Une charge indexée par la prééminence du Roi en matière diplomatique un instrument accessoire des relations extérieures
« Ce ne sont pas les bons conseils, ni les bons conseillers qui donnent la prudence au prince, c’est la prudence du prince qui seule forme de bons ministres et produit tous les bons conseils qui lui sont donnés. » [Louis XIV]232 « Je puis avoir un jour le malheur d’être votre sujet, mais je n’aurai jamais celui d’être votre serviteur. » [M. le duc de CHOISEUL, secrétaire d’État aux Affaires étrangères de Louis XV]233 124. Sous l’empire des usages et des Lois fondamentales, le principe est simple en matière diplomatique : point d’engagement, ni de relations en dehors de la volonté du Roi. Bien plus, sous l’influence des écrits de Jean BODIN, la centralisation des prérogatives étatiques par le pouvoir royal va gagner progressivement en force et en légitimité à partir de la seconde moitié du XVIème siècle, condamnant inéluctablement les agents du Roi à n’être que de fidèles exécutants de sa volonté. Intemporel, ce rôle instrumental survivra à la chute de l’Ancien Régime et garantira même au ministre des Affaires étrangères la permanence de sa fonction dans les premiers temps de la Révolution. Mais, pour revenir à la définition monarchique du rôle du secrétaire d’État aux Affaires étrangères, celle-ci procède d’une double source dont la cohérence est garantie par une interprétation stricte du lien d’obédience qui unit le secrétaire d’État au Roi. 125. Les prérogatives du ministre trouvent leur fondement premier en la personne du Roi qui a pour lui, l’imperium et la légitimité politique. A cet égard, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères se voit dénier tout pouvoir d’initiative au plan politique comme diplomatique. Cependant, comme il a été déjà établi, cet état de fait préexistait à la création de la fonction de ministre des Affaires étrangères, les relations avec l’étranger étant principalement le fait des Princes depuis la fin du Moyen Age (XIVème–XVème siècles)234. A priori, si novation il y a au niveau de la consécration juridique de la fonction de secrétaire d’État aux Affaires étrangères, elle serait à rechercher davantage au plan institutionnel que matériel. De ce point de vue, la possession de la charge présenterait une portée complémentaire pour son titulaire : le Roi conditionnerait l’effectivité de son pouvoir d’action ; sa charge la fonderait objectivement. Ainsi, le caractère public de son office justifierait que son action politique déborde parfois le cadre étriqué dans lequel le règlement du 1er janvier 1589 l’enserre.
Renvoyant au cadre statutaire du secrétaire d’État aux Affaires étrangères, une étude transcendantale de sa charge permettrait de se ménager un certain recul par rapport à son origine régalienne: prééminente, la volonté du Roi n’est pas pour autant omnipotente dans la gestion de la charge de secrétaire d’État aux Affaires étrangères. L’octroi de privilèges royaux viendrait, en cela, conforter la stature politique que le Roi lui-même attache à la fonction ministérielle ainsi que le laisse entendre, par exemple, la condamnation à mort prévue par une de secrétaire d’État aux Affaires étrangères établit, au plan formel, son titulaire dans la plénitude de ses compétences d’attribution – et non de principe, conformément à la logique absolutiste. Elle s’apparente à un mandat donné nécessairement et exclusivement par le Roi. Toutefois – et c’est là, une brèche juridique remarquable dans le système politique de la monarchie absolue – elle relève également pour partie des règles libérales instaurées par l’édit toute marge d’action discrétionnaire dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. Dans la mesure où son statut et ses compétences procèdent formellement de la possession d’une charge d’une part et, sachant d’autre part, qu’il dispose de ladite charge discrétionnairement 128. Si l’on devait se fier à la pratique hégémonique des « grands » ministres des Affaires étrangères de cette époque, on serait tenté de répondre par l’affirmative. La charge de secrétaire d’État aux Affaires étrangères a souvent fait office de tremplin politique permettant aux plus ambitieux de ses titulaires d’atteindre le poste – exceptionnel à une époque où la France monarchique est imperméable au régime parlementariste promu par sa voisine britannique – de « principal ministre ». Mais, ce serait là offrir une réponse parcellaire qui occulterait la dimension personnelle qui caractérise traditionnellement les privilèges statutaires des agents du Roi. La logique exclusiviste qui anime, à partir du règne d’Henri IV, la pratique politique incite, au contraire, à répondre par la négative.