Une stratégie d’identification robuste pour la
localisation et la rupture
Motivation expérimentale
Le point de départ de ce travail a été une tentative d’identification d’un modèle de comportement de composites stratifiés en dynamique `a partir de l’essai mené `a EADS CCR (Suresnes) présenté figure 1.1. Il s’agissait plus précisément d’identifier les effets de vitesse dans la phase post-pic [All97]. Notons que cet essai n’avait pas été con¸cu pour des identifications aussi précises, ce qui explique pour partie les difficultés rencontrées alors. Ce type d’essais, appelés essais aux barres d’Hopkinson ou Split Hopkinson Pressure Bar (SHPB) en anglais, est développé depuis une cinquantaine d’années. Son principe dans le cas général et ses applications peuvent être trouvés dans [Zha96] ou [Gar00]. Ici, les principes sont présentés en s’appuyant sur le moyens d’essai alors disponible chez EADS CCR.Le principe de l’essai est que la barre, dite “entrante”, impacte l’échantillon et y génère une onde, appelée onde incidente. A l’interface avec l’éprouvette, une partie de ` l’onde se réfléchit (onde réfléchie) et une autre est transmise dans l’éprouvette, puis dans la barre sortante (onde transmise). A partir de mesures aux moyens de jauges col- ` lées sur les barres, il est théoriquement possible de calculer les contraintes et les vitesses aux frontières de l’éprouvette, pour en déduire (en faisant une hypothèse d’homogénéité de l’échantillon) la courbe “contrainte-déformation”. Outre cette hypothèse, il est généralement supposé que la propagation d’ondes est unidimensionnelle. Lorsqu’une dces hypothèses n’est pas satisfaite, il est nécessaire d’utiliser une approche inverse pour exploiter l’essai (voir [Rot94] pour le détail). Pour les essais réalisés `a EADS CCR sur les composites, il existe une différence notable entre les sections de l’éprouvette et des barres d’un point de vue de la forme et de la surface. Il est donc difficile de remonter `a la réponse globale de l’échantillon `a partir des mesures aux jauges. Il est de plus très difficile d’identifier les paramètres caractérisant l’effet de vitesse de la phase post-pic du composite car l’essai devient très hétérogène avant la rupture de l’éprouvette. L’ensemble de ces raisons a fait que les mesures des forces et des vitesses entrantes et sortantes étaient extrêmement perturbées et se sont avérées inexploitables. Il est probable que des essais beaucoup plus adaptés comme ceux utilisant des barres d’Hopkinson avec adaptation d’impédance comme cela est fait par exemple pour des matériaux de type mousse [Zha05] améliorerait la situation. Il reste néanmoins que la caractère très brutal de la rupture des composites nous semble malgré tout constituer une difficulté d’importance même avec de fortes précautions expérimentales. De plus, la thématique d’exploitation d’essais en présence de mesures corrompues ne se limite pas `a l’essai présenté ici. En effet, les essais de rupture dynamique sont le plus souvent sousexploités du fait des corruptions de mesures malgré leur coˆut et leur richesse potentielle. Dans ce contexte très large, nous nous restreignons dans la suite de cette thèse au cas de l’identification de paramètres `a partir de mesures : – redondantes en effort et en déplacement (ou vitesse) ; – connues (normalement en moyennes) sur une partie de la frontière ; – fortement corrompues ; – et o`u aucune information a priori sur la corruption de mesures n’est connue.
Problème d’identification : contexte général
Le domaine d’application des problèmes inverses d’identification est très large : mécanique, acoustique, électronique, magnétique, physique… Dans le seul domaine mécanique, différents types de problèmes inverses sont couramment considérés : • identification des paramètres d’une loi de comportement : – modules élastiques [Cal80] [Ike90] [Con95] [Gré96] [Rot96] [All03] ; – paramètres de (visco)plasticité [Cai94] [Aok98] [Con01] [Gré06] ; – paramètres d’endommagement [Cha03] [Cor04] [Cor05] ; – … • recalage des structures en vibration [Lad94] [Cho98] [Gol96] [Moi97] ; • identification des sources ou des conditions aux limites dans les zones inaccessibles [Gue89] [Cim00] [Con03] [Bou05] ; • identification d’une partie de la frontière de structure : détection de fissures, de cavités ou d’inclusions [And92] [And99] [Bui04] [Bon05] ; • identification des contraintes résiduelles [Ork96] [Bou98]. Chacun de ces problèmes nécessite des méthodes de résolution spécifiques. Dans le cadre de cette étude, seule l’identification des paramètres de loi de comportement `a partir de conditions aux limites redondantes sur une partie de la frontière est étudiée. Considérons le problème d’évolution sur l’intervalle de temps [0, Tf inal] d’une structure occupant le domaine Ω, avec les conditions limites sur la frontière ∂Ω : ∂Ω = ∂u\fΩ ∪ ∂ufΩ ∪ ∂f\uΩ ∪ ∂∅Ω – sur ∂u\fΩ, les déplacements sont imposés et égaux au champ surfacique ued ; – sur ∂f\uΩ, les efforts sont imposés et égaux au champ surfacique fed ; – sur ∂ufΩ, les déplacement ued et les efforts fed sont imposés ; – sur ∂∅Ω, aucune condition aux limites n’est donnée. Le cas réellement traité dans ce travail correspond au cas particulier o`u ∂∅Ω est vide et le caractère mal posé du problème provient de la redondance d’information sur ∂ufΩ.
Caractéristiques du problème direct
Le problème direct consiste `a chercher, pour un jeu de paramètre(s) p fixé(s) caractérisant le comportement du matériau, les champs solution u vérifiant : – l’équation d’équilibre (1.1) ; – les relations de comportement (1.2) ; – les conditions aux limites (1.3) ; – les conditions initiales (1.4). Dans le cas élastique, la relation de comportement s’écrit simplement : σ = E : ǫ(u). Le problème direct est bien posé au sens de Hadamard [Bui93] si et seulement si les trois conditions suivantes sont satisfaites : – pour tout ˜fd et ˜ud, il existe une solution u ; – cette solution est unique ; – la dépendance de la solution u vis-`a-vis des données ˜fd, ˜ud est continue. De nombreux résultats existants ont montré que le problème direct avec les conditions aux limites présentées figure 1.2 est bien posé si des conditions aux limites suffisantes (un vecteur d’information) sont connues sur toute la frontière et également si elles ne sont pas redondantes : ∂∅Ω = ∂ufΩ = ∅. Les données doivent bien sur vérifier des conditions de régularité dépendant de l’espace dans lequel est recherché la solution. Par exemple pour un problème tridimensionnel, les données au frontière appartienne pour les composantes des déplacements `a H1/2 (∂Ω) et les composantes des densité surfacique d’effort `a H−1/2 (∂Ω). Un bilan assez complet sur les caractères du problème direct pour le matériau élastique est trouvé dans [Kup79]. Dans le cas non linéaire, les travaux de Necas, Hlavacek [Nec81] et de Ladevèze [Lad99a] confirment ces caractéristiques pour la classe de matériau satisfaisant le critère de Drucker [Dru64]. Dans notre contexte o`u les mesures obtenues par l’essai aux barres d’Hopkinson sont redondantes, le problème direct devient mal posé au sens de Hadamard car la condition d’existence de la solution u n’est pas vérifiée au moins dans le cas général. Le détail de cette démonstration se trouve dans [Rot96] ou [Fei03].
Caractéristiques du problème inverse
Le problème inverse d’identification de paramètres matériau, comme son problème direct, a fait l’objet de nombreuses études. Une présentation assez complète de ses caractéristiques, ainsi que des méthodes de résolution associées, peuvent être trouvées dans les ouvrages de Tikhonov et Arsenin [Tik77], de Badeva et Morozov [Bad91], de Bui [Bui93] ou récemment dans l’article de synthèse de Bonnet et Constantinescu [Bon05] pour le problème d’identification en élasticité. Les travaux de la littérature [Ike90] [Con95] [Bon05] ont montré que le problème inverse est mal posé au sens de Hadamard dans le cas élastostatique lorsqu’un champ de propriété en espace E(x) est recherché. Il faut, en général, introduire des connaissances a priori sur ce champ pour que la solution du problème soit unique. En dynamique transitoire ou dans le cas o`u le comportement matériau est non linéaire, `a notre connaissance, peu de travaux théoriques portent sur le caractère du problème inverse. Cependant, du point de vue de la résolution du problème inverse, le fait que le modèle matériau n’est jamais parfait ainsi que la redondance et la forte perturbation des conditions aux limites obtenues `a partir de l’essai aux barres d’Hopkinson posent souvent des problèmes d’unicité et de continuité de la solution [Rot96]. Il faut donc utiliser non seulement une approche inverse mais également des techniques de régularisation pour stabiliser la résolution. Dans les parties suivantes, des approches pour résoudre le problème inverse et des techniques de régularisation seront donc étudiées.
Approches pour la résolution du problème d’identification
La résolution du problème d’identification des paramètres matériau peut s’effectuer par des approches directes ou inverses. Parmi les premières, citons la méthode des champs virtuels [Gré96] [Cha03] [Gré06], qui cherche `a déterminer directement les paramètres `a partir du principe des puissances virtuels en choisissant judicieusement un champ virtuel grˆace aux mesures expérimentales des champs. L’avantage de cette méthode réside dans le coˆut de calcul car l’identification des paramètres est effectuée de fa¸con directe. Cependant, pour des essais hétérogènes, surtout jusqu’`a la rupture, et des mesures classiques par jauges comme dans notre cas, ce type de méthode est difficile `a appliquer. Le choix de la méthode d’identification tend donc vers une approche inverse. Dans la partie suivante, différentes approches inverses seront présentées.
Approches inverses
Les approches inverses peuvent être regroupées en deux grandes familles : les approches par champs auxiliaires et les approches variationnelles.
Approche par champs auxiliaires
L’approche par champs auxiliaires a été appliquée `a l’identification du tenseur d’élasticité d’un milieu homogène [Cal80] [Ike90] ou `a la détection de fissures enfermées `a l’intérieur d’un solide élastique `a partir de mesures surabondantes en thermique [And92] ou en mécanique [And99] [Bui04] sur toute la frontière extérieure du milieu. Afin de faciliter la présentation de ces approches, considérons ici l’exemple dans [And99] pour la détection de fissures `a l’intérieur d’un solide élastique `a partir des mesures surabondantes en déplacement ued et en effort fed sur l’ensemble de la frontière ∂Ω. Une fonctionnelle basée sur le théorème de réciprocité de Maxwell-Betti est tout d’abord introduite : RG(v) = Z ∂Ω
Partie I Identification – Etat de l’art |