Utilisation des espèces sauvages pour l’analyse
génétique et l’amélioration variétale de
l’arachide cultivée
Les espèces sauvages apparentées à l’espèce cultivée
Caractéristiques biologiques et phylogénie
Les 80 espèces décrites du genre Arachis sont naturellement distribuées et endémiques dans 5 pays d’Amérique du Sud. La section Arachis comprend 31 espèces décrites dont 29 espèces sauvages diploïdes et deux espèces tétraploïdes annuelles qui sont A. monticola (2n=4x=40), la seule espèce tétraploïde sauvage de la section, et l’espèce cultivée A. hypogaea (2n=4x=40) (Bechara et al., 2010; Stalker et al., 2016). Les espèces sauvages de cette section sont pérennes ou annuelles et ne présentent ni rhizomes ni stolons. Le système racinaire est caractérisé par une racine pivotante, la tige principale est érigée et les branches secondaires rampantes (Figure 6). Les fleurs sont de couleur orange ou jaune et les fruits sont souterrains (Krapovickas & Gregory, 1994). Au fil des années, certaines espèces diploïdes sauvages ont été considérées comme les ancêtres probables de l’arachide cultivée, notamment les espèces diploïdes A. correntina, A. duranensis et A. cardenasii pour le génome A et les espèces diploïdes A. batizocoi (actuellement génome K) et A. ipaënsis (génome B sensu stricto) pour le génome B (Gregory & Gregory, 1976; Stalker, 1991; Singh & Smartt, 1998). Cependant, de nombreuses études biogéographiques, cytogénétiques, phyllogénétiques et moléculaires indiquent que les génomes diploïdes des espèces sauvages A. duranensis et A. ipaënsis sont étroitement et respectivement liés aux composantes A et B du génome tétraploïde de l’arachide cultivée. En outre, la comparaison d’une séquence d’ADN de 58 kbp de A duranensis V 14167 et du génome A de A. hypogaea a montré une identité de 98,66% et la comparaison de 61 kbp de la séquence d’ADN de A. ipaënsis et le génome B de A. hypogaea a montré une identité remarquable de 99,99% (Bertioli et al., 2016). 13 Figure 6. Diversité génétique de quelques espèces du genre Arachis. Figure adaptée à partir du dendrogramme construit à l’aide du polymorphisme de séquences ITS de Bechara et al., (2010). La formule chromosomique et le génome des espèces de la section Arachis sont représentés à la droite du dendrogramme. Le port végétatif érigé de l’espèce cultivée et rampant de l’espèce sauvage A. cardenasii est observable à la gauche de la figure. 1.2.2. Structuration génomique et caractéristiques chromosomiques Les études cytogénétiques ont été particulièrement instructives pour déterminer les relations génomiques et biosystématiques entre les espèces du genre Arachis. Le nombre chromosomique de base est x=10 pour toutes les espèces de cette section à l’exception de trois espèces diploïdes A. palustris, A. decora et A. praecox qui ont un nombre chromosomique de base x=9 (2n=2x=18) (Lavia, 1998; Peñaloza & Valls, 2005). Les espèces diploïdes de la section Arachis sont actuellement réparties en cinq différents génomes (A, B, D, F et K) sur la base du caryotype et de la distance génétique (Husted, 1936; Stalker, 1991; Krapovickas & Gregory, 1994; Robledo & Seijo, 2010). L’analyse du caryotype des espèces tétraploïdes A. monticola et A. hypogaea a révélé 20 chromosomes de taille similaire à celui du génome A et 20 autres chromosomes à caryotype similaires à celui du génome B. Ces deux espèces ont une structure allotétraploïde AABB, aux chromosomes de taille similaire et essentiellement métacentriques (Seijo et al., 2007). Les espèces sauvages diploïdes de génome A se caractérisent par la présence d’une paire de chromosomes de petite taille et par la présence d’une forte bande centromérique hétérochromatique (Robledo et al., 2009). En revanche, chez les espèces de génome B, les chromosomes ont tous une taille similaire et ont une bande centromérique de consistance 14 beaucoup plus faible (Robledo & Seijo, 2010). La seule espèce sauvage décrite de génome D, A. glandulifera (Stalker, 1991) se caractérise par un caryotype unique, asymétrique. Des études récentes de cytogénétique et de phylogénie moléculaire ont fortement soutenu la validité de la structuration initiale des espèces du génome A (Figure 7) où la plupart des espèces du groupe sont des plantes vivaces, tandis que d’autres espèces de la section Arachis sont annuelles. Les espèces de génome A ont une bande centromérique riche en AT et forment un groupe phyllogénétique toujours distinct sur la base des séquences moléculaires. Cependant, des études récentes de cytogénétique et de phylogénie moléculaire soutiennent la subdivision du groupe B (maintenant connu sous le nom de B sensu lato) en génomes B (parfois appelé B sensu stricto), K et F (Robledo & Seijo, 2010). Figure 7. Structuration génomique de quelques espèces sauvages sect. Arachis Figure adaptée à partir du dendrogramme construit à l’aide du polymorphisme de séquences ITS 1 et 2 de Friend et al., (2010). Les espèces sauvages utilisées dans la partie expérimentale de cette thèse sont indiquées par des flèches.
Contraintes de production de l’arachide cultivée
La sècheresse: une contrainte abiotique majeure
La sécheresse est un terme météorologique généralement défini comme une période sans précipitations importantes. L’arachide est cultivée dans la plupart des régions arides et semiarides où l’eau est un facteur limitant. Comparée à d’autres plantes annuelles tropicales, la plasticité de l’arachide, liée à sa croissance indéterminée lui confère une relative bonne tolérance à la sècheresse. Cependant, le stress hydrique demeure l’une des causes principales de perte de production. La perte annuelle de production en raison de la sécheresse dans le monde est estimée à 520 millions de dollars (Kumarb, 2015). La sécheresse créerait aussi les conditions favorables à une contamination à l’aflatoxine, toxine qui rend les produits arachidiers impropres à la consommation humaine ou animale (Arunyanark et al., 2010). En général, le stress hydrique survient lorsque l’eau disponible dans le sol est réduite et que les conditions atmosphériques induisent une perte d’eau par transpiration ou évaporation. L’indisponibilité de l’eau pendant la floraison où au stade de remplissage des gousses affectent directement le rendement et déprécie la qualité en protéine et en huile chez l’arachide (Rao et al., 1985; Wright, 1989; Dwivedi et al., 1996). Au Sahel en général, le stress hydrique est un problème grave, qui se manifeste non seulement par une variation du volume de la pluviométrie d’une année à une autre, mais aussi par l’inégale répartition temporelle et spatiale des précipitations avec pour conséquences des pauses pluviométriques longues (2 semaines) préjudiciables à la croissance des plantes. D’autres contraintes abiotiques comprenant la faible fertilité des sols, la salinité, la chlorose ferrique, la toxicité aluminique et différents stress thermiques ont été signalées (Singh et al., 2008a; Upadhyaya et al., 2008).
Les maladies et ravageurs de l’arachide
On dénombre parmi les principaux agents pathogènes de l’arachide les champignons, les bactéries, les virus, les nématodes, les insectes et les acariens.
Les maladies fongiques
La cercosporiose, tardive causée par Phaeoisariopsis personata van Arx. et précoce causée par Cercospora arachidicola Hori sont des maladies foliaires majeures qui affectent la production arachidière à l’échelle mondiale et occasionnent des baisses de rendement de l’ordre de 70 % (Subrahmanyam et al., 1984). La perte économique annuelle mondiale liée aux cercosporioses est estimée à 599 millions de dollars (FAOSTAT, 2014). Aspergilus flavus est un champignon responsable de la sécrétion de l’aflatoxine, substance toxique dont l’effet cancérigène pour l’homme et les animaux a été mis en évidence (Eaton & Gallagher, 1994; Hamid et al., 2013). La rouille causée par Puccinia arachidis est une maladie grave à l’origine des nécroses parfois totales des folioles. En plus d’une baisse de la qualité des graines, les pertes de rendement dues à la rouille sont de l’ordre de 10-52% (Mondal et al., 2011). La pourriture du collet causée par Aspergillus niger entraîne un flétrissement végétatif et provoque une diminution du peuplement de 10 à 20 %. La pourriture de la tige et des gousses provoquée par Sclerotium rolfsii est une menace émergente signalée dans plusieurs régions de culture en Asie (Janila et al., 2016). 16
Les maladies bactériennes
Le flétrissement bactérien causé par Ralstonia solanacearum est prédominant parmi les maladies bactériennes. La maladie se manifeste spontanément sur les tiges ou sur toute la plante et occasionne des pertes de rendement de l’ordre de 10 à 30 % (Chen et al., 2014b)
Les maladies virales
Les virus de la rosette en Afrique et le virus Tomato spotted wilt virus (TSWV) sont des virus qui ont des impacts économiques importants chez l’arachide. La rosette est une maladie endémique en Afrique causée par un complexe de trois virus de la famille des Luteoviridae du genre, Umbravirus. Elle est responsable d’une perte annuelle de rendement estimée à 150 millions de dollar (Waliyar et al., 2007). La maladie de TSWV causée par un virus de la famille des Bunyaviridae; du genre Tospovirus occasionne des pertes de production estimées à 12,3 millions de dollar par année dans le sud des États-Unis (Riley et al., 2011).
Les nématode
, Les nématodes à galles (Meloidogyne spp.) et à lésions racinaires (Pratylenchus brachyrus) peuvent causer des pertes économiques significatives dans de nombreuses zones de production dans le monde (Leal-Bertioli et al., 2016).
Les insectes et ravageurs
Les pucerons (Aphis craccivora Koch), les thrips (Frankliniella schultzei, Thrips palmi, et F. fusca), la mineuse (Aproaerema modicella), la chenille (Amsacta albistriga) et les jassids (Empoasca kerri et E. fabae) sont des insectes nuisibles qui causent des dommages foliaires au cours de différentes étapes de croissance chez l’arachide. Les pucerons et thrips sont également des vecteurs de maladies virales importantes. Les ravageurs tels que les termites, la punaise (Aphanus sordidus), les charançons (Caryedon serratus) et les vers blancs (Tribolium castaneum), causent également des dommages importants pendant les périodes de stockage chez l’arachide (Lynch, 1990; Prasad & Gowda, 2006).
Risques associés à la consommation de l’arachide
Quelques risques associés à la consommation de l’arachide parmi lesquels l’aflatoxine et les allergies ont été rapportés. L’aflatoxine est une toxine cancérigène issue de l’infestation de l’arachide par Aspergillus flavus. Elle constitue une contrainte majeure de production à l’échelle mondiale. L’infection peut se produire avant ou après récolte, au stockage et au transport. Aspergillus est reconnaissable aux produits pulvérulents de son métabolisme sur les graines contaminées d’une couleur vert-jaune. Une absence d’aflatoxine est requise pour la sécurité alimentaire. Plusieurs pays ont des régimes stricts sur la limite admissible d’aflatoxine dans leur importation et des implications économiques fâcheuses liés aux refus d’exportations ont été signalées (Janila et al., 2013). A cette contrainte, s’associent des allergies observées chez certains sujets après consommation d’arachide ou de produits dérivés. Ces réactions sont dues à des peptides allergènes Arah 1, 2, 3 et 6. Les manifestations cliniques de ces allergies varient en fonction de la situation géographique. En outre, les cas d’allergies sont plus fréquents dans les pays développés que dans les pays en voie de développement car la prévalence de la sensibilité aux allergènes y est plus élevée (Yang, 2010).
.Amélioration génétique de l’arachide
Objectifs et stratégies d’amélioration chez l’arachide
Les programmes de sélection variétale chez l’arachide ont profondément évolué tant dans leurs objectifs que dans les méthodes utilisées. La méthode de sélection est dictée par l’autogamie et dépend du caractère d’intérêt ciblé, de la nature génétique du caractère et de la disponibilité des ressources. Deux voies stratégiques principales ont été utilisées (i) l’exploitation de la variabilité génétique existante au sein du matériel local ou exotique et (ii) la création de la variabilité génétique par croisement. Les méthodes de sélection utilisant la variabilité existante incluent la sélection massale (sélection des génotypes sur la base des plus beaux phénotypes). La création de la variabilité génétique par croisement met en jeu diverses méthodes dont la sélection généalogique (sélection permettant d’identifier les combinaisons de caractères les plus favorables), la technique de backcross (rétrocroisement permettant le transfert d’un caractère à hérédité simple dans une variété présentant un défaut auquel on veut remédier); la méthode bulk (sélection des meilleurs lignées en stade générationnel avancé à partir de vrac de graines issues des meilleurs génotypes à un stade générationnel précoce); la méthode de filiation monograine ou SSD ‘Single Seed Descent’(sélection des descendants à partir d’une graine prise par plante à chaque étape d’autofécondation) et la sélection récurrente (amélioration progressive des populations par sélection et brassage simultanés) (Halward et al., 1991; Nigam, 2000). La sélection récurrente, bien qu’indiquée pour conserver la variabilité génétique au cours du processus de sélection, a été très peu utilisée à cause de la difficulté à réaliser un grand nombre de croisements. Avec l’avènement des marqueurs moléculaires, le backcross a été utilisé pour transférer des caractères de résistance aux nématodes et aux maladies. Les techniques d’hybridation ont été aussi utilisées pour exploiter le potentiel des espèces sauvages, en particulier pour la résistance aux maladies (Garcia et al., 1995). Les principales cibles de sélection sont l’amélioration du rendement, la tolérance à la sécheresse, la résistance aux maladies et ravageurs, l’amélioration de la quantité et de la qualité des produits arachidiers. Les paragraphes ci-après font un bref descriptif des avancées en termes d’amélioration pour les cibles de sélection précitées.
Amélioration du rendement et de ses composantes
L’amélioration directe du rendement a profondément évolué avec les besoins des utilisateurs et des pays producteurs. Au Sénégal par exemple, cette évolution s’est traduite par un renouvellement du matériel végétal mis à la disposition des paysans. On est passé de populations locales rampantes de 120 jours, parfois peu productives et à petites graines, à une gamme de variétés érigées, de 90 à 150 jours, productives et mieux adaptées aux conditions de cultures. En Argentine, une analyse de la performance des variétés utilisées de 1948 en 2004 a montré l’impact de la sélection sur l’augmentation du rendement. Le passage des variétés à port érigé (1948) aux variétés à port rampant (2004) a été suivi d’une augmentation de 57% du taux de remplissage de gousses, 57% de l’indice de fertilité, 80% du taux de production de fleurs et de 117% du nombre de gousses par plante (Haro et al., 2015). Les études sur l’héritabilité et les corrélations des caractères associés au rendement ont été utiles dans des programmes de sélection. Pour certains caractères comme le poids de 100 gousses/graines, la floraison et la maturité, une héritabilité élevée a été rapportée. Le 18 rendement est positivement corrélé au nombre de gousses matures et au poids de 100 gousses (Nigam, 2000). Le port de la plante, la durée du cycle, la taille et le poids des gousses/graines ont généralement été ciblés pour l’amélioration du rendement. Outre le rendement, l’uniformité des graines a émergé comme une variable déterminante pour les besoins de l’industrie (Holbrook & Stalker, 2003)
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