Une volonté d’humaniser le procès criminel.
Le mouvement des idées qui consiste à reconsidérer la preuve pénale se répand rapidement dans la société.
Le juge et le doute Durant la seconde moitié du XVIIIème siècle la littérature consacrée à la critique d’une justice criminelle s’intensifie (385). Elle trouve une justification dans les scandales judiciaires qui émeuvent l’opinion publique, parce que l’innocence y est bafouée. Les ouvrages généraux sur le sujet, mais également les mémoires et factums « documen th auprès d’un large public insistent donc, après la critique et la dénonciation, sur la nécessité de procéder à des changements procéduraux qui puissent protéger l’innocence de celui qui est soupçonné puis accusé. L’Ordonnance criminelle de 1670 ne répond plus aux nouvelles aspirations qui entendent renforcer les droits de la défense.Dès lors, un certain intérêt se fait-il sentir pour les questions relatives à la preuve pénale, ce que ne manque pas de souligner l’auteur d’un Dictionnaire de jurisprudence qui écrit que « nos magistrats, nos jurisconsultes, les philosophes, tous les bons citoyens s’empressent d’écrire sur l’administration de la stice criminelle. Il faut bien du temps pour détruire les préjugés, pour classer les le décrire dans ses mécanismes. En 1682, Augustin NICOLAS (389), publiait, ju crimes, pour proportionner les peines, pour tracer une procédure convenable à notre monarchie, à nos tribunaux, à notre esprit et à nos mœurs »(387). La procédure criminelle dans son ensemble mais aussi le système de preuve légale qui lui est consubstantiel sont l’objet d’âpres commentaires parce qu’ils constituent un risque pour la reconnaissance d’un droit à l’innocence. Néanmoins, cette effervescence que connaît la fin du XVIIIème siècle pour ce sujet, ne peut faire oublier la plume isolée mais prémonitoire d’un précurseur qui, parce qu’il entendait critiquer l’usage de la question (388) dans les procès de sorcellerie, esquissait incidemment un droit à l’innocence, sans pour autant non sans hésitation (390), un petit ouvrage intitulé « Si la torture est un moyen seur à vérifier les crimes secrets ». Le dédicaçant à Louis XIV, il espérait que le Roi puisse, non seulement « embrasser la protection de cet ouvrage », mais également « extirper tant d’injustes moyens de venir à la connoissance et au châtiment des crimes »(391). Comme l’indique son auteur, cette « dissertation morale et juridique », entreprise à « l’aide du discours & de la raison naturelle, qui est le fondement de toutes les lois »(392), consiste pour l’essentiel à rechercher si la question constitue « un moyen qui nous conduise seurement à la découverte des crimes secrets, & qui roduise l’effet que nous nous proposons en cette recherche ? »(393). Au delà de recherché ? C’est (ditn) parce qu’un témoin & quelques indices le chargent »(396). Il estime que l’usage p l’indignation que ressent ce magistrat sur l’usage de la question dans les procès de sorcellerie, et ce, bien qu’il ne soit pas le seul (394), celui-ci nous livre une réflexion, certes à contre-courant de son temps, sur la recherche de la culpabilité.
Evocations chaotique du concept.
En publiant à Livourne (421) « Dei Delitti e delle Pene », Cesare BECCARIA, ne pouvait aucunement envisager que la traduction française (422) des 42 chapitres de son livre réalisée dans une présentation différente de la version italienne (423) et que l’auteur approuva parce qu’elle prit la forme d’un traité scientifique (424), connaîtrait une si singulière fortune, par l’intérêt que lui portèrent les philosophes des lumières, mais aussi les milieux judiciaires éclairés. En effet, la diffusion des idées de Cesare BECCARIA allait permettre de mieux combattre les thuriféraires de l’Ordonnance de 1670, en transformant un pamphlet philosophique en un instrument de lutte contre une justice obsolète. Une telle démarche aboutissait, conjointement au regain d’intérêt porté au système judiciaire anglais, à saper les fondements d’un système pénal, « fortifiées depuis trois siècles par le travail incessant et patient des légistes qui, […], étaient parvenus à constituer, au profit du pouvoir public, un véritable corps de droit »(425).miner les fondements d’une justice criminelle qui se voulait pérenne (426).Le fait d’avoir ainsi théorisé un autre système judiciaire, sous forme de principes, et en replaçant l’accusé dans un procès dont il n’était qu’un acteur éloigné, constituait le stylet indispensable à la réécriture d’un autre droit de punir. L’ouvrage de Cesare BECCARIA apparaît ainsi comme « une exhortation à repenser les fondements de la société et en même temps un instrument pour tenter de la réformer »(427). Dénonçant avec le recul du profane, un système criminel inadapté aux lumières de la raison il « faisait table rase de ces ouvelles pratiques qui avaient usurpé l’autorité de la législation »(428). Celui-ci entreprend, selon une méthode analytique, une démarche qui « consiste donc à rechercher à priori quels doivent être les principes d’une législation n Cesare BECCARIA s’efforçait de poser un droit positif différent, détaché du poids de la religion et de la nécessaire expiation du criminel. Les règles relatives à la culpabilité de l’accusé devaient être soumises à la critique de la raison, car elles n’avaient d’autre finalité que l’établissement d’une preuve pleine et entière, et non la recherche de la vérité judiciaire, ce qui aboutissait de fait à nier les droits de l’accusé. l’accusé qu’à démontrer son innocence ou sa culpabilité (430). Plus profondément, il dénonce ce qui est de la nature même de cette procédure, le ystème de la preuve légale (431). Surtout, elle l’amène à poser un système s probatoire différent où les juges, entourés d’assesseurs (432), décident en fonction de leur seule conviction. Pour ce dernier, « si dans la recherche des preuves d’un délit, il faut de l’adresse et de l’habilité, s’il faut de la précision et de la clarté pour exprimer le résultat de cette recherche, pour juger d’après ce résultat même, il ne faut que le simple bon sens qui guidera plus sûrement que tout le savoir d’un juge accoutumé à vouloir trouver des coupables et qui ramène tout à un système factice emprunté de ses études »(433). Le philosophe milanais expose ici que, si la phase pré décisionnelle du procès pénal impose au juge une rigueur éclairée, il en va différemment du jugement qui en est la conséquence. Le juge doit se libérer des contraintes légales pour prendre sa décision .