Utilisation des applications médicales smartophone par les médecins généralistes de Haute-Normandie en 2016
e-santé La e-santé est décrite comme « le numérique au service du bien-être des personnes ».
La e-santé utilise les nouvelles technologies de l’information et de la communication, plus particulièrement internet, au service de la santé. Elle inclut par exemple le « traitement des patients, la recherche, l’éducation des professionnels de santé, le dépistage des pathologies, la surveillance de la santé publique » (2). La e-santé englobe la télémédecine, concept plus ancien qui définit « tous les moyens de télécommunication permettant la réalisation de prestation de santé et l’échange d’informations médicales correspondantes, à distance » (3). 1.2) La télémédecine Un acte de télémédecine est défini comme un acte médical par le décret du 19 octobre 2010, en application de l’article L6316-1 du code de la santé publique relatif à la loi Hôpital, Santé, Patient, Territoire (loi HPST). Pratique de la médecine par l’intermédiaire des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), elle est soumise aux mêmes principes éthiques et déontologiques, et aux mêmes exigences de qualité que tout autre acte médical. « La définition des actes de télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et de prise en charge financière sont fixées par décret, en tenant compte des déficiences de l’offre de soins dues à l’insularité et l’enclavement géographique ». (4) Le préfixe « télé » fait référence à une action effectuée à distance, en fonction de cette dernière, elle peut être définie de 5 façons : – La télé-expertise permet à un médecin de solliciter, en temps réel, l’avis d’un ou de plusieurs confrères spécialistes. Ainsi un médecin urgentiste à l’hôpital de Jacques Monod du Havre sollicitera l’avis d’un neurochirurgien au CHU de Rouen, pour la prise en charge d’un patient souffrant d’un Accident Vasculaire Cérébral (AVC). – La télé-consultation est la consultation à distance entre un patient et un médecin avec l’assistance d’un autre médecin ou autre professionnel de santé. C’est l’exemple de la consultation de la personne âgée en EPHAD par le gériatre de l’hôpital. – La télésurveillance permet à un médecin d’interpréter les données télé-transmises du patient, collectées par celui-ci ou par un autre professionnel de santé, ce qui permet de réduire les hospitalisations. C’est l’exemple des applications de télésurveillance de pacemakers cardiaques ou de défibrillateurs automatiques, ou la télésurveillance des dialyses péritonéales réalisées à domicile, appelée télédialyse. (5) – La téléassistance permet à un médecin d’assister un autre professionnel de santé lors de la réalisation d’un acte à distance. La télé-chirurgie peut être considérée comme telle, lorsqu’un chirurgien guide les gestes d’un autre moins expérimenté. On peut citer comme exemple l’opération du professeur Jacques Marescaux le 7 septembre 2001, sur une femme qui subit l’ablation de sa vésicule biliaire par laparoscopie, au CHU de Strasbourg, par l’intermédiaire d’un robot nommé Zeus, commandé à distance depuis New York (6). – La régulation médicale par le SAMU est une forme particulière de téléconsultation, où le médecin régulateur doit juger du caractère urgent d’un appel, en faisant un premier diagnostic par l’interrogatoire. Il met en route la prise en charge médicale avec une intervention adaptée et rassure le patient par ses premiers conseils.
La m-santé
Ce concept est défini pour la première fois en 2005, par Robert ISTEPANIAN, à l’université de Londres, comme « l’utilisation d’internet et des moyens de communication mobiles en santé », puis en 2009, par le WHO « comme un domaine couvrant la santé, basé sur les outils mobiles tels que les smartphones, tablettes, PDA (Personal Digital Assistant) et tout autre outil sans fil ». (7) 1.4) Le smartphone Le smartphone : « ordinateur intelligent » ou « ordiphone » est « un téléphone mobile qui a aussi les fonctions d’un appareil photo numérique, d’un assistant personnel numérique et d’un ordinateur portable » (8) La saisie des données s’effectue le plus souvent par l’écran tactile, plus rarement par un clavier ou par un stylet. 23 Comme un ordinateur, grâce à un système d’exploitation spécifique aux mobiles, tel que iOs pour Apple ou Android pour Samsung, il peut exécuter différentes applications. Les applications sont des logiciels qui peuvent être installées sur le smartphone via des magasins d’applications en ligne (Applestore® , Googleplay®,, etc…), différents pour chaque système d’exploitation. Comparé aux téléphones mobiles classiques, le smartphone a des fonctions supplémentaires telles que l’utilisation d’Internet, télévision, calendrier, fonction GPS, appareil photo numérique, … La plupart des applications nécessitent une connexion internet Wi-Fi ou de téléphonie mobile. Le premier smartphone arrivant sur le marché est l’IBM Simon conçu par IBM ® et BellSouth ®, en 1992. Il a les fonctions téléphone, PDA (Personal Digital Assistant), et fax, pèse 500 g et ressemble à un Talkie Walkie. En 2002, le Blackberry 5810 est le premier téléphone à proposer l’envoi et la réception de courrier électronique (9). Puis en 2007, Apple révolutionne la téléphonie mobile en lançant l’Iphone avec son écran tactile multipoints et surtout avec ses fameuses applications. Très vite, les smartphones deviennent de plus en plus performants et les applications de plus en plus nombreuses. Progressivement le marché des smartphones supplante celui des téléphones mobiles classiques. En 2010, le milliard de smartphones vendu est dépassé. En 2015, 58 % des français de plus de 12 ans possède un smartphone, contre 34 % pour les mobiles classiques (10). Il existe dans le monde 15 milliards d’objets connectés, ce chiffre devrait quadrupler d’ici à 2020. Le nombre d’applications médicales est passé de 100 000 en 2015 (11) à 200 000 en 2016 (12) En 2015, 28% des Français voient un intérêt dans l’utilisation des objets connectés comme appareils transmettant les informations sur l’état de santé (10). Outre les applications médicales, nombre de données viendront d’objets connectés et pourront progressivement enrichir le praticien de données médicales provenant de ses patients et de son environnement de vie.
Les applications
La m-santé est définie par les applications « santé » qui sont de 3 types : – Les applications de grand public, de bien être, incluant les diverses applications de fitness et conseil diététiques (compteur de calories, de pas, relaxation, …). – Les applications médicales destinées aux patients autonomes leur permettant de contrôler leur état de santé à domicile (balance connectée, appareil à glycémie, …). – Les applications médicales destinées aux professionnels de santé qui sont des aides au diagnostic, à la prescription et à l’organisation de leur activité (13). Nous nous intéresserons aux 2 derniers types d’applications. 1.5.1) Base de données médicamenteuses Dans l’étude du CNOM, le 4ème baromètre 2015 du VIDAL, les applications de base de données médicamenteuses sont celles qui sont le plus téléchargées et utilisées par les professionnels de santé (1). 24 Elle constitue un réel outil dans la prise de décision thérapeutique, au chevet du patient. Le Vidal (14) (15) référence les spécialités pharmaceutiques autorisées et disponibles en France, et aussi celles avec une autorisation temporaire d’utilisation et les produits de santé hors AMM (homéopathie, produits de parapharmacie). On peut également y trouver le prix des produits, leur taux de remboursement par l’assurance maladie et le répertoire des génériques. Elle répertorie 11 000 médicaments et 4 000 produits de parapharmacie. L’application payante, à 30 euros l’année, donne accès aux monographies de médicaments et aux mises à jour mensuelles. Vidal expert® (16), extension payante du Vidal (22euros/ mois), propose, en plus, d’alerter le médecin en cas de risque d’interactions médicamenteuses en fonction de l’historique du patient, elle est compatible avec certains logiciels de dossier patient dont « Hellodoc ». BCB® (17), autre base médicamenteuse, est aussi compatible avec de nombreux logiciels de gestion de dossier de patient telle que « Medistory ». Elle permet d’avoir un historique du traitement des patients, leurs antécédents, elle alerte le médecin en cas de risque d’interaction médicamenteuse.
Applications vaccinales
MesVaccins® (18), est l’extension d’un site internet destinée aux médecins et aux patients. C’est un carnet de vaccination numérisé, intelligent qui rappelle les vaccins et les maladies contre lesquelles ils protègent. Le Vidal du voyageur (19), édité par Vidal et Eureka sante, donne aux voyageurs des informations sur plusieurs pays (vaccins recommandés, pathologies rencontrées, prévention des piqûres et morsures des animaux, prévention du paludisme, …).
Guide de pansement
E-pansement (20) est une base de données gratuite contenant une aide à l’identification des plaies aiguës et chroniques et leurs différents stades, au choix des dispositifs médicaux, avec un agenda des congrès et formations, et les recommandations et guide de bonnes pratiques. L’abonnement (2euros/ mois) donne accès à la fonction de création de dossiers de patients. Celle-ci permet de sauvegarder un historique des photos des plaies, avec l’édition des ordonnances. Les données des patients sont hébergées sur un espace de stockage agréé par le ministère de la santé. Il y a aussi un espace de discussion accessible aux professionnels de santé sécurisé où tous les échanges sont cryptés. Elle a obtenu le grand trophée de l’application mobile santé 2016 (21) 1.5.4) Fiches pratiques Elles décrivent des algorithmes décisionnels qui mènent à une prise en charge adaptée, à chaque circonstance clinique. Elles sont souvent le résultat des recommandations de bonnes conduites telles que celles de l’HAS. On peut citer Doc Protocole (22), application payante, qui décrit des gestes pratiques étapes par 25 étape, avec le matériel nécessaire et des photos à l’appui. Elle répertorie des gestes basiques à ceux plus spécialisés. On peut y trouver 148 protocoles. Dans chaque protocole il y a : – un texte résumant les indications et contre-indications du geste médical – le matériel nécessaire au geste – les photos de chaque étape du protocole – des astuces et conseils des anciens Smartfiches, à l’origine de petits livres de poche, avec les recommandations de bonnes pratiques pour chaque spécialité médicale, existent maintenant en version numérique, sous forme d’applications. Régulièrement remises à jour, elles sont disponibles hors connexion internet.
Calculateurs de score médicaux
Ils en existent de nombreuses dont Medicalc (26) qui recense plusieurs scores et formules cliniques tels que le score de Wells, celui de Child Pugh, la formule de clairance de la créatinémie selon Cockroft, l’estimation de la surface corporelle brûlée, le terme de la grossesse… Elle est gratuite et disponible hors ligne. 1.5.6) Les objets connectés Un objet connecté est un « appareil composé d’un ou de plusieurs capteurs permettant des mesures qui peuvent être interrogeables à distance et même dans certains cas, contrôlées à distance par le biais d’Internet » (27). Il permet ce que les anglais appellent le « Quantified self », c’est à dire le fait de quantifier ce que l’on fait, cela va du nombre de pas effectués dans la journée, à la glycémie capillaire. I Health (28) est un site qui propose une gamme d’objets connectés : un glucomètre, un tensiomètre et une balance qui peuvent télétransmettre les données collectées dans une application smartphone de type Iphone ou Androïd, téléchargeable gratuitement. Il existe aussi un oxymètre de pouls sans fil compatible uniquement avec des produits Apple. I BGstar (29) est un glucomètre proposé avec son application compatible avec les produits Apple qui permet d’avoir dans son Iphone un carnet de glycémie électronique. Il peut stocker jusqu’à 90 jours de données. Celles-ci peuvent être télétransmises par e-mail au médecin. Les glucomètres d’I Health et I BGstar sont remboursés par l’assurance maladie, tous les 4 ans, comme les glucomètres classiques. 2) Le smartphone en médecine 2.1) Etat des lieux dans le monde Durant cette décennie le smartphone a connu un succès exponentiel notamment dans les professions médicales ce qui se traduit par une augmentation des publications identifiées au moyen d’une recherche dans divers moteurs de recherche tels : Pubmed, Suddoc et Google Scholar. 26 La recherche dans PubMed et Suddoc a permis de trouver quelques articles sur le smartphone et les applications médicales : une étude faite aux Etats Unis, une au Royaume Uni, et plusieurs thèses de médecine générale réalisées dans plusieurs régions de France. Une recherche dans Google Scholar a révélé des articles sur une étude réalisée en Chine, une menée par le groupe EMG media et une autre du groupe Vidal en France. L’étude de Franko et al (30), réalisée aux Etats Unis, en 2011 qui cible les médecins de toutes spécialités confondues permet de mettre en évidence à pénétration du smartphone au sein du tissu médical. Parmi les 3306 répondants à l’enquête, 85,6 % possèdent un smartphone, dont 88,4 % des internes, 86,5 % des étudiants en médecine, et 84,5 % des médecins. 63,5 % de l’ensemble utilisent les applications médicales. Le groupe EPG (31), entreprise de communication qui publie des études de marché dans le domaine de la santé, publie une étude comparative entre professionnels de santé américains et ceux de 5 pays européens (Royaume Uni, Allemagne, France, Espagne, Italie) sur l’utilisation des appareils mobiles (smartphones, tablettes), en 2010 et en 2012. 55 % sont des médecins spécialistes, 14 % des médecins généralistes, 8 % des pharmaciens, 6 % des chirurgiens, 3 % des infirmières et cadres infirmières, et 14 % d’autres professions médicales. L’enquête constate une augmentation de la possession du smartphone en 2 ans, les américains d’abord en avance sont rattrapés par les européens : en 2010, 81 % des américains en possèdent un contre 44 % pour les européens, puis en 2012 91 % des américains et 81 % des européens. En 2 ans, il y a une nette baisse du temps d’usage du smartphone dans un but professionnel chez les européens, il passe de 56 à 36 %, alors que chez les américains il reste stable à 45 %. Ce temps est passé à consulter les e-mails, à rechercher des informations médicamenteuses et les données des patients. En Europe, 66 % des professionnels de santé téléchargent au moins 3 applications médicales contre 76 % aux Etat Unis ; la plupart sont des applications gratuites mais peu sont finalement utilisées par les professionnels de santé. Sur les 2 continents, les professionnels de santé feraient plus confiance aux applications développées et financées par les universités, les organismes gouvernementaux ou de santé publique, qu’à celles vendues par les entreprises commerciales. Dans l’étude de Payne and al. (32), réalisée au Royaume Uni, en 2013, comparant les étudiants en médecine et les jeunes médecins, de la région du Midland de l’Est, 79 % des étudiants possèdent un smartphone contre 74,8 % pour les médecins. La majorité a entre 1 à 5 applications médicales. Liu et al. (33) dans leur étude prospective réalisée, en Chine, dans la ville de Hangzou, en 2014, montrent que parmi les 126 médecins interrogés, 89,6 % des médecins généralistes et des internes en médecine générale possèdent un smartphone. Parmi eux, 66,4 % utilisent des applications médicales. La plupart des médecins généralistes utilisent quotidiennement leurs applications mais moins de 30 minutes par jour.
Etat des lieux en Franc
e La société Vidal, référence en information des produits santé et en services d’aide à la prescription, mène des études observationnelles sur l’équipement numérique des professionnels médicaux. Elle publie en partenariat avec le CNOM annuellement depuis 2012 un baromètre sur l’utilisation des smartphones par les médecins. La dernière étude (1) est menée par e-mail en novembre 2015, auprès de 1402 médecins exerçant en libéral ou à l’hôpital. 63 % sont des médecins généralistes et 37 % des spécialistes. 27 85 % ont un smartphone et 88 % surfent sur internet grâce à leur smartphone. 58 % utilisent des applications médicales, en 2015 contre 53 % en 2012. 88 % utilisent les bases de données médicamenteuses en 2015 contre 68 % en 2012 et 46 % emploient des applications d’interaction médicamenteuse en 2015. Ces chiffres montrent la place grandissante de ce type d’applications dans l’exercice médical. La plupart des études, en France, sur le sujet des smartphones chez les médecins généralistes, sont descriptives et analytiques. Dans celle réalisée en Corse (34), en 2013, 75 % ont un smartphone et 71,2 % l’utilisent à des fins médicales. 57,2 % des médecins déclarent utiliser quotidiennement leur smartphone contre 8,7 % très peu, voir jamais. En Midi-Pyrénées, dans l’étude du Dr Dargon (35), la même année, 83,6 % des médecins possèdent un smartphone dont 74,9 % ont des applications médicales. Les applications les plus fréquemment utilisées sont les bases de données médicamenteuses, celles de géolocalisation et de bureautique. Dans l’étude comparative du Dr Gras (36), en Iles de France, en 2015, 99,4 % des internes de médecine générale ont un smartphone contre 88,2 % des médecins généralistes et 79,4% des internes de médecine générale possèdent des applications médicales, contre 72% des médecins généralistes. 3) Justification de l’étude La littérature à l’échelle mondiale et à l’échelle Française sur le sujet des applications médicales smartphone montre la place importante de cet outil en médecine. On propose dans la présente thèse d’enrichir cet état des lieux de l’usage des applications médicales smartphone à l’échelle de la région de Haute Normandie et ainsi d’optimiser le choix des médecins de ces nouvelles technologies. Le smartphone permet d’avoir un panel d’applications médicales qui peuvent être utiles dans l’exercice du médecin généraliste qui dispose de peu de moyens dans sa prise en charge du patient, surtout en visite à domicile. Dans cette situation, cet outil peut légitimement trouver sa place afin de répondre à des besoins divers du médecin : outils diagnostique, score d’évaluation, gestion des thérapeutiques (prise en charge, interactions médicamenteuses).
Introduction |