UNE EXPOSITION TEMPORAIRE DANS LE HALL NAPOLÉON DU MUSÉE DU LOUVRE
Introduction Les deux terrains qui vont être maintenant présentés ont été choisis, car ils permettent d‘interroger différemment la pratique de visite. Le premier terrain correspond à la visite de l‘exposition temporaire « Sainte Russie – l‘Art russe, des origines à Pierre le Grand », au Musée du Louvre, et le second terrain correspond au parcours ludique « PLUG », au Musée des Arts et Métiers, organisé dans le cadre d‘un projet de recherche interdisciplinaire. L‘axe d‘opposition entre ces deux terrains fonctionne à partir de la distinction entre une situation que nous pourrions qualifier de classique, car elle correspond à un horizon d‘attente connu et partagé par les visiteurs de musée, et une situation qui, précisément, ébranle cet horizon d‘attente. En somme, dans le premier cas, les visiteurs savent qu‘ils sont dans le Musée du Louvre, l‘un des plus grands musées du monde, qui encadre institutionnellement l‘espace de l‘exposition et prédétermine les représentations associées à l‘expérience de visite ; dans le deuxième cas, les visiteurs sont à la fois invités à participer à un test technique et à explorer des modalités de visite différentes – il leur est annoncé qu‘ils vont « visiter différemment ». Plusieurs éléments peuvent surdéterminer la situation de communication : le musée, certes, mais aussi le projet de recherche, les représentations associées aux situations de test de la technologie, et, enfin, l‘activité ludique. L‘espace dans lequel se trouve le visiteur est donc pris dans une tension entre l‘institution de la culture patrimoniale scientifique et l‘institution de l‘innovation. Dans le premier terrain, l‘enquête saisit l‘occasion de se loger au cœur d‘une situation de pratique courante – la visite d‘une exposition qui a lieu dans les salles du Musée du Louvre – dans le second terrain, l‘enquête vient se caler contre une situation présentée comme expérimentale – un objet explicitement constitué en tant que terrain de recherche pour de nombreux chercheurs de disciplines différentes – elle-même insérée dans une situation de pratique courante – la visite des salles des collections permanentes du Musée des Arts et Métiers.
Néanmoins, leur description va être réalisée dans le sens inverse : le deuxième terrain sera décrit dans la première section dans la mesure où il a été formalisé très tôt, au début de la thèse, et qu‘il se présente, pour les visiteurs enquêtés, comme une situation de visite ordinaire. Le terrain du projet « PLUG » sera décrit dans la seconde section, car son analyse implique de saisir la mise en abîme des différentes situations de communication et des différents enjeux de la communication auxquels elles renvoient. En effet, considérer le jeu pédagogique « PLUG », au Musée des Arts et Métiers, comme un terrain de recherche passe notamment par la compréhension et la distinction de deux positionnements relatifs et affrontés l‘un à l‘autre, référés chacun à une échelle de saisie des phénomènes et à un modèle de la communication différent : l‘enquête comme mode de justification d‘un projet de recherche en sciences de l‘ingénieur financé par l‘Agence Nationale de la Recherche ; et l‘enquête comme préalable à la thèse. Dans ces deux cas, l‘enquête doit négocier sa place vis-à-vis d‘autres termes qui ont eu la part belle pendant tout le projet : les tests, les expérimentations. En effet, les ingénieurs et les industriels parlent de tests et non pas d‘évaluation, encore moins d‘enquête. Si les tests permettent de dire si l‘objet fonctionne, l‘enquête doit revendiquer son droit à saisir autre chose, c’est-à-dire à regarder comment les utilisateurs manipulent l‘objet et l‘investissent de sens par rapport à une situation décrite comme une situation de test, mais aussi de jeu ou encore de visite de musée. Ce que l‘enquête permet, c‘est précisément de montrer que ces différents niveaux existent dans l‘expérience du testeur et qu‘ils renseignent bien différemment sur l‘usage. À ce premier niveau de description des deux terrains, qui correspond à un niveau de cadrage institutionnel et communicationnel général, se rajoute un deuxième niveau qui correspond à l‘analyse du statut du dispositif exploré par les visiteurs : l‘exposition et le jeu informatisé. Faisant l‘analyse du travail de David Bolter,