Un retour au fleuve : étude de cas en Amérique du Nord
La Nouvelle-Orléans, une ville façonnée par l’eau
Histoire du développement fluvial de N-O La ville de la Nouvelle-Orléans est fondée en 1718 par le colon Jean-Baptiste, sieur de Bienville dans un méandre du Mississippi. Cet emplacement en forme de croissant, qui lui donnera le surnom de Crescent City, est choisi selon les conseils des Amérindiens qui le considéraient comme un carrefour très utile entre voies terrestres et maritimes. Ce sont les indiens Choctaw qui menèrent les français à ce méandre du Mississippi dont ils se servaient comme port temporaire (Campanella, 2002). La ville est ainsi nommée en hommage à Philippe duc d’Orléans, régent de France, et restera possession française jusqu’en 1763 où elle est cédée à l’Espagne. La ville retourne dans le giron français en 1800 avant d’être à nouveau vendue, aux Etats-Unis, par Napoléon Bonaparte en 1803. La ville est construite sur les levées naturelles du Mississippi et selon les plans en damiers symétriques propres aux villes nouvelles américaines. Les plans furent élaborés par Adrien de Pauger qui estimait que la taille devait être de 88 hectares découpés en 66 îlots avec une place centrale où se trouvait l’église, qui deviendra la cathédrale St Louis, la maison du gouverneur et des casernes. Les quais étaient également aménagés autour de magasins, d’un hôpital et du couvent des Ursulines. Les travaux de construction de la ville furent très longs en raison du climat, du manque de main d’œuvre, des épidémies et de la forte présence de moustiques.
L’eau, un risque constant mais également une opportunité : l’exemple de Katrina
La ville de la Nouvelle-Orléans, bâtie dans l’un des méandres du Mississippi, est naturellement une zone à risque pour les inondations. De plus, sa localisation dans le golfe du Mexique la rend très vulnérable aux ouragans saisonniers qui passent dans la région. A cela, s’ajoute la configuration actuelle de la ville qui se présente sous la forme d’une cuvette et où les « bords » ont été surélevés artificiellement par la création de levées le long du lac Pontchartrain et des rives du Mississippi. Cette configuration engendre une stagnation des eaux à l’intérieur de la ville qui ne peut être par la suite évacuée que par drainage. La construction de ces levées s’est faite dans l’objectif d’ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation, ce qui entraine une consommation plus 26 importante de l’espace en zones inondables, servant auparavant de zones tampons aux ondes de tempêtes. Ainsi la mise en place de ces infrastructures devant protéger la population des risques naturels a eu l’effet inverse de celui qui était escompté. En effet, cela a exposé les riverains à un risque accru d’inondation en raison de la stagnation de l’eau et a considérablement réduit les défenses naturelles de la ville (Maret-Thomas Cadoul, 2008). La destruction des défenses naturelles de la ville est renforcée par la construction de canaux de navigation et d’adduction de pétrole et de gaz, détruisant les marais à l’est de la ville. Ces marais avaient une fonction de barrières naturelles protégeant la ville contre les ondes de tempêtes venant du golfe du Mexique (Campanella, 2002). La Nouvelle Orléans étant une ville portuaire, sa prospérité dépend avant tout de la navigation. Cependant, la navigation moderne entraine la nécessité du libre passage de très gros bateaux. Il est donc nécessaire que le Mississippi soit toujours au plus haut pour supporter ces bateaux. Afin d’obtenir ce résultat, il faut que les digues entourant la ville soient étanches mais cela empêche également l’apport alluvial de maintenir la ville à un niveau viable. Pour cela, il faut que la ville soit protégée de la mer par une bande côtière large et consistante. Or la bande côtière de la Nouvelle Orléans a perdu un quart de sa superficie en 20 ans. Ainsi, la prospérité urbaine sape les bases même de la fondation et du développement de la ville. (Jean-Samuel Bordreuil, 2009 dans Retour sur la ville émergente).