Utilisation dynamique du facteur d’échelle visuelle
Motivations de l’étude et problématique
Certains simulateurs peuvent ne pas procurer la même sensation de vitesse qu’en conduite réelle. Ce phénomène non désiré peut provenir d’un faible champ de vision procuré par le simulateur, d’une base de données visuelle pauvre en détails, de l’absence de restitution vibratoire, d’une restitution sonore non réaliste… Pour ces simulateurs, la perception de la vitesse est souvent sous-estimée, se traduisant alors par une conduite plus rapide des conducteurs. De ce fait, la maîtrise du véhicule (pour les virages ou un freinage par exemple) peut être affectée. Un utilisateur de simulateur voudra donc essayer de corriger cette différence de vitesse perçue. Le facteur d’échelle visuelle ( ), défini comme le ratio entre le champ de vision géométrique (GFOV) et le champ de vision (FOV), permet dans un simulateur de conduite de modifier le flux optique vu par le conducteur et ainsi de moduler sa perception de la vitesse. Cette technique peut donc permettre dans une certaine mesure de corriger la différence de vitesse perçue existant dans certains simulateurs, comme nous l’avons vu au Chapitre 5. La « correction » sur la vitesse perçue apportée par le facteur d’échelle visuelle est alors proportionnelle à la vitesse du véhicule. D’autre part, aussi bien dans les expérimentations de (Mourant, et al. 2007), (Diels et Parkes 2009) ou celle présentée au Chapitre 5, aucun conducteur n’a reporté de différence visuelle entre les conduites avec des facteurs d’échelle visuelle différents. Ce résultat montre qu’utiliser un facteur d’échelle visuelle différent de 1.00 n’altère pas l’immersion ou la présence du conducteur dans l’environnement de conduite virtuel. Toutefois, la différence à corriger entre la vitesse perçue dans le véhicule réel et la vitesse perçue dans le simulateur n’est pas toujours proportionnelle à la vitesse du véhicule simulé. Par exemple (Mourant, et al. 2007) préconise pour leur simulateur l’utilisation d’un GFOV de 85° (correspondant à un de 1,889) pour une conduite à 30 miles/h, et d’un GFOV de 55° (correspondant à un de 1,222) pour une conduite à 60 miles/h. On s’aperçoit donc que pour corriger la vitesse perçue d’une façon plus adaptée, il faudrait faire varier le facteur d’échelle visuelle de façon dynamique, en fonction de la vitesse du véhicule simulé. Cette variation dynamique pose alors le problème du maintien de la sensation de présence du conducteur dans l’environnement de conduite virtuel. En effet, nous avons vu que l’utilisation de facteurs d’échelle visuelle différents ne modifiait a priori pas cette sensation de présence. En revanche, si pendant la conduite le est modifié dynamiquement, le conducteur peut détecter ce changement : l’immersion serait alors altérée et le comportement du conducteur serait de ce fait modifié.
Méthodes psychophysiques pour la mesure de seuils de détection
Le but de l’étude envisagée ici est de pouvoir mesurer un seuil de détection, et nous allons pour ce faire choisir une méthode parmi celles existant en psychophysique. Afin de mieux éclairer les raisons des choix que nous allons faire, cette partie présente les principales méthodes de mesure de seuil existantes. 6.2.1. Généralités sur la psychophysique La psychophysique est une discipline assez récente, dont les bases ont été posées par Gustav Theodor Fechner (1801-1887) en 1860 (Fechner 1860). L’idée principale de Fechner était d’établir une méthode scientifique d’étude des « relations entre le corps et l’esprit », c’est-à-dire en termes plus précis la relation entre un stimulus physique et la perception qu’on en a. Jusqu’à aujourd’hui, de nombreuses tâches et méthodes ont été développées et mises au point, essentiellement pour la mesure de seuils. On peut chercher à estimer soit un seuil absolu, c’est-à-dire l’intensité minimum d’un stimulus pour qu’il soit détecté, ou un seuil différentiel (aussi connu sous le nom de Just Noticeable Difference JND), c’est-à-dire la différence minimum nécessaire entre 2 stimuli pour qu’ils puissent être distingués. Le seuil de détection n’est jamais une valeur « franche» à partir de laquelle le stimulus devient instantanément et complètement perceptible. Il existe toute une zone aux alentours de ce seuil où le stimulus passe de l’état « non perceptible » à l’état « perceptible ». Si on trace la courbe représentant le pourcentage de réponses positives à un stimulus en fonction de l’intensité de celui-ci, on obtient ce qu’on appelle une courbe psychométrique, dont l’allure en S (Figure 75) montre bien l’aspect transitoire de la perception du stimulus autour du seuil de détection. La courbe psychométrique est généralement approchée par une fonction normale cumulative, représentant la fonction de répartition de la loi normale (ou gaussienne), ou par une sigmoïde qui représente la fonction de répartition de la loi logistique.
Les méthodes existantes
Ehrenstein (Ehrenstein et Ehrenstein 1999) fait une revue des différentes méthodes psychophysiques de mesure de seuil existantes. Il existe 5 principales méthodes : méthode de l’ajustement, méthode des limites, méthode des stimuli constants, les tests adaptatifs et la méthode du choix forcé. Méthode de l’ajustement Il s’agit tout simplement dans cette méthode de laisser le sujet adapter l’intensité du stimulus jusqu’à ce qu’il soit perçu (ou qu’il disparaisse) dans le cas d’une détection de seuil absolu, ou qu’il soit égal à un autre stimulus de référence dans le cas d’une détection de seuil différentiel. Cette méthode est la plus simple et une des plus rapides pour déterminer un seuil. C’est par ailleurs la seule où le sujet contrôle lui-même le stimulus. Typiquement pour cette méthode, les 2 types de séries possibles (ascendante ou descendante) sont alternés plusieurs fois et les valeurs obtenues pour chaque série sont ensuite moyennées pour obtenir une estimation du seuil. 6.2 Méthodes psychophysiques pour la mesure de seuils de détection 107 Méthode des limites La méthode des limites est semblable à celle de l’ajustement. La différence se situe dans le fait que l’intensité du stimulus est contrôlée par l’expérimentateur. La variation se fait par pas discrets, constants et successifs. Comme pour la méthode de l’ajustement, les résultats d’une succession de séries ascendantes et descendantes sont moyennés pour obtenir l’estimation du seuil. Méthode des stimuli constants Dans cette méthode, la plage des intensités du stimulus que l’on veut tester est discrétisée, et chaque valeur est alors testée plusieurs fois, le tout dans un ordre aléatoire. La réponse du sujet est enregistrée à chaque fois (stimulus perçu ou non pour un seuil absolu, stimulus « plus fort » ou « plus faible » pour un seuil différentiel). A la fin de l’expérimentation, pour chaque intensité du stimulus testée, le pourcentage de réponses correctes est calculé. Ces données, tracées en fonction de l’intensité du stimulus, permettent d’obtenir la fonction psychométrique. Le seuil est alors la valeur de l’intensité du stimulus permettant d’obtenir 50% de réponses correctes.