CEBC comme méthode de prévention et de contrôle du DMA
Les CEBC constituent une des techniques utilisées pour la prévention et le contrôle du DMA en climat humide. Cette technique consiste à recouvrir les rejets miniers réactifs de plusieurs couches de matériaux meubles (généralement 3-5 et jusqu’à dix couches; Aubertin et Chapuis 1991a; Hutchison et Ellison, 1992; Aubertin et al., 1995, 2002a) ayant un contraste granulométrique et de propriétés hydrogéologiques afin de contrôler, par les effets de barrière capillaire, la migration des gaz (en l’occurrence l’oxygène) et de minimiser les infiltrations d’eau. Les principes sous-jacents au concept de barrière capillaire ont été décrits dans de nombreuses publications (p.ex., Rasmuson et Erikson, 1986; Nicholson et al., 1989, 1991; Akindunni et al., 1991; Morel-Seytoux, 1992; Aubertin et al., 1995, 1996a; Aachib, 1997; Bussière, 1999; Smersud et Selker, 2001; Yang et al., 2004; Mancarella et al., 2012; Solanki et al., 2016).
Une configuration typique de ce type de recouvrement est présentée à la Figure 2.1. Chaque couche est formée d’un matériau distinct qui joue un (ou plusieurs) rôle(s) particulier(s) dans le comportement global du système. Les deux premières couches, A et B, servent à protéger les trois couches suivantes (soient les couches C, D et E) contre l’érosion, les intrusions biologiques et les effets des cycles de mouillage-séchage, gel-dégel et fluctuation de la température et de l’humidité (Bussière et al., 2001). L’épaisseur de la couche A (couche de surface) est généralement de 15 à 20 cm, mais peut atteindre 90 cm. On emploie des sols organiques (pour permettre une revégétalisation), des géosynthétiques perforés ou des cailloux (pour empêcher les intrusions biologiques) (Aubertin et al., 1995 ; Yanful et al., 1999b; Nyhan et al., 1990; Pease et al., 2003). La couche B, ou couche de protection a souvent une épaisseur de 30 à 50 cm (parfois 1 m). On emploie essentiellement du sol tout venant avec cailloux. Les composantes essentielles qui permettent à la CEBC de jouer le rôle de barrière à l’oxygène sont les couches C, D et E (Aubertin et al., 1995).
La couche C est appelée couche drainante et elle assure plusieurs fonctions. Elle a une granulométrie grossière et présente une conductivité hydraulique saturée (ksat) de 10-1 à 10-3 cm/s; la valeur de ksat doit être supérieure d’environ deux à trois ordres de grandeur à celle de la couche D (Aubertin et al., 1995, 2002a). Elle permet de contrôler les écoulements d’eau des couches supérieures tout en favorisant les écoulements latéraux. Ceci permet de réduire l’infiltration dans la couche D. La couche drainante diminue les pressions interstitielles dans le recouvrement, ce qui confère à ce dernier une meilleure stabilité. Elle peut être faite en sols pulvérulents (sable et/ou gravier), matériaux synthétiques (geonet ou geotextile) ou matériaux composites conçus pour fins de drainage. Enfin, le choix judicieux du matériau de cette couche permet de créer une barrière contre la remontée capillaire de l’eau venant de la couche D, ce qui permet à cette dernière de garder plus d’humidité (Bussière et al., 2001). Son épaisseur est souvent supérieure à 30 cm. La couche D est appelée couche de rétention d’humidité (CRH) ou de faible perméabilité.
Elle permet de limiter et contrôler la migration d’oxygène et l’infiltration d’eau vers les résidus sulfureux. Cette couche est faite d’un matériau fin peu plastique (afin d’éviter l’influence des cycles de gel-dégel), ayant un contraste granulométrique important avec les couches C et E pour que les effets de barrière capillaire s’installent et que la teneur en eau y reste élevée. Son épaisseur est souvent comprise entre 0,5 m à 1 m. Généralement, la valeur ksat devrait être inférieure à 10-6 cm/s (e.g. Aubertin et Chapuis, 1991a; Schroeder et al., 1994; Dunie et Richardson, 1995) mais certaines CEBC fonctionnent bien avec un ksat de l’ordre de 10-5 cm/s (Bussière et al., 2006, 2007). Les matériaux utilisés dans cette couche doivent posséder un fort potentiel de rétention capillaire (Air Entry Value, AEV = 1,5 à 2 m d’eau et plus). Un degré de saturation typiquement ⩾ 85% de cette couche permet d’éviter les problèmes d’assèchement et de fissuration ainsi que de prévenir ou contrôler et/ou de diminuer de façon significative la production du DMA des résidus sulfureux placés sous la couverture (Aubertin et al., 1995 ; Bussière et al., 2001). Les principaux matériaux qui peuvent être utilisés pour cette couche sont: sols argileux ou silteux, sols amendés à la bentonite et Géocomposite bentonitique (GCB) (Aubertin et al., 2015; 2016).
Les stériles miniers comme couche drainante et/ou de bris capillaire Aubertin et al. (1995) avaient suggéré les stériles non générateurs d’acide comme amendement à la couche de protection des CEBC. Ces matériaux ont été utilisés comme couche drainante dans un recouvrement de type store-and-release (Zhan et al., 2001). Plus récemment, les propriétés de stériles miniers ont été utilisées dans des modélisations numériques (Pabst, 2011). Ces matériaux sont proposés comme matériaux de couches de bris capillaire (CBC) des CEBC (Bussière et al., 2013). Pabst (2011) a montré par modélisation numérique que le choix de l’épaisseur de la couche de stériles du bris capillaire a une influence très limitée sur les résultats et que les stériles plus grossiers permettent de former un bris capillaire plus efficace. Dans le but de continuer des investigations quant à la valorisation de ces matériaux en restauration minière, les stériles ont été évalués au laboratoire et par modélisation numérique comme source potentielle de matériaux granulaires des recouvrements (Kalonji-Kabambi, 2014; Kalonji-Kabambi et al., 2017). Ces essais de laboratoire ont montré que les fractions 0-20 et 0-50 mm, lorsqu’utilisées dans les CBC d’une CEBC, conduisent à un comportement hydrogéologique quasi similaire du recouvrement. Sur un site minier, la fraction 0-20 mm peut être obtenue par tamisage et la fraction 0-50 mm par concassage. Les stériles miniers non générateur d’acide (0-10 cm) ont également été utilisés en cellules expérimentales de terrain, comme CBC d’une CEBC afin de valider ce concept de restauration dans des conditions de nappe phréatique profonde (environ 4 m sous la surface) (Maqsoud et al., 2017). Les résultats des mesures de teneurs en eau volumiques et de succions réalisées au niveau des cellules expérimentales ont confirmé la saturation de la CRH et par conséquent la validité de ce concept sous les conditions de nappe profonde. Larochelle et al. (2019) ont évalué avec succès en colonne au laboratoire, l’utilisation des stériles (0-50 mm) générateurs d’acide et/ou pré-oxydés dans la CBC d’une CEBC. Les résultats obtenus suggèrent qu’il pourrait être possible de valoriser les stériles miniers générateurs d’acide dans ce type de recouvrement.
Cependant, les matériaux qui constituent différentes couches d’une CEBC doivent être compatibles entre eux afin d’éviter la migration des particules fines, l’évolution marquée de leurs propriétés hydrogéologiques à long terme ainsi que des écoulements préférentiels. Cette source d’inquiétude est encore plus importante quand on planifie utiliser des matériaux grossiers comme des stériles miniers dans le recouvrement. La migration des particules fines peut être interne à la couche des stériles ou provenir d’une autre couche de matériaux fins subjacente. Les écoulements préférentiels peuvent provenir de la ségrégation des grains (Aubertin et al., 2002). Lorsqu’un résidu minier est placé sur un stérile, le mouvement des particules fines est influencé par la taille des stériles et le pourcentage solide des résidus (Rey et al., 2014). Des études menées dans ce sens ont montré que l’influence de la migration des particules fines sur la ksat, qui est une caractéristique clé pour le développement des effets de barrière capillaire, reste faible (Peregoedova, 2012; Rey et al., 2014). Le volet de cette thèse qui porte sur une cellule expérimentale de terrain simulant une CEBC constituée entièrement de matériaux miniers (résidus et stériles) donnera un aperçu de la performance des stériles dans les recouvrements à l’échelle intermédiaire.
Le tableau 2.1 présente les principaux projets de recherches menés sur l’études de propriétés hydrogéologiques de rejets miniers et sur leurs utilisations dans les CEBC. La plupart des travaux de recherche sur la restauration présentés dans ce tableau n’ont pas concerné un résidu très réactif, sans pouvoir de neutralisation comme celui du parc à résidus LaRonde utilisé dans ce projet, mais les conclusions de ces travaux sont unanimes quant au potentiel de matériaux miniers (résidus et stériles) à être utilisés comme matériaux de recouvrement. Les tableaux 2.2 et 2.3 donnent les principales caractéristiques et propriétés de base des résidus miniers en général et des roches stériles. Les rejets de concentrateur sont de granulométrie fine (D60 compris entre 0,01 et 0,08 mm et CU entre 8 et 30). Les stériles miniers sont de granulométrie grossière et étalée (D60 compris entre 1 et 80 mm et CU de 20 et plus). Les rejets de concentrateur sont classifiés comme des silts de très faible plasticité ou non plastiques (ML) ou encore des sables silteux (SM-ML) et les stériles miniers comme sable bien gradué (SW) ou grave propre bien graduée (GW). La valeur de ksat des rejets de concentrateur est de l’ordre de 10-6 à 10-5 cm/s et celle des stériles miniers peut atteindre 1 cm/s.
Restauration de zones inclinées de parcs à résidus et des haldes à stériles Les méthodes de restauration des parcs à résidus ou rejets du concentrateur et des haldes à stériles nécessitent des techniques de restauration qui s’adaptent aux différentes zones de ces ouvrages d’entreposage de rejets (horizontale ou inclinées). Le développement d’un recouvrement pour les pentes de ces ouvrages est sans doute un des plus gros défis techniques. C’est le cas par exemple des parements de digues (avec un angle de 15° à 20°) de parcs à résidus construites avec des stériles générateurs d’acide (exemple de la Digue 1 de 1,5 km de long à la mine LaRonde) et le flanc des haldes à stériles avec des pentes pouvant atteindre 35° (Aubertin et al., 2016). Le défi peut être amplifié selon les caractéristiques de ces ouvrages (superficie de l’empreinte, hauteur des empilements et pentes). C’est le cas de la halde à stérile de la mine Canadian Malartic avec un volume de stériles estimé à 395 millions de tonnes en 2018 et 700 millions de tonnes à la fin de la vie de la mine, une superficie de l’empreinte et une élévation finale projetées à la fin des opérations d’environ 440 ha et 300 m, respectivement (Golder, 2015; Lavoie-Deraspe, 2019). C’est le cas aussi des trois haldes à stériles de la mine Lac Tio (Puyjalon, Léo et Petit-Pas) qui ont à certains endroits des angles équivalents à l’angle du matériel au repos et des hauteurs de près de 100 m (Plante, 2010).
La technique des CEBC a été utilisée sur quelques haldes à stériles et aurait permis de réduire la génération de DMA dans certains cas (Yanful et al., 1993, O’Kane et al., 1998; Qing, 2010 cités par Dubuc, 2010). Le tableau 2.7 présente ces quelques cas tirés de la littérature. Pour rappel, une CEBC vise à contrôler la diffusion de l’oxygène et/ou l’infiltration d’eau et que sa performance est influencée par plusieurs facteurs: les types des matériaux et leurs propriétés hydrogéologiques, la géométrie du système (épaisseur des couches, angle et longueur de la pente), la végétation et les conditions climatiques (p.ex., Akindunni et al., 1991; Morel-Seytoux, 1992; Aubertin et al., 1996a; Choo et Yanful, 2000). Les principales limitations et contraintes de ce type de couvertures lorsque placées sur des haldes (ou des digues de parc à résidus miniers) concernent le maintien de la saturation dans le haut de pente de la CRH (Bussière, 1999; Bussière et al., 2003) et la durabilité des matériaux de cette couche (érosion, cycles de mouillage/séchage et de gel/dégel) (Aubertin et al., 2002b).
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