser à des doses très réduites (10 à 40 g de matière active par ha). Comme les organochlorés, ils tuent l’insecte en bloquant le fonctionnement des canaux sodium indispensables à la transmission de l’influx nerveux. Réputés peu toxiques pour l’homme, on leur attribue le coefficient de sécurité (rapport des toxicités pour les insectes et pour les mammifères) le plus élevé parmi les insecticides chimiques. Très biodégradables, ils ne persistent pas dans le milieu édaphique, mais ils sont très toxiques pour certains organismes aquatiques (poissons) ainsi que pour les auxiliaires de l’agriculture (dont les abeilles). Ils possèdent des propriétés diverses. Une molécule donnée présente de nombreux 14 isomères aux degrés d’activités variés. La synthèse industrielle cherche à ne produire que l’isomère le plus actif de la molécule. Les structures chimiques de trois pyréthrinoïdes à savoir la deltaméthrine, l’alpha-cyperméthrine et le fenvalérate sont présentées sur la figure 4. a b c Figure 4 : Structures chimiques de la deltamethrine (a), l’alphacypermethrine (b) et du fenvalerate (c) I.1.4 Carbamates Cette vaste famille regroupe les dérivés de l’acide carbamique (figure 5), comprenant aussi un grand nombre de fongicides et d’herbicides. Ce sont des esters de l’acide carbamique. Leur structure générale est la suivante : Figure 5 : Structure chimique générale des carbamates R1, R2, R3 sont des groupements aromatiques ou aliphatiques. 15 Ce sont des composés ioniques, solubles dans la plupart des solvants organiques, très peu solubles dans l’eau et pratiquement insolubles dans les solvants polaires ; ils ont un point de fusion élevé Ils agissent comme les organophosphorés en inhibant le cholinestérase. Certains ont des actions spécifiques (aphicide, molluscicide). Le propoxur, le bendiocarbe et le dioxacarbe sont utilisés en lutte paludique pour leur grande rémanence. Ils agissent le plus souvent par contact bien que certains aient une action systémique (Aldicarbe et Benfuracarbe) ; leur rémanence est généralement faible. Les structures chimiques de l’aldicarbe et du propoxur sont présentées sur la figure 6. a b Figure 6 : Structures chimiques de l’aldicarbe (a) et du propoxur (b)
Risques de toxicité liés à l’utilisation des pesticides
Les pesticides permettent d’accroître les rendements des cultures vivrières et céréalières et donc de limiter le recours à la déforestation pour trouver de nouvelles terres agricoles. Ils permettent aussi d’empêcher la diffusion de certaines maladies transmises par des champignons parasites et aussi le paludisme. Ils constituent certainement un des facteurs du développement agricole dans un contexte d’intensification de l’agriculture dicté à la fois par la pression démographique et les nécessités économiques. Ils permettent de réduire, voire 16 d’annuler les nombreux préjudices causés aux cultures par leurs nombreux ennemis. Cependant, les pesticides représentent de réels dangers et ce à trois (3) niveaux : – Toxicité des pesticides pour les utilisateurs en milieu agricole et les professionnels de l’industrie phytosanitaire (Toe et al., 2000 ; Toe et al., 2002); – Toxicité pour le consommateur, liée à la présence de résidus toxiques (Fournier et Bonderef, 1983); – Pollution de l’environnement (Toe et al., 2004). Des chercheurs estiment que sur les 2,5 millions de tonnes de pesticides répandues chaque année dans le monde, seulement 0,3% atteignent effectivement leur cible. Le reste (99,7%) touche toutes les autres espèces vivantes avec des conséquences multiples : affaiblissement des défenses immunitaires, baisse de la fertilité, modification des comportements, malformations, raréfaction des sources de nourriture, empoisonnement direct. Les pesticides agissent en empoisonnant le système nerveux de la cible et les organismes non ciblés (Dutta et Arends, 2003). Le mode d’action de la plupart des pesticides/insecticides est l’inhibition du fonctionnement normal du système nerveux. Ces composés modifient la transmission de signaux le long des fibres nerveuses et à travers les synapses d’un nerf à l’autre ou d’un nerf à une fibre musculaire. Le transfert d’un signal le long d’un nerf se produit par des variations du potentiel électrique qui est créé par le mouvement des ions dans et hors de la cellule. A la terminaison d’un nerf, le signal est transféré à travers une synapse à la cellule nerveuse par la libération de neurotransmetteurs tels que l’acétylcholine. 17 Différentes classes de pesticides inhibent ce processus de différentes manières, mais le résultat final est une altération de la propagation normale au niveau du nerf (Dutta et Arends, 2003).
Les pesticides organochlorés
Les pesticides organochlorés agissent principalement en modifiant le mouvement des ions à travers le nerf et les membranes cellulaires, ce qui modifie la capacité du nerf. Par exemple, les organismes exposés à de faibles doses d’exposition au DDT souffrent de tremblement et ont du mal dans la coordination de leurs mouvements, à la suite de répétitives décharges (surchauffe) des nerfs. Des études menées par Dutta et Arends 2003, ont montré une inhibition de l’activité de l’acétylcholinestérase du cerveau chez les juvéniles crapet arlequin exposés à l’endosulfan (un pesticide organochloré).
Les organophosphorés et les carbamates
Les deux molécules sujettes à la validation sont des organophosphorés qui sont principalement utilisés pour le stockage des graines d’arachide. Les organophosphorés et les carbamates exercent leur toxicité en bloquant la dégradation de l’acétylcholine (un neurotransmetteur) par l’enzyme l’acétylcholinestérase (AChE), à la jonction synaptique entre les cellules communicantes. Un défi à relever par les organismes de réglementation des pesticides est que les pesticides sont commercialisés sous des noms commerciaux différents ce qui les rend souvent difficile à identifier ou à reconnaître par la simple lecture de l’étiquette si elle ne respecte pas les bonnes pratiques d’étiquetage. Les pesticides interdits sont susceptibles de trouver leur chemin dans le marché sous des noms différents. Tout de même, pour protéger le public, l’Organisation 18 Mondiale de la Santé (OMS) a élaboré un système de classification qui est utilisé pour étiqueter les contenants de pesticides afin d’avertir les utilisateurs des risques portés par ces composés. La contamination des plans d’eau par les pesticides peut se faire via les eaux de ruissellement, les dépôts atmosphériques et le lessivage dû aux applications agricoles, antiparasitaires ou au transport et à l’élimination inappropriée des déchets (Mpofu et al., 2010). La Fondation CERES-Locustox sous l’égide du ministère de l’Agriculture a mené une étude (Gadji et al., 2008) sur la détermination du niveau de contamination par les pesticides des légumes du panier de la ménagère. Cette étude avait révélé la présence de 5 pesticides organophosphorés et 8 pesticides organochlorés inscrits sur l’annexe A de la Convention de Stockholm sur les Polluants Organiques Persistants (POP). Une autre étude (Gueye et al., 2011) a établi une situation sur la qualité des eaux d’arrosage des sites de production maraichère de la zone des Niayes. Cette étude menée au niveau de 26 localités a montré que 40% des échantillons d’eau d’arrosage contenaient des teneurs en pesticides dépassant la norme fixée par la Directive 98/83/CE. Ainsi qu’un arrêté primatorial n° 9415 du gouvernement sénégalais en date du 6 novembre 2008 a été signé, portant interdiction d’importation, de production et d’utilisation des pesticides et produits chimiques visés dans l’annexe A de la Convention de Stockholm sur les Polluants Organiques Persistants (POP).
INTRODUCTION |