Validation des simulations MED16
Introduction
Comme nous l’avons constaté au cours du premier chapitre, il existe peu d’observations concernant la Méditerranée Est adaptées à l’étude des trois échelles de la circulation (bassin, sous-bassin et méso-échelle). L’acquisition de mesures in-situ depuis des navires océanographiques ou des mouillages, nécessitent des campagnes d’acquisition de données longues et onéreuses qui doivent avoir lieu le plus proche possible des côtes dans des eaux territoriales pas toujours faciles d’accès. Ces méthodes sont irremplaçables. Cependant, les modèles numériques, particulièrement ceux à haute résolution, semblent très prometteurs. Ils permettent notamment de simuler la variabilité spatio-temporelle à long terme et en trois dimensions, celle-ci est une information nouvelle difficilement obtenue avec des données in-situ. Dans le chapitre précédent, J’ai décrit le modèle numérique ainsi que les conditions initiales et les forçages employés pour réaliser les simulations. Ce chapitre sera consacré à l’analyse du comportement du modèle MED16 à l’aide des bilans énergétique et hydrologique. Le but de ce chapitre est de comparer les résultats du modèle aux observations précédemment citées (§II.1, §II.2). En effet, j’essaierai de répondre à certaines questions : ¾ Le modèle a-t-il atteint un état d’équilibre ? Quelle variabilité temporelle montre-t-il ? ¾ Le modèle a-t-il gardé les caractéristiques des masses d’eau de l’état initial ? ¾ Le modèle a-t-il créé de nouvelles masses d’eau ? Quelles sont leurs caractéristiques ? ¾ Le modèle a-t-il pu reproduire des processus de la formation d’eau observés dans la Méditerranée Est ? ¾ Peut-t-on enfin faire confiance au modèle à partir de ces bilans validés et s’en servir pour l’étude de la circulation de surface et intermédiaire ? Afin de répondre aux questions précédentes, j’étudie l’évolution du comportement global du modèle au cours de la simulation, pour la simulation MED16-07 en particulier. Une étude similaire a été faite pour la simulation MED16-ERA40 dans Béranger et al. (2005b) récemment soumis. Pour MED16-07, j’analyse des séries temporelles du bilan d’énergie cinétique et potentielle, du contenu thermique et halin dans certaines zones clés. Une comparaison entre les masses d’eau du modèle et l’observation in-situ est aussi présentée. La formation de la LIW et l’ADW est étudiée et comparée avec l’observation in-situ [The LIWEX Group (2003); The MEDAR/MEDATLAS Group (2002); The POEM Group (1992)] et les résultats d’autres simulations numériques [Lascaratos & Nittis (1998); Nittis & Lascaratos (1998); Wu & Haines (1996)]. Enfin, j’examine le transport volumique à travers les principaux passages dans le bassin Est en le comparant aux observations disponibles et aux valeurs reportées dans la littérature [Astraldi et al. (1999); Béranger et al. (2004); Garzoli & Maillard (1979); Kontoyiannis et al. (1999); Manca (2002); Nittis et al. (2003); Tsimplis et al. (1997)].
Bilan énergétique sur le domaine
Pendant la période de spinup, une conversion d’énergie potentielle (le calcul de l’énergie potentielle utilisable est plus délicat à cause de la stratification quasi nulle en profondeur, mais donne les mêmes résultats) en énergie cinétique explique la décroissance d’énergie potentielle sur le domaine (Fig.3.1). Celle-ci ne se stabilise qu’après dix ans d’intégration. Fig.3.1: Séries temporelles sur les premiers 14 ans de la simulation MED16-07 intégrée sur la verticale : Energie potentielle (haut) et energie cinétique moyenne (bas). La variabilité saisonnière de l’énergie potentielle est évidente au cours de la simulation et montre une forte régularité jusqu’à la fin de la simulation (Fig.3.2). L’énergie cinétique moyenne sur le bassin, classiquement nulle au départ à cause de l’état initial des vitesses, augmente rapidement au début de la première année (Fig.3.1) et commence une oscillation saisonnière plus ou moins stable entre 7.5 et 12.5 cm²/s² à partir de la deuxième année d’intégration jusqu’à la fin de la simulation (Fig.3.2). L’ordre de grandeur de cette énergie (~12 cm²/s²) est en bon accord avec les résultats d’autres simulations [Demirov & Pinardi (2002); Korres et al. (2000a); Roussenov et al. (1995)]. On retrouve un cycle annuel, en opposition de phase avec l’énergie potentielle, montrant un minimum au cours de l’été et un maximum en hiver dû aux forçages atmosphériques et à une instabilité accrue des courants en hiver, conformément aux résultats de e.g. [Sammari et al. (1995)]. Cette oscillation est modulée par la variabilité interannuelle avec des maxima (>13 cm²/s²) pendant les années relatives 3, 4, 7, 10, 11, 13 et 19 de la simulation. Les pics des années 3, 4 et 7 sont dus aux ajustements internes du bassin pendant la phase du spinup. Par contre, les autres pics peuvent avoir une relation avec le forçage atmosphérique, en particulier la forte tension du vent (Fig.2.15 ; Fig.2.16).
Contenu thermique
Sur la figure.3.3, je présente des séries temporelles de l’évolution du contenu thermique de la mer Méditerranée et de ses sous bassins : la Méditerranée Occidentale et Orientale. Tout d’abord et d’après le calcul, on constate que le contenu thermique sur la totalité de la Méditerranée montre un léger réchauffement de ~0.1°C par rapport à l’état initial au cours de la simulation. Fig.3.3: Série temporelle du contenu thermique intégré sur la verticale de la mer Méditerranée (trait plein), de la Méditerranée orientale (tirets), et la Méditerranée occidentale (pointillé). Les abscisses présentent le temps en année relative à la simulation. On peut déjà distinguer le cycle saisonnier d’une amplitude de ~0.25 °C avec un minimum de la température en février-mars et un maximum en août-septembre. Ce signal est modulé par une légère variabilité interannuelle à partir de la 10ème année. Pendant les 10 premières années, le modèle montre un réchauffement rapide du bassin (~0.2°C), puis un refroidissement (~0.1°C) moins rapide pendant 5 ans avant de se retrouver proche de son état initial. Bien que le bassin occidental apparaisse plus froid (13.26°C) et que le bassin oriental soit plus chaud (14°C) que la mer Méditerranée en moyenne (13.73°C) (Tab.3.1), les deux bassins montrent le même III. Validation des simulations – III-66 – comportement que la mer Méditerranée, avec une tendance plus marquée dans le bassin occidental que l’oriental. En revanche, l’amplitude du signal saisonnier est plus forte (~0.35°C) dans le bassin oriental. Quant aux sous bassins de la Méditerranée Orientale, on trouve que le contenu thermique de la mer Egée est le plus élevé (14.79°C) et celui de la mer Adriatique est le plus faible (13.58°C). Dus aux plateaux continentaux au Nord de ces deux bassins, le cycle annuel montre une forte amplitude de ~1.3°C pour la mer Adriatique et de ~1.7°C pour la mer Egée (Fig.3.4). Des pics minima sont visibles dans la mer Adriatique pendant l’hiver des années 11, 12, 15, 20, 21 et 24 et en mer Egée pendant les années relatives 12, 16, 19, 21 et 24, mais je ne trouve pas une relation directe avec le forçage atmosphérique. Les bassins Ionien et Levantin montrent le même comportement que le bassin Méditerranée Est avec un léger décalage –0.1°C et +0.1°C respectivement (à partir de la 10ème année pour le Levantin).