Une recherche collaborative place des chercheurs dans un dispositif de réflexion collective

Une recherche collaborative place des chercheurs dans un dispositif de réflexion collective

La réorganisation du CNEN, dont nous avons présenté les enjeux et les grandes lignes dans le chapitre précédent, a offert à notre équipe de recherche (l’auteur de la thèse et ses deux co-encadrants, Jean-Claude Sardas et Cédric Dalmasso) la possibilité d’une exploration approfondie, et de l’intérieur de l’organisation, des enjeux associés à la mutation en cours, venant ainsi nourrir notre problématique de thèse. La direction du CNEN a en effet pris l’initiative d’assortir le changement organisationnel à venir d’un vaste processus de réflexion collective sur les difficultés rencontrées par l’unité et les moyens d’améliorer son fonctionnement. Ce processus réflexif, dont nous présenterons les principales modalités dans ce chapitre, était qualifié en interne de « Projet d’Unité ». Ce projet a consisté en un certain nombre de « chantiers » de réflexion tendus vers la résolution des difficultés constatées et l’amélioration du fonctionnement collectif. Il offrait ainsi un point de départ particulièrement adéquat pour mener une recherche collaborative, qui constitue le cadre méthodologique général de cette thèse. Nous présenterons, dans un premier temps, les préoccupations initialement formulées par les managers du CNEN et la façon dont notre équipe de recherche s’est insérée dans le processus réflexif mis en place. Nous verrons en particulier quelles ont été les modalités de notre interaction avec les différents acteurs du CNEN, et à quelles données notre position nous a donné accès. Nous présenterons les moyens employés pour exploiter ces données en quantité abondante. Enfin, nous rendrons compte des difficultés auxquelles la spécificité de notre posture épistémologique nous a exposés dans la collaboration avec le terrain, et les limites qu’elles impliquent pour notre travail. I. Le cadre institutionnel de notre recherche : une collaboration au « Projet d’Unité » du CNEN 1. Enjeux et modalités du « Projet d’Unité » A. Pourquoi un « Projet d’Unité » ? La formulation d’une préoccupation organisationnelle par la direction du CNEN Notre collaboration avec le CNEN a commencé à la fin de l’année 2010, et s’est terminée aux alentours de l’été 2012. Le point de départ de cette collaboration fut la réorganisation de l’unité dont nous avons présenté les contours au chapitre précédent. Cette réorganisation a été présentée aux équipes de Une recherche collaborative place des chercheurs dans un dispositif de réflexion collective   l’unité et entérinée en décembre 2010. Nous ne sommes donc ni à l’origine, ni même concepteurs des principes de la réorganisation. Mais nous avons pu collaborer avec le CNEN parce que la direction de l’unité a vu dans cette réorganisation l’occasion d’une réflexion, à la fois collective et appuyée par des expertises extérieures, sur le fonctionnement de l’unité et les difficultés que celle-ci rencontre dans la poursuite de ses missions. Il y avait un enjeu à court terme pour la direction, qui était de s’assurer de la pertinence, de la faisabilité, et des conditions de « réussite » de cette réorganisation. Mais cette dimension d’« accompagnement » au sens le plus étroit du terme n’était qu’une des finalités de la réflexion. Celle-ci, comme en atteste le choix du terme de « Projet d’Unité », avait une dimension nettement plus projective et prospective. La direction du CNEN était en effet préoccupée par un certain nombre de signaux, de préoccupations, de difficultés au sein des équipes de l’unité, et était parfaitement consciente que la refonte de la structure organisationnelle n’apporterait pas de solution définitive à l’ensemble de ces difficultés, qu’elle n’était qu’une réponse partielle. Ces signaux et préoccupations, tels qu’ils nous ont été présentés lors de la phase de préparation de la mission à l’occasion de nos premières rencontres exploratoires avec les commanditaires du Projet d’Unité, consistaient dans les points suivants : – une première préoccupation globale liée à la question de la performance des équipes d’ingénierie au sein de l’organisation. Bien évidemment, cette préoccupation était directement associée à la connaissance des retards, des surcoûts et des problèmes de qualités rencontrés sur le chantier de l’EPR de Flamanville 3. Mais, de façon plus qualitative, il provenait également d’une difficulté globale avec la charge de travail : une impression partagée d’urgence permanente, une impossibilité à anticiper et gérer la charge de travail, la multiplication de situations d’arbitrage difficiles entre des exigences contradictoires 

Un ensemble de « chantiers » de réflexion tendus vers l’accompagnement des changements et l’amélioration du fonctionnement collectif

Nous devons signaler que l’équipe ADN12 montée à l’appui de la DRH groupe n’était pas la seule composante du « Projet d’Unité ». En parallèle, la direction du CNEN menait également de front deux chantiers : – un chantier « professionnalisation », intégré dans une démarche globale pilotée par la DRH au niveau de la DIN, et visant prioritairement à refondre la politique de repérage et de gestion de l’expertise, ainsi qu’à réformer les dispositifs de professionnalisation (formation/intégration) ; – un chantier « méthodes d’ingénierie », visant à améliorer en particulier les processus de contrôle de projet (dimensions coûts et délais) ainsi que les méthodes de planification et de gestion de la charge. Le CNEN s’est pour cela adjoint les services d’un grand cabinet de conseil en stratégie ainsi que l’expertise d’un des leaders mondiaux dans le domaine de la gestion de projets d’ingénierie.

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