Une expression forte des émotions visibles lors d’une utilisation non autorisée de supports de communication
Les contraintes carcérales peuvent parfois être trop importantes pour les détenus, ce qui provoque une surcharge émotionnelle qu’ils ont besoin de faire sortir de leur enveloppe corporelle et cela passe souvent par le détournement des supports de communication standards et autorisés. Ce sont des actes de communication effectués sur l’instant, impulsivement. Par exemple, l’ « impulsivité » peut être traduite comme une certaine association de vouloir-faire et pouvoir-faire, et se décrira comme une « manière de faire » ; mais une telle passion présente un « excédent » modal, qui apparaît en surface sous les espèces de l’ « intensif » et de l’ « inchoatif » ; ce qui caractérise l’impulsif, c’est donc plutôt une manière d’être en faisant, une manière d’être (i.e. : « intensif » + « inchoatif ») reposant sur l’association vouloir-faire + pouvoir-faire. On retrouve dans ce cas le grand principe d’homogénéisation évoqué au début, dans la mesure où la compétence pour faire est ici traitée comme un état. Toutefois, cet « excédent » modal a ici un rôle qui en fait bien plus qu’un simple supplément de sens ; en effet, si on envisage seulement une « conduite » impulsive, le double trait « intensif + inchoatif » se présente comme une simple surdétermination accidentelle de la compétence modale de base ; mais si, d’un autre côté, on caractérise le sujet comme étant « impulsif », on considère alors que cette surdétermination régit et pathémise la compétence modale et en assure l’actualisation en toutes circonstances ; plus précisément, tout se passe comme si, dans ce cas, l’excédent modal permettait de prévoir l’apparition concomitante du vouloir et du pouvoir et garantissait en quelque sorte le passage à l’acte665.
Ce qui différencie l’impulsivité carcérale de celle de la société libre, c’est encore une fois les contraintes carcérales, puisque, si elles sont toutes les deux le fruit d’une émotion trop intense, celle qui se déroulera en prison prendra une forme qui sera conditionnée par le pouvoir-faire imposé à ses acteurs, qui est bien plus oppressif que celui des forces de l’ordre sur le peuple (puisqu’il y a, de fait, plus de liberté en n’étant pas incarcéré). Ces contraintes, alors qu’elles laissent peu place à l’impulsivité (à part celle maîtrisée des ateliers), sont pourtant impuissantes face à l’obstination d’un détenu qui ressent un besoin vital de communiquer l’oppression qui le fait souffrir. L’administration pénitentiaire cherche à empêcher au mieux ces actes impulsifs par des préventions anti-suicide ou par des sanctions (mitard, remise de peine supprimée, etc.), mais ces mesures sont vaines, dans ce cas-là, puisque certains détenus parviennent même à se servir de ces mesures de prévention pour passer à l’acte.
Nous retrouvons cette obstination dans diverses communications de détenus : les graffiti, les biftons, les comportements violents envers les autres et envers eux-mêmes. L’obstination, consiste, dans ces cas précis, à passer à l’acte malgré les contraintes carcérales (non-devoir-faire et donc un savoir-ne-pas-être en droit de faire) grâce à des supports de communication qu’ils parviennent à détourner (pouvoir-faire), dans le but d’expulser les émotions trop fortes (qui deviennent alors des émotions) de l’enveloppe corporelle qui ne parvient plus à les contenir (vouloir-être, même s’il n’est pas toujours conscient ni maîtrisé par les détenus eux-mêmes). Nous verrons que le temps est une notion encore importante ici : soit il s’agit du thème des inscriptions murales, soit il est la cause du passage à l’acte impulsif. Pour toutes ces communications impulsives, nous pouvons élaborer un schéma tensif pour démontrer les points de rupture possible (émotions deviennent trop intenses pour être supportées) initiant le passage à l’acte : Les murs d’une prison sont utilisés par les détenus comme un support pour l’expression de leurs sentiments et émotions renfermés. Nous l’avons évoqué dans la seconde partie, c’est le contexte contraignant de l’incarcération qui les pousse à s’exprimer par ce support. Dans cet exemple, le signifiant correspond à la relation entre le support mural et le contexte carcéral qui en fait un acte non autorisé.