Une modélisation du comportement du matériau unidirectionnel
De l’expérience à la loi de comportement
La rédaction de la section suivante s’appuie sur l’ouvrage de THIONNET et MARTIN [Thionnet et al., 2004]. Dès lors que l’on souhaite donner un sens physique à une loi de comportement, il est important que son écriture s’appuie sur des constatations expérimentales. Elle doit ensuite obéir à un certain nombre de concepts généraux. L’objectif que l’on se fixe ici est de proposer un modèle de comportement prenant en compte la fissuration intra-laminaire. Généralement, la compréhension des mécanismes de fissuration est abordée de deux manières distinctes : – par la Mécanique de la Rupture, quand les fissures ont une taille de l’ordre de celle de la structure dans laquelle elles se développent. Dans ce cas, on s’intéresse à leur amorçage et leur propagation ; – par la Mécanique de l’Endommagement, quand les fissures ont une taille de l’ordre de l’élément de volume du matériau dans lequel elles se développent. On s’intéresse alors à l’influence de la fissuration sur les propriétés mécaniques du matériau. Il est clair que le choix de la façon d’aborder le problème ne résulte pas d’une décision arbitraire mais doit se faire en cohérence avec les constatations expérimentales. Ainsi, on se place dans le cadre de la Mécanique de l’Endommagement. Ce choix est motivé, d’une part du fait de la taille et du nombre de fissures constatées, d’autre part parce que l’on fait l’hypothèse que l’amorçage et la propagation complète des fissures sont quasi-simultanés. Dans ce cadre, on choisit de baser l’écriture de la loi de comportement sur la Thermodynamique des Milieux Continus qui fournit un cadre pour le développement de modèles mécaniques. Ce choix impose de se placer à une échelle suffisamment grande de façon à ce qu’il soit possible de faire l’hypothèse de continuité de la matière. Nous nous placerons dans ce cadre jusqu’à la fin de ce chapitre. La finalité de cette partie est de définir le cadre thermodynamique classiquement utilisé pour décrire les phénomènes physiques qui apparaissent au sein d’un matériau. Le second objectif est de présenter la démarche à suivre pour l’établissement d’une loi de comportement. Afin de fixer clairement quel est le problème physique à résoudre, on décrit dans les lignes qui suivent ce qui constitue ce que l’on appelle un problème de calcul de structure. En fait, un problème de calcul de structure n’est finalement qu’un problème de Mécanique des Milieux Continus posé sur toute ou partie d’une structure industrielle et pour lequel on a l’objectif de le résoudre par une technique numérique adéquate, ici celle des éléments finis. Ce que l’on rappelle dans les lignes qui suivent est donc tout à fait classique.
Description du modèle de comportement retenu
La description du comportement d’un matériau dans le cadre de la thermodynamique des milieux continus, passe en premier lieu par le choix des variables d’état qui permettront de décrire l’état de ce dernier. De plus, rappelons le, c’est le choix totalement subjectif, du nombre et de la nature de ces variables qui conditionne la finesse de la description et la formulation du modèle. Aussi, il est important de comprendre et d’analyser avec précision le phénomène que l’on souhaite modéliser. C’est là tout l’objet du paragraphe suivant (§4.2.1).
Analyse physique de la fissuration
Au-delà du fait que l’endommagement par fissuration se présente sous la forme d’un réseau de fissures planes, parallèles et réparties de façon homogène, il est important de rappeler que la direction des fissures, pour le matériau étudié ici dépend essentiellement de l’orientation des renforts. En effet, nous avons constaté expérimentalement que ces derniers servent de guides contraignant les fissures à se propager dans une direction indépendante du chargement contrairement à ce que l’on peut observer dans les matériaux métalliques. En revanche, la géométrie des fissures dépend du chargement. Deux points essentiels doivent dès lors être pris en compte : la direction et la géométrie des fissures. TALREJA [Talreja, 1986] est un des premiers à développer dans ses travaux une approche directionnelle de l’endommagement. Il a développé, dans le cadre de la thermodynamique des processus irréversibles, une approche physique de l’endommagement visant à décrire les fissures, non pas par un scalaire mais par un doublet (scalaire/vecteur). Chaque fissure est alors caractérisée par la normale à son plan et par sa longueur. Cette approche est reprise par THIONNET [Thionnet, 1991] et appliquée à l’échelle du pli élémentaire. L’approche mésoscopique qu’il propose permet de prendre en compte l’aspect géométrique de l’endommagement et présente l’avantage d’un caractère intrinsèque au pli qui permet ainsi d’en déduire le comportement de n’importe quel empilement complexe. Ce modèle, développé en premier lieu, pour modéliser l’endommagement au sein d’un pli unidirectionnel a été étendu au cas d’une nappe élémentaire d’un composite tissé par AUSSEDAT [Aussedat-Yahia, 1997]. Ils décrivent chaque famille de fissure parallèles par un doublet : un scalaire qui caractérise l’état d’endommagement et une grandeur vectorielle qui traduit l’aspect directionnel de l’endommagement.