Un système économique de type capitaliste (1995 – 2003)
L’année 1995 marque le retour du Viêt-nam au sein de la communauté internationale avec son adhésion à l’association des nations du sud est asiatique (ANSEA le 25/07/1995) et à l’AFTA, la zone de libre-échange de l’ANSEA. Dans le cadre du projet d’assainissement et de renforcement du secteur étatique, après le recensement et la restructuration des entreprises étatiques depuis 1990, le programme d’actionnarisation (qui avait démarré par une phase pilote en 1992) prend de l’ampleur tant en termes de quantité qu’en termes de répartition géographique à partir de 1998. L’actionnarisation des anciennes entreprises étatiques figure dans la politique de réforme économique. Un plan détaillé par année avec des listes d’entreprises, relevant de différents échelons (local ou central) susceptibles d’être soumises au processus d’actionnarisation est élaboré (selon les décrets n°28-CP (07/051998) et n° 44/1998-CP (29/06/1998) sur l’actionnarisation des SOE). 5.4.1. Les différentes formes d’entreprise Avant de continuer, il nous semble utile de récapituler les différents statuts d’entreprise ou société qui sont apparus entre 1976 et 1995 et les corpus législatifs qui les régissent. Nous voulons proposer dans le tableau suivant (5.21.) une synthèse des différentes formes d’entreprise ou d’entité économique qui ont été créées tout au long du processus de la transition entre 1976 et 1995. La synthèse que nous présentons dans ce tableau est élaborée à partir du droit des entreprises. Il existe certes des catégorisations plus hétéroclites dans les statistiques nationales, mais les références de classification n’y sont pas faciles à discerner. Dans ce travail, nous sommes en permanence dans l’obligation de faire des rapprochements de logique pour essayer de comprendre les statistiques publiées par la direction nationale des statistiques de la RSVN.
Le renforcement du secteur étatique selon les règles du marché
Dans le système d’économie centralisée et planifiée, les sociétés d’Etat n’avaient pas un statut juridique indépendant. Les sociétés d’État appartenaient à un patrimoine collectif, l’État, dont on a du mal à identifier le propriétaire. Avant 1995, le concept même d’entreprise étatique était flou. Il n’en existait pas réellement de définition juridique. Cette appellation évoque une définition implicite selon laquelle une entreprise étatique est financée, gérée par l’État. Cette définition était tout à fait tautologique car, sous l’ancien système, il n’existait presque pas d’autres formes d’entreprises n’ayant pas de participation de l’État, si ce n’étaient des entités de production agricole artisanale ou agricole. Toutefois, la nouvelle loi sur les entreprises d’Etat (n°39-L/CTN le 29/4/1995) fournit une définition qui n’apporte guère plus d’éclairage (cf. tableau 5.21, article 1, Loi sur les entreprises d’État, 1995). Tout processus de transition dans les anciens pays communistes est marqué par deux stratégies contradictoires en ce qui concerne la restructuration du secteur d’État.
La généralisation des « actionnarisations » des entreprises étatiques
Comme l’actionnarisation au Vietnam concerne particulièrement les anciennes entreprises étatiques, il est nécessaire de revenir sur cette appellation. Le signifiant compagnie étatique, entreprise d’Etat existait auparavant et continue d’exister ; il n’a pas le même sens avec les changements du contexte socio-politico-économique et juridique. 386 En dépit de définitions juridiques apparemment explicites, la réalité vietnamienne est loin de s’y conformer. Pour illustrer nos propos, nous reprenons la métaphore d’un responsable des affaires économiques de Ho Chi Minh Villeau sujet des sociétés d’État : « Une société d’État au Vietnam a au moins quatre ou cinq mères. L’une l’ordonne de foncer, les trois autres appuient sur les freins. »(un fonctionnaire du service de gestion des actifs de l’État) En bref, la question est de savoir qui dirige qui et qui gère qui et/ou quoi. La délimitation des droits et des devoirs de chaque acteur est un processus long et périlleux car il ne consiste pas à créer des lois mais à remodeler le comportement des gens vis-à-vis des lois. Ces sociétés d’État sont classées (selon une directive n° 20/1998 du premier ministre) en trois groupes : – Le premier groupe comprend les entreprises considérées comme stratégiques dont la propriété doit demeurer à 100% dans les mains de l’État et qui ne sont pas concernées par le programme d’actionnarisation ; elles comprennent les entreprises « d’utilité publique » à capital supérieur de 10 milliards de dôngs (soit l’équivalent, selon la parité de change en 1998, de 800.000 USD), les entreprises d’extraction de minerais rares, les entreprises du secteur pétrolier et gazier, l’industrie chimique et pharmaceutique, la production industrielle de l’électricité, les télécommunications, les transports, les banques d’investissement, etc. ; – Le deuxième groupe comprend les entreprises qui peuvent être actionnarisées ou transformées en sociétés par actions selon la nouvelle loi sur les sociétés privées ; – Le troisième comprend les entreprises irrécupérables, car fonctionnant à perte depuis plus de deux ans, endettées vis-à-vis des banques et de l’État, et incapables de fonctionner efficacement ; celles-ci seront mises en faillite.