Une fonction diplomatique définie restrictivement par la lettre et l’esprit de la Constitution du 4 octobre 1958
« Souvenez-vous de ceci : il y a d’abord la France, ensuite l’État, enfin, autant que les intérêts majeurs des deux sont sauvegardés, le droit ». [Jean FOYER] 1912 « (…) À partir du moment où le chef de l’État prend des positions abruptes, c’est cela qui compte, pas la position du Quai d’Orsay. Notre président intervient constamment sur les grandes questions diplomatiques. Il n’a pas le réflexe de se mettre à l’abri en laissant agir le ministre des Affaires étrangères ou les diplomates. Du coup, ce peut être soit le coup de génie, soit la catastrophe. » [Professeur Samy COHEN]1913 « C’est devenu presque un lieu commun de dire que la Vème République pendant onze ans fut d’abord, sinon essentiellement, une politique extérieure, la pensée du général de GAULLE ayant été tout entière dominée par la volonté de rendre à la France dans le monde la place et le rôle qu’il estimait devoir lui revenir, et son action dans tous les autres domaines ne historique de celle-ci. La « prise en main rigoureuse de l’appareil d’État »1915 à laquelle la présidence gaullienne a procédé dès 1959 dans son volet extérieur, entérine symboliquement l’âge d’or de la fonction de ministre des Affaires étrangères, du moins au plan politique. d’assemblée. Certains auteurs l’ont perçu comme une atteinte manifeste au texte de 19581916, voire à son esprit originel1917. Dans leur grande majorité, les juristes l’ont objectivement justifié en arguant d’une interprétation extensive de l’article 5 C1918. Mais, entre ces deux Raymond JANOT lui concède le monopole du pouvoir décisionnel en lieu et place du président de la République parce qu’il détient les pouvoirs gouvernementaux. C’est dans cette optique de partage, que M. Raymond JANOT enjoint le futur président de la République à lire l’article 5, disposition dans laquelle il situe « l’esprit dans lequel il doit agir » [« Les entretiens de Raymond JANOT avec la presse », in Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, Vol. IV « Commentaires sur la Constitution (1958-1959) », Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Vème République, La Documentation française, 2001, p. 150]. Il précise sa pensée sous la forme d’une mise en garde : « Il y a une série de personnes qui ont soutenu que malheureusement le Premier ministre était entre l’Assemblée et le président de la République et qu’il ne pouvait rien faire. Mais c’est parce qu’elles n’ont pas compris le rôle du président de la République. Elles pensent que le président de la République est l’élément qui conduit le Gouvernement. Celui qui conduit le Gouvernement conduit la République, et le Président a pour mission de s’assurer du bon fonctionnement de la République. Il n’y a pas de bicéphalisme » [Op. cit., pp. 121-122 ; dans le même sens, lire LUCHAIRE (F.), « Compte rendu de la réunion du groupe de travail du 27 juin 1958 », in Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, Vol. I « Des origines de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 à l’avant-projet du 29 juillet 1958 », Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Vème République, 1987, p. 291]. C’est une vision inverse de la hiérarchie exécutive que le général DE GAULLE proposera dans sa célèbre conférence de presse du 31 janvier 1964. A la différence de celle de M. Raymond JANOT, elle se vérifiera en pratique.
La vision consensuelle du domaine constitutionnel de la politique étrangère la représente comme une aire circonscrite au Pouvoir exécutif et partagée au sein de l’Exécutif suprême. Elle dépasse le clivage doctrinal traditionnel « président de la République/Premier ministre » et autorise l’élargissement du champ d’études à un troisième acteur déterminant de la cohérence des activités extérieures de la France : le ministre des Affaires étrangères. Consulté en 1958 sur les spécificités du cadre constitutionnel de l’action internationale de la France, le jurisconsulte près le Quai d’Orsay présente l’activité de négociation comme « le pain quotidien » de son ministère1919. Dès lors, qui mieux que son responsable politique pouvait assumer la délicate mission de pourvoir à l’harmonisation d’ensemble des vues politiques souvent divergentes ? Ainsi, l’unanimisme suscité d’emblée par la prééminence du rôle d’exécution du ministre des Affaires étrangères aurait progressivement à l’émergence d’« un consensus diplomatique au sommet de l’État » dont l’intérêt stratégique est révélé sous 1986, apportée la Vème République » (in « Réformer la Constitution pour éviter la cohabitation ? C’est nécessaire et possible », Pouvoirs n° 91, 1999, p. 133). L’occasion se présentera ultérieurement de préciser la posture de M. Jean MASSOT en matière de politique étrangère. Elle combat spécifiquement et sans ambiguité le principe d’une représentativité gouvernementale effective sur la scène politique internationale [voir infra (Partie II-Titre II-Chap. I-Sect. I-§. 1)].