Une vision de l’Inde
Selon Jean-Joseph Boillot, une première analyse de l’impact macroéconomique de la crise financière sur l’Inde montre deux obstacles majeurs pour la soutenabilité de la croissance indienne à moyen-terme : l’énergie et les infrastructures. Cette réflexion est d’autant plus importante que 2008 est une année charnière avec la concomitance d’une crise globale et d’un retournement de cycle pour l’Inde. De nombreuses questions ont notamment été posées quant à la capacité des pays émergents, surtout l’Inde et la Chine, à résister au retournement de la conjoncture dans les pays développés et à faire face aux incertitudes nées de la crise des subprimes. Après une croissance vigoureuse sur les trois dernières années, plus de 9%, et une croissance qui restera malgré tout rapide en moyenne en 2008, autour de 7,5%, la montée de l’inflation à un rythme à deux chiffres et tout un ensemble d’indices de retournement significatifs (chute de la bourse de Bombay, déficits budgétaires et de la balance courante en pleine explosion…), montrent que le moment est opportun pour évaluer la véritable capacité de l’Inde à résister aux perturbations mondiales. C’est en outre un bon exemple de « grand » pays émergent, puisque son apparition sur la carte des émergents est somme toute récente. Elle remonte tout au plus au milieu de la décennie 1990, au moment de l’accélération des réformes lancées par l’actuel Premier ministre Manmohan Singh. Mais ce n’est véritablement qu’au cours de ce cycle d’expansion que l’économie indienne a acquis son réel statut de pays émergent. Quels en sont les moteurs et les faiblesses ?Ce membre du Conseil consultatif économique auprès du Premier ministre nous fait part de la situation économique indienne. Les douze derniers mois, particulièrement agités au niveau mondial, ont eu une conséquence directe sur l’économie indienne. Le premier indicateur qui permet d’identifier cette difficulté est l’inflation qui est passée de 5% à 12% environ. Cette forte augmentation est directement liée à la très forte hausse du prix du pétrole et des autres ressources naturelles. Outre l’augmentation du prix des matières premières, l’année 2008 a été marquée par la crise des subprimes et une importante instabilité du secteur financier mondial. Or, quand on analyse les composantes de la croissance indienne, il apparaît que celle-ci est le fruit, pour 3 ou 4%, de la consommation ici affectée par l’inflation des matières premières, et que le reste (environ 5%) provient de l’investissement. De ce fait, la crise des subprimes et ses conséquences sur la finance mondiale, a eu un impact non négligeable sur les entreprises indiennes, notamment sur leur endettement et donc leur niveau d’investissement. Néanmoins, la croissance semble être toujours aussi vigoureuse malgré une baisse de régime depuis le troisième trimestre 2007, et l’inflation reste sous contrôle. Si pour l’instant l’optimisme est de rigueur sur la manière dont l’Inde a supporté le choc, les perspectives économiques mondiales pour 2009, qui ne font pas apparaître d’amélioration, peuvent inquiéter. En effet, subsistent toujours de fortes incertitudes sur les ressources énergétiques mais également sur les produits agricoles. Dès lors on peut se poser la question de savoir si la crise actuelle ne peut pas être interprétée comme un cycle de développement qui se situe plus précisément au sein d’un cycle global mondial.
Les pays émergents dans la tourmente
La Russie
On peut distinguer trois étapes dans l’arrivée de la crise mondiale en Russie : i) une veillée de crise ; ii) des plans d’enraiement ; iii) un glissement vers une crise généralisée de l’économie russe qui s’observe depuis novembre 2008. L’arrivée de la crise en Russie a été suivie, entre autres, au travers de deux indices boursiers que sont le RTS et le MICEX, le premier en dollars et quelque peu sophistiqué, le second en roubles et plus simple. Il s’agit de marchés boursiers étroits et très réactifs qui ne sont pas restés indifférents à l’effondrement boursier occidental des 21 et 22 janvier 2008, ni à l’annonce du plan Bush de 150 milliards de dollars. Toutefois, ces indices russes sont ensuite remontés pour atteindre leur plus haut historique en mai 2008 avant de retomber assez nettement, puis d’enregistrer une chute vertigineuse mi–juillet. Ce retournement des indices boursiers n’a cependant pas immédiatement entamé la confiance des banques ni dans les banques. Fin août, les dépôts des particuliers ont continué de croître ainsi que les crédits aux entreprises et aux ménages. Le 12 septembre, Poutine parle encore de la Russie comme d’un « havre de paix ». Mais s’est déjà mis en marche un mécanisme de vente d’actions servant souvent de gages à des crédits bancaires qui offraient des ratios extrêmement favorables à l’achat. Ce mécanisme a entraîné un problème important de liquidités au sein des banques. Pour y faire face, à partir de la mi-septembre, la Russie a mis en place un certain nombre de plans d’enraiement de la crise proches de ceux des pays occidentaux, en injectant des dizaines de milliards de dollars puisés dans « l’atout de la Russie » que sont ses importantes réserves de change qui s’élevaient à plus de 500 milliards de dollars, dont 200 milliards de fonds souverains. Le 13 septembre a ainsi été mis en place un plan de 70 milliards de dollars, porté dans un deuxième temps à 120 milliards de dollars, comportant des infusions massives de liquidités dans les banques et des promesses de rachats de Blue chips pour 20 milliards de dollars. Ce plan a été accompagné d’un assouplissement des règles de rappel des marges et d’un début de politique de détaxation vis-à-vis des compagnies pétrolières à la fois sur leurs taux d’imposition et sur la taxe à l’exportation des produits pétroliers. Les règles étaient devenues problématiques avec la chute du prix du baril qui faisait que la taxe avait fini par absorber tous les bénéfices possibles de la part des exportateurs. Ce plan a entraîné un regain des indices boursiers jusqu’à fin septembre où le RTS a perdu la moitié en quelques jours après le plongeon du Dow Jones du 29 septembre, qui est aussi la date du rejet surprise du Plan Paulson. Alors la situation s’aggrave avec un nouveau problème à l’horizon, celui du remboursement des emprunts massifs Les pays émergents dans la tourmente 105 faits par les grandes sociétés russes auprès des institutions financières privées occidentales, qui sont de l’ordre de 460 à 480 milliards de dollars. Ces emprunts russes sur les marchés financiers internationaux doivent faire face à une première échéance de 40 milliards de dollars fin 2008. Pour aider, le gouvernement russe a ajouté 50 milliards de dollars à son plan de sauvetage qui s’alourdit et tend vers les 200 milliards de dollars. A partir de là, on entre dans la troisième étape, celle d’un glissement vers une crise généralisée. La mesure de la mise en place des 50 milliards d’aide au refinancement des entreprises russes qui ont emprunté auprès des banques occidentales a rapidement suscité des réactions parmi les oligarques russes. Sur quels critères seront choisis les « ayant-droit » ? Cette troisième phase s’accompagne d’autres mesures d’enraiement comme une nouvelle baisse significative de la taxe à l’exportation des produits pétroliers, annoncée le 18 novembre, qui était de 39 dollars par baril exporté, soit plus que le prix export et le coût du transport. Par ailleurs, Poutine, en tant que Premier ministre, s’est engagé à faire adopter le 20 novembre une série de mesures remarquable notamment la baisse de 4% de l’impôt sur le bénéfice des entreprises en 2009 afin d’encourager leur autofinancement. Autre décision importante, le 10 novembre, la Banque centrale de Russie a laissé le rouble fluctuer plus bas que le plancher du « corridor » jusque là admis par rapport aux monnaies de références que sont le dollar et l’euro. Cette défense du rouble vise à sauvegarder une partie des réserves dont disposait le gouvernement russe. Depuis, se sont accumulés d’autres signes de crise à savoir : i) un taux du rouble qui tombe entraînant des ventes importantes ; ii) des achats de dollars par les particuliers ; les entreprises et les banques ; iii) des réserves en baisse ; iv) un prix du baril de pétrole brut qui continue à chuter ; v) un début d’annonce de cas de chômage et de licenciements avec en bout de chaîne des réductions d’emploi ; vi) des baisses d’activités en particulier dans le secteur de l’automobile ; vii) une croissance d’ensemble qui faiblit visible depuis novembre au travers d’une baisse de la consommation de l’énergie électrique ; viii) .