Une entreprise en Conception Mécanique Caoutchouc et Plastique

Une entreprise en Conception Mécanique Caoutchouc et Plastique

Situation géographique

L’entreprise CMCP fut située dans un premier temps au sein de la ville de Cotonou dans un quartier légèrement excentré. On y accédait par un de ces VON1 caractéristiques de la plupart des villes d’Afrique de l’Ouest, où le sable, les nids de poule et les mauvaises herbes se disputent la voie. Ces ruelles sont bordées de clôtures souvent bétonnées abritant des concessions2 ou, pour les quartiers les plus luxueux, des villas ou des petits immeubles. La taille des locaux de la CMCP était relativement modeste, voire exiguë compte tenu du nombre de machines outils stockées. De plus la proximité d’habitations rendait les travaux nocturnes difficilement réalisables sans provoquer des nuisances sonores pour le voisinage. « Je cherchais un terrain car là-bas c’était en ville et les machines font du bruit. Les voisins ne disaient rien car ils étaient de ma famille, mais je n’étais pas à l’aise alors je me suis dit qu’il faut acheter quelque part où on ne va pas gêner. La zone industrielle que j’ai trouvée ici convenait parfaitement. On a construit un peu, un peu et on a emménagé dans ces locaux. » La nouvelle zone industrielle dans laquelle Didier Agbohouto, le fondateur de la CMCP, déménage a été créée récemment le long de la nouvelle autoroute reliant Porto-Novo, la capitale politique à Cotonou, la capitale économique. Les trente kilomètres qui les séparent sont régulièrement embouteillés par la densité et la disparité du trafic. Cette autoroute est bordée d’une piste servant parfois de route de secours et sur laquelle s’alignent de nouvelles entreprises : petites distilleries, magasins divers, etc. La brousse qui jusqu’à peu, était la seule propriétaire des lieux, demeure encore très présente et jouxte souvent l’arrière de ces bâtiments. Les nouveaux locaux de la CMCP sont nettement plus imposants avec deux étages (ce qui est rare au Bénin) et une quantité incroyable de machines outils. 

Histoire du statut de la CMCP : de société commerciale individuelle à SARL

 Dans un premier temps l’entreprise n’existait pas réellement, son fondateur était surtout en « free lance » et assurait des intérims sur des chantiers. Cette situation a prévalu durant environ un an après son retour de Cuba, les menus travaux qu’il avait à effectuer lui permettaient de rester dans le secteur informel. Toutefois, lors de son premier marché avec la brasserie locale, la SOBEBRA, qui lui demandait de fabriquer des pièces de rechange en caoutchouc, il devint nécessaire d’être enregistré sur le registre du commerce afin notamment de pouvoir donner des factures. Le fait de travailler avec une grande entreprise avait pour conséquence immédiate de devoir quitter le secteur informel et ceci le plus rapidement possible afin de pouvoir percevoir les premiers paiements. Cette étape qui rebute souvent les artisans locaux n’a pas outre mesure impressionné Didier Agbohouto, qui remédia au problème à sa manière : « C’est comme ça que tout a commencé, je devais être inscrit au registre du commerce pour les factures et toutes les autres formalités administratives nécessaires à ce client. Or ma maman, avant que je ne parte à Cuba, avait enregistré chacun de ses enfants au registre afin d’effectuer son commerce de pagne. Comme dans le temps, le Bénin était socialiste, on ne donnait pas beaucoup de pagnes à une seule personne. Elle utilisait alors l’enregistrement de chacun de ses enfants afin de pouvoir acheter plus d’habits et les revendre ensuite au détail. J’ai alors cherché ces papiers pour les remettre à jour et changer l’objet du commerce. J’étais ainsi devenu une entreprise individuelle. »Le secteur informel est considéré comme largement dominant dans l’activité économique du pays. Il représente plus de 70% du volume des échanges… Cette démarche n’est donc pas anodine et la manière dont elle fut exécutée montre que l’enregistrement n’est pas aussi aisé que veulent bien le laisser croire les administrations locales1 : les délais sont rédhibitoires lorsqu’un marché doit être conclu très rapidement. Ce petit arrangement avec la loi fait, il devenait alors possible de traiter avec les grandes entreprises et les institutions. Ce qui marquera le lancement réel des activités de la société et de son entrepreneur. Il faudra encore attendre sept ans avant qu’elle se mue en SARL en 2004, ce changement étant concomitant avec son déménagement vers un site plus spacieux. Cette modification de statut, malgré des contraintes certaines (fiscalité plus sévère, obligation de transparence,…), a pour finalité d’accéder aux « gros » marchés dont les appels d’offre sont réservés exclusivement au SA et SARL. Marchés auxquels peut maintenant prétendre la CMCP avec ses nouveaux locaux et son outil industriel.

Un entrepreneur longtemps expatrié, formé à l’aulne de l’embargo américain

Agé d’une quarantaine d’années, Didier Agbohouto, Directeur et fondateur de la société CMCP (Conception Mécano soudée Caoutchouc Plastique) est né d’un père fonctionnaire à la poste et d’une mère commerçante, tous deux originaires du centre-ouest du Bénin. Il est marié et père de deux enfants. Deux événements influeront sa destinée d’entrepreneur : le premier sera la bourse d’études qu’il obtiendra auprès de Cuba lors de ses vingt deux ans, le Bénin est en effet à cette époque en plein marxiléninisme et ses principaux liens sont la Russie et plus généralement tous les pays issus du girond communiste. Son séjour durera onze ans durant lequel il obtiendra son diplôme de technicien supérieur mais durant lequel il acquerra aussi ses premières expériences professionnelles. Le deuxième événement, à son retour, sera sa rencontre avec un des directeurs de la SOBEBRA qui lui passera sa première commande lançant ainsi définitivement son entreprise. Evoquons tout d’abord son expérience cubaine : à l’époque, la plupart des futurs cadres des pays africains étaient envoyés pour leurs études supérieures dans les pays du Nord (le plus souvent leurs anciens colonisateurs). Le Bénin n’échappe pas à cette règle avec la particularité d’appartenir durant la guerre froide au bloc communiste. Ceci explique le départ vers Cuba, à la fin du lycée, de notre entrepreneur en herbe. L’objectif affiché était d’obtenir un diplôme valorisant en mécanique industrielle, ce qu’il obtient en tant que technicien supérieur accompagné d’une solide expérience professionnelle composée de nombreux stages et de petits boulots. « En fait, j’ai étudié en deux phases, j’ai repris le « niveau moyen » comme ils disent à Cuba, car pour la spécialité mécanique il fallait revenir en arrière dans la scolarité pour avoir un niveau qui équivaut à un bac technologique ici et après on est rentré à l’université, j’ai voulu continuer pour faire un doctorat mais j’ai arrêté. » A la fin de ses études, il travaillera dans une brasserie locale où il découvrira le système « D » lié à l’embargo américain imposé au pays : Cas 2 : Une entreprise en Conception Mécanique Caoutchouc et Plastique 119 « Quand j’ai fini mes études, j’ai travaillé deux ans comme dessinateur de pièces mécaniques, ils avaient un atelier de fabrication mécanique pour la maintenance. Cuba était sous embargo, ils n’importaient pratiquement pas de pièces de rechange et les machines, quand elles tombaient en panne, il fallait quand même les réparer. Là bas, ils devaient se débrouiller avec leurs propres moyens, ils copiaient des pièces et des machines. J’ai beaucoup travaillé avec eux dans ces choses-là et c’est ça qui m’a permis de fabriquer des pièces en caoutchouc ou de connaître le travail de l’inox. » Il découvre durant ce séjour des modes de gestion différents, notamment au niveau des ressources humaines : « Là bas, tout est basé sur le système socialiste, on fait ensemble, il existe un système d’émulation que nous n’avons pas au Bénin. A Cuba, les meilleurs travaillaient pour gagner un voyage en union soviétique, pour gagner une voiture, un frigo. C’est par rapport au travail effectué durant l’année qu’ils sont jugés et qu’on détermine les lauréats. Ici, ce n’est pas comme ça, les gens travaillent pour le salaire, ici les gens arrivent à dire « ah, je ne veux pas ça, ce n’est pas bon comme ça ». Là-bas, on se contente. » …

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