Utilisation de croisements interspécifiques pour optimiser la fixation d’azote chez l’arachide cultivée
Généralités sur l’arachide cultivée (Arachis hypogaea)
Systématique
Le genre Arachis appartient à la famille des Fabaceae, sous famille des Faboïdeae. Il est divisé en 9 sections taxonomiques (Arachis, Caulorrhizae, Erectoides, Extranervosae, Heteranthae, Procumbentes, Rhizomatosae, Trierectoides et Triseminatae) sur la base de la morphologie, la distribution géographique et la compatibilité de croisement (Krapovickas & Gregory, 1994). Le genre Arachis comprend 80 espèces décrites (Valls & Simpson, 2005 ; Bechara et al., 2010) parmi lesquelles, appartiennent à la section Arachis. A. hypogaea est la seule espèce domestiquée et la plus largement cultivée. L’arachide cultivée est une herbacée annuelle allotétraploïde (2n=4x=40), dont le génome est de 2,8 millions de paires de bases (Janila et al., 2016). Selon le port de la plante et le mode d’arrangement des fleurs sur la tige principale, A. hypogaea regroupe deux sous espèces : ssp. hypogaea et ssp. fastigiata, comprenant chacune des variétés et des types commerciaux (Tableau 1). Tableau 1 : Classification des sous espèces d’A. hypogaea Sous-espèce Variété botanique Type commercial hypogaea hypogaea hirsuta Virginia Runner Peruvian fastigiata fastigiata vulgaris peruviana aequatoriana Valencia Spanish
Histoire de la domestication : origine, diversification et diffusion
hypogaea est originaire du Sud de la Bolivie et du Nord de l’Argentine (Kochert et al., 1996 ; Nigam, 2015). L’arachide cultivée serait apparue, il y a environ 3500 ans à la suite d’une hybridation interspécifique et d’une duplication de chromosomes entre les espèces sauvages diploïdes (2n=2x=20) apparentées : A. duranensis (parent femelle, génome A) et A. ipaensis (parent mâle, génome B) (Nigam, 2015 ; Janila al., 2016). Ses centres de diversification primaires seraient la Bolivie, le Nord de l’Argentine, le Paraguay et l’Ouest du Brésil (Gregory et al., 1980; Nigam, 2015). Sa diffusion à travers le monde remonte au XVIe siècle (Clavel & Gautreau, 1997). Les Portugais l’ont introduite à partir du Brésil, en Afrique, en Inde et en 4 Extrême-Orient. Les Espagnols ont assuré sa dispersion à partir de la côte Ouest de l’Amérique du Sud, dans le Pacifique Ouest, en Indonésie et en Chine.
Description botanique et caractéristiques biologiques
L’arachide est une herbacée annuelle essentiellement autogame à fleur cléistogames, dont le taux d’allogamie varie de 1% à 10 % selon les zones et les périodes d’activités des insectes pollinisateurs (Nigam, 2015). La figure 1 représente la plante d’arachide. Son port érigé ou rampant mesure entre 12 et 65 cm de long. Ses feuilles sont composées à 2 ou 3 folioles munies à leur base de stipules engainantes. Selon le cultivar et les conditions environnementales, la floraison débute 17 à 35 jours après l’émergence de la jeune plante du sol (Janila et al., 2013). Ses inflorescences simples ou composées de couleur jaune ou orangée, naissent isolées ou en petits groupes à l’aisselle des feuilles sur des branches primaires et secondaires. Le stigmate est réceptif au pollen 12 heures après l’anthèse, et la déhiscence des anthères survient à l’aube 2 à 3 heures avant l’ouverture des fleurs (Janila et al., 2013). La fécondation s’effectue environ 6 heures après la pollinisation et l’ovaire est porté en terre par le développement du gynophore, qui s’allonge en se courbant vers la terre par géotropisme positif (Janila et al., 2013). La fructification souterraine (3 à 5 cm) aboutît en la formation de gousses (3 à 4 cm de long) contenant des graines ovoïdes. Fig. 1. Représentation d’une plante d’arachide 1 : feuille composée de 4 folioles ; 2 : fleur ; 3 : hypanthe ; 4 : gynophore ; 5 : gousse ; 6 : bec de la gousse ; 7 : constriction ; 8 : tégument de la graine ; 9 : graine sans tégument ; 10 : Cotylédon portant l’hypocotyle, l’épicotyle et la radicule.
Importance économique et alimentaire
L’arachide est une culture à forte importance économique et alimentaire, dont toutes les parties peuvent être valorisées (Dutta et al., 2011). L’Afrique (26,2%) et l’Asie (65,3%) fournissent 91,5% de l’arachide produite dans le monde. Elle représente troisième légumineuse à graines la plus cultivée après le soja et les haricots (FOASTAT, 2018). 60 % de sa production est destinée à la transformation industrielle (huile comestible, beurre, farine, savon, et autres produits dérivés et 40% à l’alimentation et autres usages (Birthal et al., 2010). En effet, l’arachide est classée 5eme parmi les cultures à graines oléagineuses dans le monde, après le palmier à huile, le soja, le colza et le tournesol (Dutta et al., 2011). Son huile peut être utilisée comme matière première pour la production de biocarburant (fuel) comme alternative aux énergies fossiles. Les graines d’arachide consommées comme aliment sous forme cru, bouillie, rôtie ou transformée, constituent de remarquables sources en composés et nutriments indispensables. Elles contiennent 40-50% de lipides ; 20-50% de protéines et 10-20 % d’hydrates de carbone (Fabra al., 2010 ; Dutta al., 2011). En outre, elles sont également riches en de nombreux nutriments bénéfiques pour la santé tels que : les sels minéraux (Calcium, Magnésium, Phosphore, Zinc, etc.) ; Vitamines (E) et les antioxydants (thiamine, niacine, etc.) (Janila al., 2013, Janila al., 2016). La qualité nutritive de l’arachide ou de ses produits dérivés représente un atout majeur dans la lutte contre la malnutrition. En effet, l’arachide contient plus de protéines que la viande, 2,5 fois plus que les œufs et largement plus que la plupart des plantes cultivées (Janila al., 2016). C’est ainsi qu’en 2007, Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) a utilisé l’arachide comme aliment thérapeutique (Beurre d’arachide, Plumpy nut) pour sauver les vies de centaines d’enfants mal nourris dans les pays Africains. La filière arachide présente aussi un intérêt pour l’élevage à travers l’alimentation du bétail. Le tourteau issu de l’extraction de l’huile est un aliment riche en protéines pour les animaux (Dutta al., 2011). Au Sénégal, les fanes d’arachide sont utilisées pour nourrir le bétail pendant la saison sèche. Par ailleurs, l’usage des fanes d’arachide également comme engrais verts, révèle son potentiel écologique. Malgré ses nombreux atouts, l’arachide peut parfois présenter des risques d’ordre sanitaire plus ou moins importants en fonction des zones géographiques. Dans les pays développés, les protéines allergènes Ara h1, h2 (plus importants) et h3 stockées dans les graines sont à l’origine de réactions allergiques chez de nombreux individus (environ 0,6% de la population des Etats Unis sont allergiques à ces peptides allergènes) (Nigam, 2015). Dans les pays en voie de 6 développement, la présence de l’aflatoxine (mycotoxine produite par Aspergillus sp.) dans les graines ou produits dérivés, conduit au développement de cancer du foie.
Contraintes de production
La culture d’arachide est entravée par de nombreuses contraintes biotiques, abiotiques et/ou socioéconomiques. Au Sénégal, la filière arachide ne représentait plus que 4 % du produit intérieur brut en 2011, ce qui est très loin du taux record de 80 % en période de l’indépendance (Ndéné, 2011). De plus, d’après les statistiques de la FAO, de 2010 à 2016 les surfaces cultivées d’arachide au Sénégal ont été réduites de 26,39 % (FAOSTAT, 2018). La plupart des surfaces cultivées de l’arachide, se trouvent dans les zones arides et semi-arides, où la disponibilité en eau (sécheresse) est un facteur limitant important (Fonceka, 2010 ; Janila al., 2016). Par ailleurs, comme pour toute autre culture, la pauvreté des sols en nutriments constitue également un frein majeur à la production d’arachide (Fabra et al., 2010). Les sols du bassin arachidier au Sénégal, contiennent environ 0,3 à 1 % de matière organique et des faibles teneurs en nutriments (azote, phosphore, etc.) (McClintock & Diop, 2005). Une carence en azote entraine une baisse importante du poids des fanes, de la qualité des graines, ainsi que du rendement et ses composantes. Cependant, la fixation d’azote est un processus biologique qui constitue un des leviers à l’amélioration de la production des plantes cultivées sur des sols pauvres. II. Symbiose fixatrice d’azote (SFA) La plupart des sols africains sont fortement appauvris en azote (Dwivedi al., 2015). Certaines plantes légumineuses surmontent cette contrainte, via une interaction symbiotique avec des bactéries du sol collectivement appelées rhizobia, qui sont capables de réduire l’azote atmosphérique (N2) non assimilable en azote assimilable (NH3/NH4 + ) par la plante (Udvardi & Poole, 2013). La plante fournit du carbone aux bactéries en échange d’un approvisionnement en azote indispensable pour son métabolisme. L’établissement de la symbiose nécessite un dialogue moléculaire entre les deux partenaires. Les plantes libèrent dans la rhizosphère des exsudats racinaires qui contiennent des flavonoïdes reconnus par les rhizobia comme de signaux symbiotiques. Cette reconnaissance attire les rhizobia au tour de la racine (chimiotactisme) et active la transcription des gènes de nodulation bactériens. Il en résulte la production de facteurs Nod, des lipochitooligosaccharides dont la reconnaissance par les récepteurs spécifiques de la plante active d’une part un programme de développement conduisant à la formation de nodules et d’autre part à l’infection des tissus de la plante par les bactéries (Fabra et al., 2010 ; Oldroyd et al., 2011 ; Mus et al., 2016). Deux modes d’infection ont été décrits chez les légumineuses. Chez les plantes modèles (Medicago truncatula et Lotus japonicus), les rhizobia infectent les racines à travers les poils absorbants, via l’établissement de cordons d’infection intracellulaires 7 qui s’allongent jusqu’aux cellules corticales (Fabra et al., 2010). Chez d’autres légumineuses comme l’arachide, Aeschynomene indica ou Neptunia sp., le mode d’infection est intercellulaire sans la formation de cordons d’infection. Ibáñez et al. (2017) rapportent dans un article revue les différentes voix d’infection intercellulaire des racines, préalablement décrits par d’auteurs. On distingue l’infection : (i) à travers les lamelles moyennes entre deux cellules adjacentes des poils absorbants (Figure 2), (ii) à travers les espaces à la base des poils absorbants sur les racines latérales émergées, (iii) à travers les fissures où émergent les racines latérales « crack entry » ou (iv) directement entre les cellules épidermales .
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