Un système concerté de mobilisation des ressources financières
Dakar en quelques mots
Avec ses 2 428 155 habitants et un taux de croissance urbaine annuel de 2.5%, la ville concentre un quart de la population du pays, soit un sénégalais sur cinq. Région la plus densément peuplée avec 4 147 habitants au km², elle dispose d’un taux d’urbanisation de 97.2%, soit plus du double de la moyenne nationale (41%). Si les effets de cette urbanisation constituent des opportunités de développement et un vivier d’énergies pour l’innovation, ils hypothèquent aujourd’hui l’avenir du territoire : explosion démographique, pauvreté, chômage des jeunes, occupation anarchique de l’espace, mobilité erratique, dégradation des équipements et de l’environnement8 .Les conséquences de cette urbanisation mettent donc les ressources de la Ville sous pression, limitent sa productivité et son attractivité économiques (108 milliards de FCFA seraient perdus chaque année en raison des pertes de temps générées par les problèmes d’engorgement, selon les estimations de la Banque Mondiale9 ) et accroissent les tensions sociales et les inégalités.
Quelles ressources et quel pouvoir fiscal pour Dakar ?
Le découpage administratif définit deux échelons de gouvernance et de gestion du territoire : la Ville de Dakar et les communes d’arrondissement, au nombre de dix-neuf. L’existence de ces dernières a été consacrée par la réforme institutionnelle de 1996. La Ville de Dakar dispose des ressources qui reviennent aux collectivités locales de droit commun, à l’exception de celles spécifiées dans l’article 23 du décret d’application de la loi de 199610 , attribuées aux communes d’arrondissement. La Ville de Dakar, à l’instar des collectivités locales sénégalaises, dispose d’un pouvoir fiscal limité. Le pouvoir fiscal s’entend comme la capacité de décider du niveau de ses recettes11, en disposant notamment de l’aptitude à établir l’assiette et à fixer les taux de la fiscalité locale. Ces deux compétences sont assurées par la Direction Générale des Impôts et du Domaine (DGID), et le recouvrement par la Direction du Trésor. La Ville de Dakar dispose cependant de la gestion directe de la taxe de publicité, l’administration des autres taxes municipales ayant été confiée aux communes d’arrondissement après la réforme institutionnelle de 1996. Elle en établit l’assiette et les taux, tandis que le recouvrement est confié au service de la Recette Perception Municipale (RPM), structure composée à la fois d’agents du Trésor et de la Ville de Dakar. La taxe municipale constitue donc le seul espace d’autonomie fiscale dont bénéficie la municipalité. La Ville a, en outre, la pleine latitude de déterminer l’assiette des différents produits, droits et redevances municipales, recettes non fiscales qui sont, elles aussi, recouvrées par la RPM. Le produit de la fiscalité locale occupe une part majeure du budget de la Ville de Dakar. Lors des prévisions pour l’exercice 2013, sa part était estimée à 82 % dans les recettes de fonctionnement (figure 5) et elle est estimée en moyenne à 90% par les techniciens de la Ville. De même, elle alimente près de 41% des investissements qu’elle déploie (figure 6), les économies sur les dépenses de fonctionnement (Recettes de fonctionnement soustraites par les dépenses de fonctionnement) étant en effet abondées majoritairement par la fiscalité locale.
Constituer des équipes mixtes pour augmenter les capacités des services déconcentrés de l’Etat
Trois étapes ont présidé à l’affirmation du volontarisme politique de la Ville de Dakar en matière fiscale. Agir pour un renforcement structurel et fonctionnel – En 1994, la Ville de Dakar institue la Recette Municipale, structure conçue pour appuyer la Direction du Trésor et influencer l’amélioration sensible de ses recettes fiscales. Cette collaboration a consisté en la mise à disposition d’agents communaux, rémunérés par la municipalité, afin d’assister les services du Trésor public dans leurs missions de recouvrement. Cette équipe mixte, rebaptisée Recette Perception Municipale (RPM), est aujourd’hui constituée par 3 agents de l’Etat – le receveur, le régisseur et son adjoint – le reste de l’effectif étant composé par les agents de la commune. Auparavant, le recouvrement se faisait au niveau des différents postes comptables du Trésor. En décentralisant le recouvrement des impôts locaux au niveau de la RPM, les autorités centrales ont permis un meilleur suivi du recouvrement et une amélioration des recettes collectées. La Direction des 27 Impôts transmet annuellement l’ensemble des émissions de rôles à la RPM qui, après traitement, procède au recouvrement. Ce dispositif a également permis à la Ville d’avoir un interlocuteur unique en matière de recouvrement fiscal. La structure est sous la tutelle du Ministère des Finances, le receveur, lui-même agent du Ministère des Finances, reçoit les rôles d’impôt, procède à leur toilettage et à leur recouvrement. Agir sur la gestion du recouvrement – Ce dispositif a ensuite été renforcé par la mise en place, en 2009, d’une campagne de mobilisation spécifique, baptisée en interne « Opération coup de poing », renouvelée à deux reprises en 2010 et 2011. La Ville a ainsi déployé des moyens importants pour assister la RPM dans la distribution des avertissements, commandements et paiement des impôts locaux. Cette initiative est passée par la mise à disposition de 100 agents communaux tous assermentés et entièrement pris en charge par la commune, pour appuyer la RPM dans son entreprise de recouvrement (primes, véhicule, carburant, confection de tee-shirt et de badges, etc.). Le coût de cette intervention a fait l’objet d’une évaluation préalable. Les effectifs affectés à ce dispositif représentent la plus grande part du coût de collecte, leur prise en charge pendant deux mois pleins étant en effet très importante selon les services techniques de la Ville. Ces opérations ont porté essentiellement sur la Contribution Foncière sur les Propriétés Bâties (CFPB), la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM), et la Contribution des patentes. Les facteurs qui ont motivé ces choix sont la faiblesse des taux de recouvrement constatés auparavant sur ces différents impôts locaux, la fiabilité insuffisante des rôles résultant de petites cotes ou de cotes irrécouvrables, l’absence de recensement annuel, et le renseignement laborieux des adresses des différents contribuables. Si ces résultats n’ont pas été suivi par une variation abrupte des taux de recouvrement (figure 6), comme cela a été observé par exemple entre 2000 et 2005 où le budget de la Ville a connu une hausse de plus de 100% (passé de 10 936 436 982 à 24 821 000 FCFA), les équipes techniques de la Ville jugent ces mesures relativement efficaces.