UNE APPROCHE INTÉGRÉE POUR L’ACTION
PUBLIQUE TERRITORIALE
Contexte théorique dans lequel se positionne la recherche : établir des liens entre différents secteurs de la recherche
La plus-value du présent projet de recherche ne vise pas tant à proposer de nouvelles explications qu’à élaborer une grille de lecture lisible de facteurs explicatifs issus de différents secteurs de la recherche. Cette thèse vise donc à tisser des liens entre : la théorie et la pratique : La question du manque d’efficacité et d’efficience de l’action publique territoriale ou son inadaptation par rapport à la réalité territoriale ne font plus réellement débat, et la littérature qui cherche à en expliquer les causes est abondante comme en témoignent les travaux préparatoires à la loi du 16 décembre 2010, relative à la réforme territoriale. Celle-ci pointe le gaspillage de fonds publics et l’inefficience de l’action publique française et remet en question la clause de compétence générale qui entraîne une appropriation par tous les échelons territoriaux de tous les champs de compétence indépendamment du principe de subsidiarité. S. HAAS et E. VIGNERON32 condamnent de leur côté la formulation insuffisante d’objectifs territoriaux qui ne permet pas la mise en place d’un pilotage efficient de l’action publique. Ces hypothèses sont souvent le fait de la sphère opérationnelle de l’action publique territoriale mais ne créent pas de lien avec la recherche sur ce thème. On constate en effet d’une part l’abondance des analyses théoriques portant sur la complexité territoriale (métropolisation, mobilité des territoires, etc) et d’autre part l’abondance des outils cherchant à répondre à la question « comment conduire une action publique plus performante ? ». Cela se traduit par le développement de guides méthodologiques comme le montre la publication de L. DJEZZAR et C. GATEAU-LEBLANC relative à l’évaluation des politiques publiques, les guides publiés par le CERTU, par ETDE33, par les collectivités territoriales elles-mêmes (la charte qualité des parcs et quartiers d’activités du Conseil général de Vaucluse cherche à devenir un outil méthodologique pour les maîtres d’ouvrage de ZAE) Cette dynamique donne également naissance à des réseaux d’acteurs comme ceux animés par l’ARPE en région Provence-Alpes Côte d’Azur. On peut toutefois regretter que la mobilisation des outils méthodologiques par l’action publique se déconnecte du cadre explicatif préalable qui donne sens à son action : l’une des hypothèses est que cette déconnexion s’explique surtout par des facteurs organisationnels et les modes de fonctionnement des acteurs publics et particulièrement des collectivités territoriales. Cette hypothèse est étayée par l’approche de l’Institut de Socio-économie des Entreprises et des Organisations (ISEOR) qui établit un lien entre les dynamiques internes aux entreprises et structures publiques et les dynamiques existantes entre les entreprises et les différentes composantes territoriales : il propose notamment l’analyse de l’action publique à l’aune de concept des sciences de gestion, proposant ainsi un glissement de concepts organisationnels et de management propres à la gestion interne des entreprises vers celle des territoires, et de fait vers les modalités de mise en œuvre de l’action publique (exemple des concepts de pilotage, rapports d’autonomie – domination). A titre d’exemple, on peut citer les travaux de X. PIERRE34 qui identifie l’absence de pilotage entre les différents acteurs du territoire comme le facteur principal de « l’inefficience » de l’action publique territoriale. Ce passage de l’intra- à l’inter-organisationnel est également conforté par les propositions faites par L. DJEZZAR et Céline GATEAU-LEBLANC qui précisent que l’évaluation des politiques publiques gagnerait à être conduite de manière territoriale et non au sein de chaque structure : « la complexité de l’action publique en raison de l’enchevêtrement des compétences et la multiplication des dispositifs partenariaux imposent désormais une évaluation consolidée au niveau d’un territoire »35. L’organisation interne des collectivités et leurs modes de fonctionnement pourraient par ailleurs être à l’origine d’une autre forme de déconnexion entre la formulation de stratégies et leur mise en œuvre sur le territoire. Des travaux de recherche réalisés sur les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) tendent à étayer cette hypothèse : la thèse de B. LEROUX36 s’est par exemple intéressée au travail des agents publics et plus particulièrement des responsables de SCoT pour expliquer la constitution des périmètres de SCoT et le produit fini « SCoT », témoignant de l’importance des modes de fonctionnement quotidiens, voire des individualités dans la conduite d’un projet public. L’analyse des organigrammes des collectivités territoriales et la division de l’action en politiques publiques expliquent par ailleurs la difficulté de passer de stratégies qui recherchent et tendent vers la transversalité et la territorialité à une action transversale et territoriale37 . les facteurs économiques, sociaux, environnementaux et culturels : La pensée du complexe est abondante mais les champs d’étude restent assez isolés les uns des autres. Si les travaux portant sur la notion de territoire, de grands territoires et d’inter-territorialité sont nombreux, induisant une réflexion sur la transversalité des enjeux, il manque en revanche des liens entre les différents piliers du développement durable : le pilier social ainsi que la composante culturelle sont notamment sous-représentés dans les analyses. Cela constitue l’une des conclusions du rapport de M. PADEIRO, constituant un état de la recherche portant sur le lien entre localisation des activités économiques et développement durable, produit en février 2010 dans le cadre du PUCA. Il regrette en effet le cloisonnement important des différents aspects du développement durable (social et environnemental) dans les analyses portant sur le lien entre activités économiques. Selon lui, seuls les travaux de LIN et YANG en 2006 tentent une approche transversale des différents aspects (économique, social et environnemental) du développement durable. Par cette analyse, M. PADEIRO suggère que le champ du développement économique, et plus particulièrement de la localisation des activités économiques est propice à cet exercice. Cela est par exemple conforté par le modèle de développement local développé par L. DAVEZIES qui ignore complètement la 34 PIERRE X, Pilotage institutionnel des coopérations inter-organisationnelles dans la mise en œuvre de stratégies territoriales – Cas d’acteurs de l’efficacité énergétique et du développement durable, thèse pour l’obtention du titre de docteur en sciences de gestion, juin 2010, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), Laboratoire d’investigation en prospective stratégie et organisation (LIPSOR). QUIGNON E, « L’approche territoriale et le développement durable, leviers d’intégration ? Le cas des zones d’activités économiques du Rhône, des Ardennes et du Vaucluse », communication rédigée pour les 3èmes journées d’études de l’école doctorale Sciences « Sociales et Humanités » (ED 481) de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, sur le thème « Intégrer », 6-8 avril 2011. 38 composante de « soutenabilité » dans son modèle. Cette thématique introduit la nécessité d’un nouveau lien entre l’action publique et les acteurs privés qui sont au centre de l’enjeu économique. acteurs publics et acteurs privés : L’acteur public, particulièrement dans les collectivités territoriales, développe une ou plusieurs politiques publiques dans le champ du développement économique. Pourtant, l’opportunité d’une action publique en matière de développement économique fait débat : C. LEFEVRE affirme que le « conflit entre le monde politique et les milieux des entreprises porte sur le rôle des autorités publiques dans la conduite du développement économique. En effet, alors que le monde politique continue de penser qu’il doit jouer un rôle central et de commande des politiques de développement économique, les organisations de représentation du monde économique estiment que ce rôle est le leur et demande au politique d’être plus modeste et d’agir plutôt comme un accompagnateur et un facilitateur »38. A contrario, F. GILLI défend l’idée que « la puissance publique est un acteur majeur de l’économie locale », d’abord parce que « les collectivités locales représentent à elles seules près de 10% du Produit Intérieur Brut »39. Le territoire semble être un vecteur de résorption de ces conflits : « les territoires constituent l’un des vecteurs pour contrer la crise de confiance que traversent la société et l’économie française. []Avant même de définir un projet de développement économique, l’important est de mobiliser le territoire dans toutes ses dimensions »40. L’acteur public est alors un acteur parmi d’autres qui peut contribuer au développement économique avec ses propres outils, sans se substituer à la décision privée des acteurs économiques. Cette dichotomie entre la définition publique des cadres d’actions et leur mise en œuvre privée est notamment développée, dans le champ de la densification urbaine par A. TOUATI.
Créer une grille de lecture théorique pour rendre lisible un nombre maximal de facteurs influençant la qualité de l’action publique territoriale autour de la notion « d’intégration » Le modèle à réaliser devait permettre de visualiser et penser un ensemble complexe de facteurs en une grille de lecture commune. La première notion qui vient à l’esprit est celle de schéma global / grille de lecture « globale». Le terme « global » fait écho au « penser global, agir local », et de fait à la notion de développement durable. Le développement durable est une entrée intéressante en ce qui concerne les modes de prises de décision de « l’action publique territoriale » puisqu’il suppose de prendre en compte l’ensemble des enjeux et des impacts d’une problématique pour garantir la durabilité des choix publics, comme l’illustre le schéma ci-dessous : 44 MORIN E, en collaboration avec KERN A-B, Terre-Patrie, Ed. Seuil, p.188-192, 1993, cité par ROMAN J, in Chronique des idées contemporaines, Ed. BREAL, juin 1997, p.112-113. Pilier social Pilier économique Pilier environnemental Développement durable Fig.0.15 : Les trois piliers du développement durable. 41 L’approche complémentaire des enjeux est également vraie au sein même de chaque cercle : en matière économique, L. DAVEZIES45 propose d’aborder à la fois les enjeux de compétitivité et d’attractivité d’un territoire. Notons que L. DAVEZIES n’intègre pas dans son modèle de développement l’enjeu de « sustainability » dont nous essaierons de prouver qu’il marque pourtant de manière de plus en plus prégnante l’action territoriale publique ou privée et influe sur les enjeux de compétitivité et d’attractivité. Le terme « global » a été retenu dans un premier temps, non seulement pour son rapprochement avec « l’agir local », mais également, parce qu’il revêt un double sens intéressant la présente recherche : – il peut s’entendre au sens géographique par différenciation avec « le local », – ainsi qu’au sens de mode de conduite de l’action, prenant en compte toutes les composantes pouvant influer sur l’efficience d’une action sur un territoire donné. Toutefois le terme « global » est d’une part assez générique et d’autre part trop statique, il lui manque une dimension dynamique que l’on retrouve mieux dans la notion « d’intégration ». « Intégrer » revient d’abord à chercher une façon de penser la réalité complexe. E. MORIN invite à en finir avec la pensée rationalisatrice, au profit d’une pensée du contexte et du complexe : « il y a nécessité d’une pensée qui relie ce qui est disjoint et compartimenté, qui respecte le divers, tout en reconnaissant l’un, qui essaie de discerner les interdépendances »46. Cela consiste ensuite à conserver ce mode de représentation dans le passage à l’action. Prenons pour exemple le Contrat de Projets Interrégional Plan Rhône : « Le Plan Rhône, projet global de développement durable pour le fleuve et sa vallée, a été approuvé par le Comité Interministériel à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires (CIACT) du 6 mars 2006 »47. Ce contrat interrégional est historiquement lié à la prise en compte politique de la problématique inondation du Rhône. Il couvre la période 2007-2013 et aborde d’autres dimensions qui visent à prendre en compte le Rhône dans toute sa complexité territoriale : il s’agit des volets biodiversité et qualité de la ressource, tourisme, patrimoine et culture, énergie et transport fluvial. Notons d’abord qu’un retour aux thématiques a été nécessaire pour la lisibilité du projet d’une part, mais surtout pour des raisons de suivi de la mise en œuvre du contrat d’autre part : une autorité de gestion a été définie pour chacun des volets. Il s’agit de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse pour les volets environnementaux, tandis que la DIRECCTE Rhône Alpes assure le suivi des volets tourisme et patrimoine-culture, la CNR et VNF assurant respectivement le suivi des volets énergie et transport fluvial. La programmation des dotations financières liées au Plan Rhône est divisée en autant de Comités Techniques Thématiques Intérrégionaux (CTTI). Un secrétariat technique assure la transversalité de la mise en œuvre : il traite notamment des problématiques de communication d’ensemble sur le Plan Rhône, mais n’est pas conçu, comme les autres CTTI, pour procéder à l’instruction de projets, aussi n’existe-t-il pas d’instance du Plan Rhône qui puisse refléter la « territorialité »48 du fleuve. Cet exemple montre que le territoire et la perspective du développement durable offrent une grille de lecture complexe mais que le mode d’intervention de l’action publique territoriale n’est pas favorable au traitement de 45 DAVEZIES L, La République et ses territoires, Ed. Le Seuil, Coll. La République des Idées, 2008 46 MORIN E, KERN A-B, Terre-Patrie, Ed. Seuil, coll. Points, 1993, pp.188-192. 47 Extrait du CPIER Plan Rhône, Avant-propos, 6.03.2006, p.3. 48 VANIER M, (sous la dir.), Territoires, territorialité, territorialisation controverses et perspectives, Ed. Presses Universitaires de Rennes, Coll. Espaces et territoires, 2009,pp.228. 42 cette complexité. Cet exemple confirme par ailleurs, comme l’évoquait E. MORIN, que cette complexité a commencé à être abordée dans le domaine des sciences écologiques et des sciences de la terre. On y mobilise par exemple l’idée de gestion intégrée des milieux, des bassins versants ou des risques, qui paraît intéressante à utiliser dans le cadre de ce questionnement, car elle croise l’idée d’une action conduite sur une réalité spatiale avec la complexité de cette réalité spatiale. L’intégration est une notion proche de celle du développement durable, qui pour certains auteurs se substituent même complètement à elle. Pour B. KALAORA, l’expression de gestion intégrée a été introduite en 1987 par l’OCDE dans le sillage de la problématique du développement durable49. O. LOZACHMEUR montre que l’intégration a été mentionnée dès les années 70, notamment lors de la conférence des Nations Unies de Stockholm en 197250, en 1975 par le Conseil de l’Europe, ou encore par la Communauté européenne en 1977 dans le deuxième programme d’actions des communautés européennes en matière d’environnement. Selon O. LOZACHMEUR, les principales études internationales s’accordent sur le fait que « la gestion intégrée est un processus qui repose sur l’adoption d’une approche globale et systémique destinée à encadrer les approches sectorielles classiques. Il est également acquis que la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC) suppose principalement une intégration spatiale, administrative, environnementale et temporelle et doit permettre d’assurer la compatibilité entre les différentes activités pratiquées ou installées dans les zones côtières »51 . En s’inspirant de cette définition de l’intégration, il convenait ensuite de définir les éléments à intégrer dans le cas d’étude qui nous occupe, à savoir les zones d’activités économiques, ellesmêmes outils des politiques de développement économique pour l’action publique territoriale. Les terrains d’étude ont joué en la matière un rôle d’inspiration pour définir les éléments à prendre en compte dans cette grille de lecture, et des espaces d’expérimentation de celle-ci. 3 Les axes de la grille de lecture
La multiplicité des enjeux territoriaux : prédominance et complexité des enjeux économiques et place croissante du « développement durable »
Prédominance et complexité des enjeux économiques Le propos consiste d’abord à démontrer la pertinence de se centrer sur les enjeux de développement économique aujourd’hui prédominants dans l’action publique nationale et territoriale tout en mettant en avant leur imbrication croissante avec d’autres types d’enjeux territoriaux. Comme l’affirme C. GUY52, les politiques d’aménagement du territoire ont glissé d’une préoccupation sécuritaire et de défense (construire l’unité du territoire national et sa défense) à des enjeux économiques dominants ce qui signifie qu’ils imprègnent de plus en plus fortement l’action publique. P. SUBRA conforte cette analyse en mettant en lumière plusieurs exemples d’aménagements 49 KALAORA B, « Global expert, la religion des mots », in Ethnologie française, n°XXIX, n°4, 1999, p.517. 50 Déclaration de Stockholm, principe n°13 : « afin de rationaliser la gestion des ressources et ainsi améliorer l’environnement, les Etats devraient adopter une conception intégrée et coordonnée de leur planification du développement », www.unep.org. 51 LOZACHMEUR O, (docteur en droit public, faculté de droit de Nantes, chargé d’études INEA), « Le concept de gestion intégrée des zones côtières en droit international communautaire et national », in Droit maritime français, mars 2005. L’article s’appuie sur la thèse de A.H Mesnard, novembre 2004. 52 GUY C, Aménager les territoires, de la loi au contrat, Ed. Presses Universitaires de rennes, coll. DIDACT, 2008 43 économiques dans la typologie des aménagements qu’il propose: l’aménagement convoité et l’aménagement menacé peuvent être très liés à des aménagements économiques. Dans le cas de l’aménagement menacé, la mobilisation citoyenne est dans plusieurs cas celle liée à la lutte contre des fermetures d’usines / d’entreprises. Dans le cas de l’aménagement convoité, P. SUBRA pointe du doigt les méthodes de séduction employées par les territoires pour être plus attractifs que les autres. Il lie donc fortement les enjeux d’attractivité et les conflits issus de l’aménagement convoité. J. BONNET et C. BROGGIO parlent du renforcement de l’importance des facteurs extra-économiques comme facteurs d’implantation d’une entreprise sur un territoire : facteurs immatériels et actifs territoriaux tels que cadre et qualité de vie (pollutions, risques, nuisances, aménités), équipements et services présents sur le territoire. Ils lient ainsi fortement les enjeux de compétitivité qui se traduiraient plutôt par des facteurs de réduction de coûts présents dans de nombreuses théories «économiques » (réduction des coûts de transports et des coûts de la main d’œuvre) aux enjeux d’attractivité qui constituent l’ensemble des facteurs extra-capitalistiques et souvent territoriaux pouvant améliorer la performance et la rentabilité de l’entreprise. Il en résulte que du point de vue de l’action publique, l’attractivité est souvent liée à l’image du territoire et donc au marketing territorial, ce que l’on retient du territoire, ce qui le distingue des autres territoires. L’attractivité est donc également liée à la spécificité territoriale. Les enjeux de compétitivité et d’attractivité sont donc étroitement imbriqués. L’approche complémentaire des enjeux de compétitivité et d’attractivité présentée par L. DAVEZIES prône une approche plus globale de l’économie territoriale incluant l’économie productive et d’autres secteurs économiques comme l’économie résidentielle et le tourisme. La grille de lecture proposée est rappelée en synthèse ci-dessous : Modèles d’analyse théorique Nouvelle Economie Géographique (NEG) Théorie de la Base Economique (TBE) Territoire Support de production Support de population Indicateurs PIB, production de richesse Indicateur de revenu, d’emploi et dynamisme démographique Echelle des politiques publiques Politiques publiques nationales Politiques publiques locales Compétitivité : croissance Attractivité : développement Exemple de politique publique Pôles de compétitivité, infrastructures Valorisation du cadre de vie, qualité des équipements et des services, structuration de l’offre touristique La brique de base de l’analyse est l’économie productive. Elle définit le niveau de compétitivité d’un territoire et se mesure par la croissance. Celle-ci est notamment définie par des indicateurs de production de richesse comme le PIB. L’attractivité est de son côté la capacité à attirer les revenus produits par cette économique productive. Ces revenus sont d’une part les salaires, mais également les retraites ou encore les revenus touristiques. Elle conditionne le développement d’un territoire, Fig.0.16 : Rappel des NEG et TBE. 44 c’est-à-dire le niveau et la qualité de vie de la population qui y est présente. On notera que les acteurs publics usent des termes « développement économique », au sens « Davezien » de « croissance », un indicateur de l’économie productive centré sur l’implantation d’entreprises et sa production de richesse sur un territoire. Dans la délibération relative au « nouvel effort pour le développement économique du Vaucluse » (21 novembre 2008), le Conseil général de Vaucluse exclue en effet les thématiques de l’agriculture, du développement rural et du tourisme du « développement économique ». Les territoires gagnants sont, pour L. DAVEZIES, les territoires qui s’intègrent dans un équilibre interrégional compétitivité / attractivité, à défaut de trouver un équilibre infra-régional compétitivité / attractivité : Dans l’hypothèse d’un territoire « spécialisé » en attractivité, il s’agira pour celui-ci d’optimiser les jours de présence sur le territoire : – des touristes, – des retraités à haut niveau de salaire, – des populations actives, qui travaillent ou non sur le territoire. Il s’agit, dans ce cas, de favoriser la consommation, et la création d’une demande locale de services (créatrice d’emplois) et d’équipements. Les territoires où l’enjeu d’attractivité est particulièrement fort se caractérisent par la présence d’activités qui s’implantent pour vendre et pour servir la population. Dans l’hypothèse d’un territoire spécialisé en compétitivité, il s’agira pour celui-ci de créer les conditions d’implantation d’une économie productive (infrastructures numériques et de transports, foncier économique) qui conditionne la création de richesses. Celle-ci est le moteur de la redistribution des revenus, revenus socialisés ou revenus privés. Le positionnement d’un territoire au regard de ces enjeux sera défini par : – la nature et le degré d’articulation entre ces deux types d’enjeux (attractivité et compétitivité) – son positionnement eu égard aux transferts publics de revenus nationaux, – sa fiscalité locale, à savoir le pourcentage des dépenses publiques locales alimenté par les impôts locaux. Cette grille de lecture a toutefois tendance à ignorer l’enjeu d’attractivité dans le sens décrit cidessus, à savoir l’image et la « qualité » du territoire pour l’économie productive, les emplois supérieurs métropolitains ou les étudiants. Par ailleurs, il ne positionne pas le secteur économique agricole sur lequel repose deux pôles de compétitivité des territoires étudiés (Pôle Européen d’Innovation pour les Fruits et Légumes en Avignon et le Pôle Industrie et Agro-ressources sur les régions Champagne-Ardenne et Picardie). Viser le développement économique territorial consiste à intervenir prioritairement sur les enjeux d’attractivité et de compétitivité du territoire. On peut considérer que, jusqu’à il y a peu, l’enjeu de compétitivité, centré sur la production de richesses de l’économie productive, était dominant dans l’action publique. Au début des années 80, la territorialisation de l’action publique économique a fait émerger plus fortement l’enjeu d’attractivité, qui restait toutefois un facteur de compétitivité. On peut distinguer, depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale, trois phases pour caractériser l’action publique en matière de compétitivité. Entre 1945 et 1975, l’action publique est essentiellement le fait de l’Etat. Elle consiste surtout en l’accompagnement des délocalisations des entreprises internes à l’hexagone. La période se caractérise par un volontarisme politique fort et centralisé, comme en témoigne la création de la 45 DATAR en 1963. La politique de « développement économique » des années 60 est marquée par une culture industrielle forte, qui se traduit par la création de pôles industriels importants comme celui de Dunkerque en 1964 ou celui de Fos sur Mer en 1969. P. SUBRA parle pour cette période de « l’ingénieur-roi ». On pourrait en conséquence qualifier l’action publique de cette période de capitalisme d’Etat. A partir de 1975, l’Etat doit faire face à la crise du fordisme qui est en réalité celle des ouvriers spécialisés. La France perd, à compter de cette période, nombre de ses centres de décision. Parallèlement on constate une dilution de la culture industrielle et une prise de conscience écologique qui se traduit notamment par la création du parti des Verts en 1974. Un autre pan culturel du développement économique émerge à cette période, qui est celui des ingénieurs financiers au détriment des ingénieurs de production. Au début des années 80, avec la décentralisation (à partir de 1982), les collectivités territoriales prennent le relais de l’Etat en matière d’action publique. Dans les modes de fonctionnement des entreprises, on constate un développement de l’environnement tertiaire des entreprises, qui accroît le rôle de l’ancrage territorial de celle-ci et fait émerger l’importance de l’efficience territoriale et de la notion d’attractivité d’un territoire. De même on peut constater une porosité de plus en plus grande entre les facteurs économiques et non économiques (ou externalités) de performance pour une entreprise. Citons par exemple l’importance de la créativité d’une personne, de la motivation d’une équipe ou plus globalement de l’image de l’entreprise. Cette évolution n’est pas complètement nouvelle puisqu’elle trouve ses racines dans les démarches de management de qualité des entreprises américaines, comme avaient pu en conduire les entreprises Bell (téléphonie) dès 1924. Nous sommes donc passés d’une action publique très centralisée et fortement centrée sur le secteur industriel et sur l’enjeu de compétitivité à une action publique décentralisée, mettant en avant le rôle des externalités telles que les aménités et les services existants sur un territoire, valorisant l’attractivité de celui-ci. Il en ressort donc que nombre de politiques publiques même si elles ne relèvent pas directement du « développement économique », ont un enjeu de compétitivité et d’attractivité pour le territoire.
I INTRODUCTION |