Diversité des pratiques
Il existe une multitude de pratiques de prescription des devoirs, sur laquelle de nombreux auteurs se sont penchés. Selon Simonato (2007), certaines pratiques sont en décalage avec les études actuelles en science de l’éducation. Beaucoup d’enseignants n’ont pas eu l’occasion de réfléchir à la question des devoirs surtout à leurs répercussions dans la réussite des élèves. Manque de formation ? Manque d’intérêt ? Routine ? Il est étonnant de constater la quantité de pratiques pédagogiques qui perdurent par habitude, parce qu’ « on a toujours fait comme ça », malgré les publications, les recherches en science de l’éducation et le cadrage des textes officiels (Simonato, 2007, p.22). L’auteur se questionne donc sur les raisons d’un certain manque d’innovation dans la distribution des devoirs. Il apporte un élément de réponse à son questionnement en affirmant que «les maîtres sont constamment tiraillés entre les demandes des parents, les résistances des élèves, leurs convictions, leurs incertitudes et les textes officiels qui règlementent les pratiques » (Simonato, 2007, p.13).
Ainsi, une réaction courante des enseignants face à ces avis divergents, est de se calquer sur la coutume de leur établissement. L’alternative est de faire comme tout le monde, par crainte du qu’en dira-t-on, sans trop se poser de questions, sans se remettre en cause. On donne donc des devoirs pour se conformer à la règle, à l’habitude, à la tradition. L’important, c’est de faire comme les autres, pour se protéger d’attaques ou de reproches (Simonato, 2007, p.22). Par conséquent, d’après Simonato, la distribution des devoirs se fait selon un commun accord jamais évoqué explicitement entre les enseignants, mais aussi entre l’école et les familles. Glasman et Besson ne parlent pas d’ “accords implicites ” mais d’un manque de collaboration. En effet, ils vont jusqu’à dire que “l’absence de concertation des enseignants sur le travail hors de la classe est un phénomène international, les devoirs ne s’inscrivent que rarement dans une politique d’établissement. Ce sont en effet essentiellement les choix individuels qui guident les pratiques et le travail dans chaque classe” (Glasman & Besson, 2004, p.34). Ainsi, d’après ces auteurs, chaque enseignant a sa propre conception de ce qu’est un devoir, du rôle qu’il devrait jouer, ainsi que de la manière dont il devrait être donné. Ceci implique que “les enseignants n’ont par exemple pas tous les mêmes exigences en terme de travail à la maison” (Glasman & Besson, 2004 p. 34). Glasman et Besson sont donc en accord avec Simonato pour dire que ce qui pousse les enseignants à donner des devoirs, c’est le souci de bien paraître devant les collaborateurs, les parents et les collègues.
Les enseignants donnent des devoirs davantage pour se conformer à la règle et répondre aux attentes des parents, que pour leur utilité pédagogique. Le travail à la maison actuel n’est pas représentatif de l’évolution de l’institution scolaire mais correspond davantage au vécu et aux attentes des parents. De plus, outre le regard des familles, c’est celui des pairs qui justifient à priori le comportement de certains enseignants. En effet, le “sérieux” du professeur semble être associé au fait de donner ou non des devoirs (Glasman & Besson, 2004, p. 35). Ainsi, les enseignants semblent s’enfermer dans une routine qui ne correspond pas nécessairement au travail qui se fait en classe et ce, malgré la vaste liberté des enseignants concernant la distribution du travail à domicile. Par conséquent, certains devoirs, tels qu’ils peuvent être observés de nos jours, paraissent pédagogiquement dépassés. Comme l’expliquent Favre et Steffen, “ […], les devoirs n’illustrent en rien le travail réalisé en classe. Les méthodes d’enseignement ont évolué contrairement aux devoirs dont les modalités sont restées identiques ” (Favre & Steffen, 1988, p. 53). Caillet et Sembel ne sont toutefois pas du même avis. Effectivement, ils pensent que beaucoup d’enseignants prennent le temps de réfléchir à la question des devoirs et tiennent compte de leurs éventuelles répercussions et contraintes.
La plupart des enseignants s’interrogent plus fondamentalement sur la valeur réelle du travail hors la classe. Ils savent que certains biais peuvent peser sur sa production: l’aide parentale, le temps consacré par les élèves à ce travail, la manière dont les élèves le réalisent, les difficultés de certains élèves (Caillet & Sembel, 2009, p.55). 2.1.3. Devoirs et pédagogie de la différenciation Selon Caillet et Sembel, la différenciation permettrait de résoudre le conflit au sujet des devoirs à domicile et de leur pertinence. Ces auteurs affirment que “[…] beaucoup reconnaissent la nécessité de différencier le travail à la maison, mais regrettent de ne pouvoir le mettre plus en oeuvre par manque de temps, par effet de routine” (Caillet & Sembel, 2009, p.55). Assurément, la différenciation est une pédagogie prescrite par la loi sur l’enseignement obligatoire au chapitre 9 : “Les enseignants différencient leurs pratiques pédagogiques pour rendre leur enseignement accessible à tous leurs élèves (art. 98, principes généraux) ”. Il ne s’agit donc pas de différencier les objectifs d’apprentissage mais de proposer au contraire une variété d’approches et de démarches. Ceci afin d’amener tous les élèves à atteindre les mêmes objectifs. Une citation intéressante d’Auzeloux est proposée sur internet, à propos de la différenciation pédagogique.
C’est une démarche qui consiste à mettre en oeuvre un ensemble diversifié de moyens et de procédures d’enseignement et d’apprentissage pour permettre à des élèves d’âges, d’aptitudes, de compétences et aux savoirs hétérogènes d’atteindre par des voies différentes, des objectifs communs. 1 Pourquoi la différenciation ne serait-elle alors pas appliquée pour le travail à domicile? C’est également l’avis de Cooper qui met en avant les bénéfices de la différenciation dans le travail hors la classe. “Homework assignmnents individualized on the basis of students’ learning styles may improve student achievement, attitudes, and conduct more than assignments that do not” (Cooper, 2007, p.48). En outre, Chevalier affirme qu’un devoir efficace est indissociable de la différenciation. “Un bon devoir serait celui qui prend en compte les réels besoins de l’enfant. Cela s’inscrit dans une pédagogie où la différenciation a sa place”2. Enfin, Neuberg va encore plus loin en précisant que la différenciation se fait par rapport aux capacités de l’élève: “Une solution […] serait d’introduire une différenciation des devoirs en fonction du degré de maîtrise” (Neuberg, 2012, p.15). Les bénéfices de cette méthode pédagogique sont donc indéniables. Dès lors, le questionnement qui en découle porte sur la complexité de la mise en oeuvre de la différenciation dans les travaux à domicile.
Vérifications et feedbacks
D’après nos lectures, il existe de nombreuses formes et fréquences de vérifications du travail à domicile. Incontestablement, la pratique de vérification des devoirs est personnelle à l’enseignant. Ainsi, chez certains, cette vérification est une sorte de rituel de début de journée alors que pour d’autres, cette pratique est quasiment inexistante. A ce sujet, Dubois et Navarro Dubois affirment que “d’après les élèves, les enseignants vérifient peu, de manière aléatoire et sans jamais noter, le travail hors la classe […]. Le travail hors la classe est en partie, au terme du processus, un travail hors l’enseignant, différent du travail fait en classe […]” (Dubois & Navarro Dubois, 1997, p.31). Toutefois, comme l’indiquent Dubois et Navarro Dubois, les élèves ne perçoivent pas nécessairement le travail de vérification réalisé en classe. En effet, ce dernier peut rester imperceptible pour les élèves qui ne se rendent pas forcément compte de ce que l’enseignant fait des travaux récoltés. Certains enseignants prennent notes de commentaires ou difficultés, prévoient des aménagements pédagogiques en conséquence, etc. A l’inverse, le travail de feedback directement lié à celui de vérification est discernable pour les élèves grâce aux différents retours de l’enseignant.
De ce fait, il existe plusieurs types de feedbacks comme nous l’indique Cooper dans ces propos que nous traduisons librement ci-dessous. Tout d’abord les retours collectifs. Ils prennent généralement la forme orale. L’enseignant attire l’attention des élèves sur les éventuelles difficultés rencontrées par plusieurs d’entre eux ainsi que sur les notions importantes à retenir. Il existe également des retours individuels qui se font sous forme écrite ou orale. Ils permettent aux enseignants de pointer plus précisément les erreurs commises par chaque élève, d’en comprendre la cause pour ensuite amener l’élève à dépasser une difficulté, à renforcer une notion ou encore à lui redonner confiance (Cooper, 2007, p.50). Dès lors, il apparaît important pour ces auteurs, de fournir un feedback, peu importe son type. Cooper l’indique dans ses propos : “Research seems to indicate that it is important to provide some form of feedback on homework. However, the different forms of feedback do not seem to differ much in their effectiveness, nor do different schedules for providing feedback” (Cooper, 2007, p.53).
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