UNE BIDONVILISATION D’UNE GRANDE AMPLEUR
Les villes des pays en développement se caractérisent par l’opposition permanente entre l’extrême pauvreté et l’extrême richesse, se traduisant par la juxtaposition de quartiers modernes, dont la population, majoritairement aisée, est étroitement intégrée au « systèmemonde », et de zones d’habitat précaire, où s’amasse un sous-prolétariat sans qualifications. Ces bidonvilles constituent la réponse des habitants les plus déshérités à la pénurie de logements, d’équipements et d’emplois et donnent aux villes un aspect semi-rural. Leur extension aggrave considérablement les problèmes de pollution. Il n’en reste pas moins que, même dans ce cadre de vie, le sort des populations qui le partagent est encore préférable à celui qu’elles auraient à la campagne. Pour la ville de Manakara, le phénomène de bidonvilisation est de plus en plus inquiétant. Afin de pouvoir mieux expliquer son ampleur, dans cette deuxième partie, nous allons décrire sa manifestation et ces enjeux dans la ville de Manakara. Elle comprendra une spatialisation des bidonvilles dans la ville, et une description des leurs aspects physiques et socio-culturels, ensuite une analyse des différents impacts engendrés par les bidonvilles enfin une perspective d’amélioration des bidonvilles dans la ville de Manakara .Selon Daniel BIAU21 dans son article intitulé : Bidonvilles, tiers quartiers de défis, d’opportunités et d’imagination publiée en 2011 : « Les bidonvilles recouvrent une réalité très différente d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, d’une ville à une autre et même d’un bidonville à un autre, au sein de la même ville. Ils ne sont pas tous sordides et dangereux. Certains sont peuplés de locataires, d’autres de squatters, d’autres de propriétaires plus ou moins reconnus, d’autres sont hyperdenses et hyper-insalubres (en Asie du Sud notamment), d’autres semi-ruraux. Certains occupent des terrains publics, d’autres ont envahi des terres privées laissées à l’abandon. Certains ne disposent d’aucun service, d’autres ont l’eau courante ou des fontaines publiques. La densité (synonyme de promiscuité) et l’assainissement (dont l’absence porte atteinte à la dignité humaine) sont les deux critères essentiels de différenciation. Dans ces bidonvilles, la vie est vraiment difficile ». Dans la ville de Manakara, les bidonvilles ne sont pas non plus homogènes, ils présentent des variations considérables et des nuances difficilement catégorisable. Les caractéristiques physiques des bidonvilles ne sont pas les mêmes, tant en ce qui concerne la taille, l’emplacement, les équipements en infrastructures et services et les caractères sociaux les diffèrent encore d’avantage.
DES BIDONVILLES PERTURBANT L’ORGANISATION SPATIALE DE LA VILLE
Pour la ville de Manakara, la croissance urbaine à produit invariablement des transformations morphologiques du paysage urbain. En effet, sous la pression de la croissance démographique et de l’exode rural, l’urbanisation de la ville a entraîné un étalement urbain peu contrôlé et anarchique. Les prévisions des plans d’urbanisme et la capacité d’accueil de la ville ont été très vite surpassées tant au niveau de l’organisation spatial que ce soit au niveau des équipements. Entre 1980 et 2008 l’extension de la ville n’est cadrée par aucun outil de planification. La ville s’est alors développé de façon anarchique et le phénomène de bidonvilisation de la ville s’est alors déclenché, et se présentant sous différents aspects. Daniel Biau est Ingénieur des Ponts et Chaussées et Docteur en Sociologie. Il a été Directeur Adjoint de l’Agence des Villes de l’ONU (ONU-Habitat) et Directeur de la Coopération Technique de cette agence de 1994 à 2011.
Densification des quartiers
Sous la pression démographique dans années 70 et 80, les ilots des quartiers structurés comme Ambalakazaha Sud, Maroalakely, Tanambao Ombimena Vaingandranokely et Manakara Be ont subi une densification. Les zones affectées à l’agriculture dans les Fokontany d’Andranovato, Ambalakaza Avaratra, Maroalakely, Ambalafary Gara, Mangarivotra Est et Andranodaro sont grignoté progressivement par les bidonvilles et les bordures du fleuve Manakara, les zones marécageuses, les emprises des voies ferrées et les terrains vacants dans les zones industrielles et portuaires sont également occupées. D’autre part, un processus de mitage du milieu rural par les bidonvilles commençait aussi, à la suite de la saturation des Fokontany centraux. La ville s’est alors développé vers les Fokontany périphériques tels que : Mangarivotra Est, Midongikely, Andranofasika, Ambodiapaly, l’habitat se développaient de façon anarchique aux environs des rizières, des champs de cultures, des routes d’intérêt communal et intercommunal. L’extension de la ville suit cet anarchisme dans les années 1990 jusqu’en 2004. Et à partir de 2004 jusqu’à ce jour, l’extension de la ville a été marquée par un étalement linéaire, principalement vers le Fokontany Tanakidy au Nord, Andranomainty et Vaingaindranokely au Sud. Spatialement, les tissus anciens sont engloutis par les bidonvilles, ils sont omni présents dans tous les Fokontany, 75% des zones d’habitation dans la la ville sont qualifiés de bidonvilles. Seul le quartier résidentiel aisé de Tanamabao Ombimena, une partie du quartier administratif de Manakara Be et la zone résidentielle d’Andriana sont épargné par le phénomène. Depuis, les bidonvilles ont pris des ampleurs considérables dans la ville qui se manifeste par la densification des zones d’habitation
Des densités expliquant cette bidonvilisation
Généralement, les villes peuvent se densifier sans qu’il ne s’installe un surpeuplement, mais dans les bidonvilles, la densification mène directement vers une congestion totale de l’espace. La densité dans les bidonvilles est liée à la taille moyenne des parcelles et à la taille moyenne des familles. Dans de nombreux Fokontany de la ville de Manakara, la densité nette atteint les 19560 hab/km² comme à Ambalakazaha Sud, 16121 hab/km² à Andranofasika, 15394 hab/km² à Ambalakazaha Nord, et 15157 hab/km² à Andranodaro. Cependant ce ne sont pas les Fokontany qui abritent le plus grand nombre de population, mais dans ces Fokontany les superficies constructibles sont très limités avec en moyenne 30m² par toit pour une taille moyenne de ménage avoisinant les 5.64. Dans les Fokontany comme Andranovato, 51 Maroalakely, Ambalafary Gara, et Mangarivotra Est, la densité moyenne est de 9500 hab/km², avec un espace de vie plus grande par rapport à ces précedents, soit 50m² par toits. Dans ces Fokontany, la grande promiscuité induit des comportements familiaux et sociaux spécifiques. La notion de voisinage dans ces bidonvilles prend un sens totalement différent que celui de la ville. Anonymat et intimité sont dans ces conditions assez difficiles à obtenir. Pour le reste, la densité varie de 6000 à 2500 hab/km². Les Fokontany les moins peuplés sont Tanakidy et Ampilao avec respectivement 2505 Ha/km² et 3157 hab/km² pour Ampilao.