UN VASTE PROJET URBAIN DONT LES PREMIERES ETUDES REMONTENT A LA FIN DES ANNEES 1970
L’APUR a consacré en 1990 un numéro entier de sa revue Paris Projet { l’aménagement du secteur appelé alors « Seine rive gauche », et connu aujourd’hui sous le nom « Paris Rive Gauche ». Ce numéro décrit ce territoire dans son état initial et relate les premières études réalisées avant la création de la ZAC en 1991. C’est { partir de ces informations que nous avons rédigé un historique succinct de la genèse de l’opération « Paris Rive Gauche ». Le déroulement du projet depuis la création de la ZAC en 1991 et le calendrier des réalisations sont présentés en détails sur le site internet dédié au projet28 .
LES PREMIERES ETUDES
Dès le début des années 1970, la Ville de Paris souhaite aménager les secteurs de Bercy et de Tolbiac, les intégrer à une politique de développement globale de la capitale et même l’inscrire dans une stratégie de développement régional. A cette époque, les documents d’urbanisme prévoient un avenir bien différent aux deux rives de la Seine : du côté de Bercy, de grands équipements étaient projetés, tels que le ministère des finances, le palais omnisports et l’aménagement d’un grand parc, alors que la mutation des activités sur la Rive Gauche n’est que partiellement envisagée. En perspective de l’exposition universelle de 1989, il est envisagé de libérer de l’espace sur la rive gauche en déplaçant la gare de marchandises de Tolbiac. Cependant le projet d’exposition est abandonné en 1983 par l’Etat, certains terrains ne pouvant être libérés suffisamment rapidement. Quelques années plus tard, le site fait { nouveau l’objet d’études en vue des Jeux Olympiques de 1992. La candidature parisienne échoue, mais la cession des terrains de la gare de Tolbiac de la SNCF à la Ville de Paris est confirmée en 1986. L’année suivante, le périmètre considéré dans les études est élargi. Il concerne dorénavant la zone comprise entre les voies ferrées, la Seine et le boulevard Masséna. L’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) qui est chargé des études urbaines pour la mutation de ce secteur parisien fait le choix d’une procédure de conception ouverte : la consultation. Les différents concepteurs prenant part à la consultation ont pour mission de dessiner un « plan de ville » comme « réponse générale aux questions de fonctionnement et de faisabilité » (APUR, 1990, p. 13) et de faire une proposition paysagère. Plusieurs consultations ont été organisées permettant la définition de grands principes d’aménagement, dont « le percement d’une grande voie publique longitudinale entre les quais et les faisceaux ferrés » (APUR, 1990, p. 89). C’est donc la constitution d’une « vision » future du territoire qui est demandée, comprenant les grandes lignes d’une organisation globale de tracés et de paysage, de manière { laisser une liberté d’interprétation aux concepteurs des projets partiels qui se succèderont. Une première consultation a été organisée en 1987, elle concerne les terrains compris entre la Seine et les voies ferrées. En 1988, une deuxième consultation est organisée et cette fois-ci la zone d’étude comprend désormais la surface des voies ferrées. Plusieurs esquisses de projet étaient proposées par l’APUR présentant déj{ des hypothèses communes : « l’affirmation de la dimension de l’aménagement le long de la Seine, le percement d’une grande voie publique longitudinale entre les quais et les faisceaux ferrés, la multiplication des voies et espaces libres, en profondeur des quartiers et ouvrant sur le fleuve » (APUR, 1990, p. 89). L’objet de cette deuxième consultation est donc de confirmer ou d’infirmer ces options. Les regards des quatre architectes consultés, bien que différents, tendent { confirmer ces hypothèses. Un groupement propose néanmoins une solution plus radicale, consistant à déplacer la gare d’Austerlitz au-delà du périphérique. Cette possibilité est examinée par la SNCF mais rapidement écartée, l’avantage comparatif du train sur l’avion l’emportant par la desserte en cœur de ville. La SNCF envisage même la possibilité que la gare accueille des TGV, pour compléter les gares de Lyon et de Montparnasse qui devraient rapidement être saturées. La même année, les terrains de l’ancienne gare de Tolbiac ont été proposés pour accueillir la très grande bibliothèque souhaitée par le Président de la République François Mitterrand. En parallèle, plusieurs études sont menées sur les transports en commun. Le tracé de la nouvelle ligne de métro automatique, METEOR29 est défini. Elle desservira Bercy, Tolbiac et le centre du 13ème arrondissement. La gare RER C sera également déplacée de manière à créer une interconnexion avec la ligne METEOR. Enfin, le prolongement de la ligne 10 parallèlement à la Seine est envisagé30. D’autres projets d’équipements publics sont alors projetés : une université, la Cité des Arts Graphiques, le ministère de l’Intérieur, les services de la Région Ile-deFrance. En 1989, la direction de l’aménagement urbain de la Ville de Paris demande { l’architecte de la Grande Bibliothèque, Dominique Perrault son avis sur la composition du futur quartier Tolbiac avoisinant le grand équipement. L’architecte propose alors de constituer un quartier dense ouvert sur la Seine, d’où émergerait l’architecture de la bibliothèque. Une troisième consultation est organisée, questionnant cinq équipes de concepteurs sur leur vision du paysage urbain en intégrant le projet de la Bibliothèque de France, sachant que le tracé des voies était déjà organisé, ainsi que le programme et sa répartition par fonctions. Les principes d’aménagement du secteur Seine Rive Gauche retenus en 1990 sont résumés dans l’extrait du texte de Nathan Starkman de l’Encadré 1
L’ORGANISATION DU PROJET SOUS FORME DE ZAC : PLAN D’AMENAGEMENT DE ZONE (PAZ) ET DECOUPAGE EN SECTEURS
Après l’adoption de grands principes d’aménagement, le projet fait l’objet en 1991 d’une procédure de ZAC (Zone d’Aménagement Concerté). Le Plan d’Aménagement de Zone (PAZ) dont la conception avait officiellement été engagée en juillet 1989 (délibération du Conseil de Paris du 10 juillet 1989) est approuvé en juillet 1991, lors de la création de la ZAC « Paris Seine rive gauche » sur l’emprise de 130 ha identifiée au cours des premières études. Le PAZ comprend la trame viaire principale de l’opération, la hiérarchie des voies, le principe d’organisation des fonctions sur le secteur, qui place les bureaux sur la dalle, le long de la nouvelle avenue et les logements en bord de Seine ou près des quartiers anciens, en plein sol. En revanche la typologie des îlots, leur découpage ne sont pas précisés et seront définis au fur et { mesure de l’avancement du projet par les différents concepteurs. De cette manière, le projet aura la capacité d’évoluer dans le temps et dans l’espace, bien que les contraintes techniques (couverture de voies ferrées en activité) et opérationnelles (calendrier dépendant de la SNCF, équilibre économique de l’opération) soient nombreuses. Ce projet d’aménagement est concédé { la société d’économie mixte la SEMAPA (Société d’Etude, de Maîtrise d’ouvrage d’Aménagement Parisienne) qui a été créée en 1985 L’actionnariat de la SEMAPA était { l’origine détenu {57% par la Ville de Paris, { 20% par la SNCF, { 10% par la RIVP, { 5% par l’Etat, { 5% par la Région Ile-de-France et à 3% par des actionnaires divers (Bourdin & Lenouar, 2001). Avant de prendre en charge l’aménagement du secteur Seine rive gauche, la SEMAPA a conduit plusieurs opérations dans le 13e arrondissement (Lahire, Gandon-Massena, Château-des-Rentiers et Chevaleret-Jeanne-d’arc). La procédure de ZAC adoptée par la Ville de Paris depuis 1991 présente à cette échelle des avantages et des inconvénients. L’un des principaux avantages d’une concession d’aménagement unique est de pouvoir équilibrer le bilan d’aménagement entre le coût des constructions sur dalle et les constructions en pleine terre, moins chères. Cependant, la mutation d’un territoire de 130 ha prend du temps, plusieurs décennies. Si en 1990, on imaginait pouvoir réaliser ce projet en quinze ans, la réalité de 2014, nous montre qu’un temps nettement plus long est nécessaire. Selon les acteurs que nous avons questionnés, l’aménagement du secteur ne sera pas abouti avant 2025, voire 2028. Il est difficile, à si long terme, de prévoir avec précision le contenu des programmes et surtout leur coût. Il est également quasi impossible de maîtriser le calendrier d’une opération sur trente ans. Ainsi, le budget de l’opération a dû être revu { plusieurs reprises, nécessitant le renouvellement de la convention d’aménagement. Ces problématiques liées à la procédure de ZAC nous ont été exposées en ces termes par la Direction de l’urbanisme de la Ville de Paris : « Sur Paris Rive Gauche, on est sur des couvertures de voies ferrées, mais pas partout. Forcément, il y a des secteurs où ça coûte très cher de faire les voiries parce qu’on les fait sur dalle. Il faut réaliser la dalle. Il y a d’autres secteurs où on construit en plein sol et ça coûte beaucoup moins cher. Ça permet quand même de lisser, d’avoir un coût moyen du mètre carré de voirie lissé { l’échelle de la ZAC et pas exorbitant dans certains secteurs et normal dans d’autres. L’effet d’échelle permet de lisser un certain nombre de dépenses et de faire ressortir des coûts corrects, alors que sinon, on verrait le coût de réalisation de la dalle à tel endroit, on ne la ferait pas ! Sauf que c’est compensé ailleurs, parce qu’ailleurs, on construit en pleine terre. Il y a cet effet lissage { l’échelle de la ZAC, mais en contrepartie, on est sur des temporalités très longues, donc des calendriers très mal maîtrisés. Et des budgets difficilement maîtrisables. Sur mon dossier de réalisation, je vais passer des coûts de collèges qui seront réalisés en 2022 ! Au moment où on fera, on verra bien. Déjà, on verra si la Sncf a changé d’avis ou pas, si on peut construire en plein sol ou sinon, il faut bien construire sur dalle. Mais l{, on sait que c’est pour après 2020. Pas avant. Il a fallu qu’on le budgète, qu’on l’inscrive, qu’on mette des mètres carrés de constructibilité. Et ce sera pour après 2020. » (Ville de Paris, Direction de l’urbanisme, le 23/08/2012). L’une des grandes difficultés rencontrées dans la conduite de ce vaste projet est donc sa gestion dans le temps. Obtenir une conception diversifiée mais coordonnée d’un ilot { l’autre de la ZAC est l’objectif de la procédure d’élaboration mise en place par l’aménageur et avant lui par la Ville de Paris et l’APUR. En effet, la définition de la répartition des masses bâties, des cheminements, des places de quartiers et des squares n’a volontairement pas été incluse dans le PAZ. Afin de faciliter la mutation de ce vaste territoire, le choix est fait de le découper en secteurs, sur chacun desquels un architecte est sélectionné pour assurer la coordination de la conception urbaine et architecturale. Chaque architecte-coordinateur a pour mission de définir les grands principes de composition urbaine du secteur, c’est-à-dire la hauteur et la typologie des immeubles, les matériaux de façades à privilégier ou à proscrire, la largeur des voies, etc. (“Paris Rive Gauche: une opération unique en France,” 2002). Ces grands principes doivent être respectés par les preneurs de lots et les architectes qui conduisent les opérations immobilières sur les terrains viabilisés par l’aménageur. Selon l’analyse critique de Donatien Senly, par cette manière de faire, l’aménageur espère « reproduire les caractéristiques spatiales qui ont résulté d’une urbanisation multiséculaire, de copier la diversité des villes anciennes par un montage d’urbanisme opérationnel » (Senly, 1999, p. 25). Les huit secteurs d’aménagement et les noms des architectes-coordinateurs sont représentés sur la Figure 16.