Définition de l’ordre sur E
La réalité «physique» d’un texte peut aisément être perçu comme une simple suite de termes positionnés le long de l’axe syntagmatique. Cet axe étant orienté, nous pouvons comparer deux épisémèmes quelconques par la relation , qui est un ordre total.
e1 e2 si la position de e1 précède celle de e2 dans le texte.
Il est important de noter que notre volonté de mettre en place un ordre total nous empêche de considérer des sous-chaînes du type ’église’ et ’pères de l’église’, c’est-à-dire deux extraits d’une même portion de texte. Certes, la seconde chaîne prend son origine avant la première, mais leurs couvertures (en terme de graphèmes par exemple) sont en intersection. Il n’est donc pas aisé dans ce cas de décider quel est le premier de ces deux épisémèmes. De tels cas seront traités sur le critère de la position du premier graphème repéré 2, avec un choix arbitraire dans le cas où deux chaînes débutent au même point (’bateau ivre’ ’bateau’, par exemple).
Nous allons maintenant étudier les conséquences de cet ordre sur les autres niveaux de la structure sémantique.
Ordres induits
Ordre sur S
L’ordre total sur E ne se projette pas directement ni intégralement sur S. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, certains sémèmes ne sont pas lexicalisés, comme nous l’avons dit, et ne peuvent donc être comparés par leurs positions, puisqu’ils n’en ont pas. De plus, un même sémème peut avoir plusieurs extensions dans E, et il nous faudra donc affiner certaines notions d’ordres induits pour ordonner S. Mais nous ne nous en donnerons pas la peine, puisque nous pou-vons allègrement nous intéresser à l’ordre induit sur SE, via, bien entendu la fonction, I.
Ordre des isotopies
Rappelons que nous pouvons projeter le triplet qu’est une isotopie sur S à l’aide de la fonction IS. Si maintenant nous considérons la composée ext IS, nous obtenons une relation de SE dans E. Nous obtenons ainsi la position d’un sème. Cette dernière est un sous-ensemble (pouvant être vide) de E, donc une famille ordonnée suivant leurs positions. C’est ainsi que nous prétendrons capter en partie ce que F. Rastier appelle la composante tactique d’un texte interprété. Dès lors, nous pourrons comparer deux isotopies sur leurs simples positions.
— Concordance : les deux isotopies concernent les mêmes épisémèmes.
— Chevauchement : les deux isotopies possèdent un sous-ensemble d’épi-sémèmes en commun, et chacune un sous-ensemble propre.
— Inclusion : tous les épisémèmes d’une isotopie sont également présents dans l’autre.
— Indépendance : les deux isotopies ne possèdent pas d’épisémème com-mun. Dans ce cas, les positions relatives des sémèmes induisent plu-sieurs possibilités :
— antériorité / postériorité : si les deux groupes d’épisémèmes ne se croisent pas.
— alternance : si les épisémèmes de l’une s’alternent avec ceux de l’autre.
Toutes ces considérations sont bien entendu miscibles et graduelles. D’autre part, d’autres considérations unitaires peuvent s’appliquer aux isotopies :
— Poids : le nombre d’épisémèmes supportant l’isotopie
— Volume : nombre total d’épisémèmes compris entre le premier et le dernier épisémème de l’isotopie
— Densité : rapport Poids / Volume, caractérisant l’importance de l’isotopie dans sa zone de validité.
Nous verrons par la suite les significations stylistiques et typologiques de ces critères quantitatifs, sur des exemple poétiques entre autres. Rappelons que F. Rastier considère les rapports entre thématique et tactique comme fondamentaux dans tout acte typologique, et même dans tout acte inter-prétatif. Le cas d’un texte réduit à une énumération n’échappe pas à cette généralité.
Nous approfondirons ces considérations lorsque nous exposerons l’outil logiciel PASTEL. En attendant, nous allons voir la mise en place dynamique de cette structure, ainsi que son évolutivité.
