Le débat international actuel sur la gestion durable des forêts tropicales participe à la recherche d‟un consensus scientifique et technique sur les effets attendus des bonnes pratiques d‟aménagement et de gestion forestière pour la sauvegarde des forêts et une extraction durable de ses ressources (ATIBT, 2005). Cette optique est considérée dans différentes conventions internationales relatives à la gestion de l‟environnement. Entre autres, la convention sur la diversité biologique (CDB) initiée en 1992 stipule que l‟aménagement forestier durable est à la fois un élément d‟amélioration du bien-être des populations locales, de développement économique des pays, de pérennité des forêts, et de conservation de la biodiversité.
La convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (adoptée en 1992 et est entrée en vigueur en 1994), avec le Protocole de Kyoto (mis en vigueur en 2005), présente une nouvelle opportunité de valorisation économique de la biodiversité à travers le mécanisme de réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation (REDD) (Wertz et al., 2007) ainsi que la notion de « marché de carbone » qui en découle. Partant d‟une hypothèse mentionnant que les forêts ne peuvent contribuer à l‟atténuation des changements climatiques que lorsqu‟elles présentent une certaine valeur prépondérante (Parker et al., 2009), le mécanisme REDD a été lancé depuis 2007 dans l‟objectif de réduire les émissions de carbone issue de la déforestation et de la dégradation des forêts des pays en développement (Karousakis, 2009). Par ailleurs, pour ne pas se limiter uniquement à la réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts, une extension de ce concept, sous l‟appellation REDD+ (Komos, 2009) a apporté plus d‟élargissement vers l‟amélioration des stocks de carbone ainsi qu‟à la lutte contre la pauvreté rurale tout en conservant la biodiversité et l‟intégrité écologique des écosystèmes (Parker et al., 2009). A l‟échelle globale, la forêt offre des services autres que le stockage de carbone tandis qu‟à l‟échelle nationale et locale, la mise en œuvre de REDD+ dans des zones caractérisées à la fois par d‟abondants stocks de carbone et par une riche biodiversité peut contribuer à l‟atténuation du changement climatique et multiplier les avantages connexes liés à la conservation et à l‟utilisation durable de la biodiversité (Turner et al., 2007).
Les ressources forestières aussi bien humides que sèches fournissent, en effet, tout un ensemble de biens et services marchands ou non marchands nécessaires à la survie et au développement des sociétés humaines tels que : la production de bois d‟œuvre, de bois de service et de bois-énergie à la fois pour le monde rural et urbain ; les produits forestiers non ligneux ; les espaces pour des mises en valeur agricoles ; les sitesrécréatifs et touristiques ; les sites destinés aux rites magico religieux et les sites pour l‟éducation et la recherche. Ces différentes formes d‟utilisations des ressources forestières, suivant leur intensité et leur répétition, ainsi que d‟autres facteurs naturels conduisent à la formation de végétation présentant des structures et des compositions différentes de celles de la forêt originelle, appelées « forêts secondaires » (FAO, 2003).
La gestion et la valorisation de ces forêts secondaires trouvent un regain d‟intérêt au niveau international. De nouvelles conclusions issues des recherches menées notamment par le centre international de recherche forestière à Bogor (CIFOR) depuis 1993, par l‟Organisation Internationale des Bois Tropicaux (OIBT, 2002), ainsi que par l‟Organisation des Nations Unies pour l‟agriculture et l‟alimentation (FAO, 2002) amènent à réviser les idées générales sur la valeur des forêts secondaires.
Problématique
Le paysage rural résulte des systèmes agraires adoptés par des groupes sociaux unis, selon les formes et les types d‟exploitations. Ces formes d‟utilisations de la terre conduisent à la formation des différentes composantes du paysage selon le relief, les occupations des sols et l‟agencement spatial des éléments. Les forêts secondaires font partie intégrante des paysages dans les pays tropicaux. Cela signifie que leur formation et leur dynamique sont influencées par des facteurs au niveau de leur site ainsi que par un ensemble de facteurs biologiques et sociaux liés les uns aux autres et qui agissent à une plus grande échelle (FAO, 2003). Réciproquement, l‟ampleur et la configuration des forêts secondaires à travers un paysage jouent un rôle important en déterminant la fonctionnalité de ce paysage particulier. Sous les tropiques, la dégradation des forêts a pris d‟importantes proportions puisque près de 350 millions d‟hectares de terres forestières tropicales ont été si gravement endommagées que les forêts ne se rétabliront pas spontanément (Bonnéhin, 2003). De plus, le couvert forestier, sur une surface de 500 millions d‟hectares, a été dégradé ou bien s‟est reconstitué après le déboisement initial. Ce processus de « secondarisation » des forêts tropicales s‟effectue à une vitesse considérable et aujourd‟hui, les forêts secondaires tendent à dépasser, en termes de superficie, les forêts primaires (OIBT, 2002b).
Dans les régions néo-tropicales, près de 21 millions d’hectares de terres agricoles désaffectées au Mexique, en Amérique centrale et dans les Caraïbes se sont régénérés à la fin des années 70 pour donner naissance à des forêts secondaires. En Amérique du Sud, il existe 78 millions d’hectares de forêts secondaires d’origine comparable (Bonnéhin, 2003).
En Afrique, et particulièrement en Afrique tropicale, l‟intensité des activités d‟exploitation des forêts naturelles primaires a modifié très largement la structure, la composition floristique et faunique ainsi que le milieu édaphique de ces écosystèmes (Du Puy, 1998). A partir de la deuxième moitié du XXème siècle, des massifs forestiers ayant fait l‟objet d’interventions humaines localisées et modérées (agriculture itinérante, cueillette, prélèvement limité de bois précieux, etc.), ont commencé à connaître des modifications, voire de profonds bouleversements tant au niveau de leur structure que de leur étendue (Bonnéhin, 2003). Les données sur une période de dix ans (1980 à 1990) montrent une réduction annuelle du couvert forestier de 600 000 ha, soit un taux moyen de 0,8% par an (Singh, cité par Du Puy, 1998).
Concepts et notions générales
Paysage forestier
Le paysage résulte d‟une association de différentes composantes qui interagissent les unes sur les autres (L‟IF, 2005). Les éléments physiques du territoire (le relief, les roches, les rivières, les forêts, etc.) en constituent le socle. À cette première composante se superpose l‟activité humaine : gestion forestière, cultures, habitat diffus ou concentré, réseaux de communication…. Cette approche économique définit le territoire (lieu de la carte) et le pays (lieu de vie et de travail). La troisième composante du paysage réside dans son aspect culturel : identité locale, esprit des lieux, schémas esthétiques, multiples émotions qui lient l‟homme et la collectivité à la terre qui les fait vivre. La notion de « paysage » est donc complexe à appréhender. Les spécialistes s‟accordent cependant à lui reconnaître une composante objective (relief, occupation du sol, agencement spatial des éléments…) et une composante subjective, fondée sur la sensibilité de l‟observateur. La convention européenne du paysage tient compte de ces deux aspects et avance que: « le paysage désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations».
Le concept de paysage est un concept holistique et spatialement explicite qui englobe bien plus que la somme de ses composantes : territoire, sol, occupation de l‟espace, couvert végétal. Il peut être considéré comme une construction culturelle (Sheil et al., 2004). Par rapport à cette complexité, l‟approche paysagère trouve sa pertinence sur la prise en compte de l‟ensemble des facteurs pouvant conditionner la stratégie, les choix et les succès des actions mises en œuvre dans le cadre d‟un projet.
Forêts secondaires
Depuis quelques années, plusieurs organisations internationales et régionales telles que le Centre Agronomique Tropical de Recherche et d‟Enseignement (CATIE), le Centre pour la Recherche Forestière Internationale (CIFOR), le Centre International pour la Recherche en agroforesterie (ICRAF), la FAO et l‟OIBT s‟efforcent, avec les concours des bailleurs de fonds, de faire comprendre l‟importance des forêts secondaires et d‟améliorer les pratiques de leur gestion. Dans ce cadre, des ateliers régionaux se rapportant à la gestion des forêts tropicales secondaires ont été organisés en Amérique latine (Pérou, juin 1997), en Asie (Indonésie, Novembre 1997 et Avril 2000) et en Afrique (Kenya, décembre 2002 et Cameroun, novembre 2003). Actuellement, la communauté internationale accorde ainsi une place croissante aux forêts tropicales secondaires, aux services écologiques qu‟elles rendent mais également au potentiel productif qu‟elles représentent dans le cadre des politiques de réduction de la pauvreté (FAO, 2005b).
Les recommandations à l‟issue de ces ateliers (UICN, ICRAF, CIFOR, 2003) préconisent cinq directions qui consistent à dresser un catalogue des forêts secondaires ; reconnaître leurs contributions aux économies locales ; les faire figurer en bonne place dans l‟ordre du jour des politiques nationales et internationales ; faire une large publicité des enseignements tirés dans le domaine de la gestion durable des forêts secondaires et à faire des échanges d‟informations et d‟expériences dans le domaine politique, social, économique et écologique.
Les directives pour la restauration, l‟aménagement et la réhabilitation des forêts tropicales dégradées et secondaires publiées par l‟OIBT en 2002 visent à aider les planificateurs, décideurs et praticiens à cerner les différents orientations émises ainsi que les principales questions socio-économiques, juridiques, institutionnelles, écologiques et forestières dont il faut tenir compte pour planifier et mettre en œuvre des stratégies appropriées et des options viables de restauration, d‟aménagement et de réhabilitation des forêts dégradées et secondaires.
Définition
La définition des forêts secondaires varie suivant les réalités d‟un continent à l’autre et elle est aussi fonction des principaux critères de classification. Ainsi, OIBT (2000) définit les forêts secondaires comme étant « la revégétalisation ligneuse s‟opérant sur des terrains auparavant dénudés de leur végétation forestière originelle (c‟est-à-dire portant moins de 10% de la végétation forestière originelle)». Elles se développent ordinairement de manière naturelle par succession. Emrich et al., (2000) définissent les forêts secondaires comme des forêts qui se sont formées à la suite de la destruction anthropogène totale (à plus de 90%) des forêts primaires et qui s‟établissent sur une grande surface, avec des compositions et une dynamique différentes du peuplement initial. En 2003, la FAO a donné une autre définition relativement similaire qui considère les forêts secondaires en tant que forêts qui se régénèrent en grande partie par mécanismes naturels à la suite d‟une importante perturbation (humaine et naturelle) de la végétation forestière originelle, à un moment donné ou sur une période prolongée, et qui présentent une grande différence de structure forestière et/ou de composition des essences par rapport aux forêts primaires voisines sur des sites analogues.
Tous les concepts avancent que les forêts secondaires sont des forêts en transition et font partie d‟une série évolutive (WCFSD, 1997). Leur développement est complexe car au cours de leur évolution, ces forêts traversent des phases et étapes multiples qui font qu‟elles sont toujours en passage d‟un modèle à un autre. C‟est ainsi que des études et recherches distinguent les forêts secondaires suivant leur âge et leur phase de succession. Dans le cadre de cette recherche, les forêts secondaires sont définies comme « des forêts qui résultent de la régénération naturelle des forêts défrichées en vue de l’agriculture ou de l’élevage et des forêts exploitées, et ayant un âge d’évolution entre une et cinquante années ».
Les forêts qui ont plus de cinquante ans sont considérées comme étant des forêts matures peu ou pas perturbées avec une possibilité de reconstitution naturelle des caractéristiques des formations originelles.
1 INTRODUCTION |