Un régime juridique de responsabilité trop étroit pour les ordonnateurs des collectivités locales
Un des problèmes les plus délicats à aborder et à essayer de résoudre dans la gestion des finances publiques, non sans rapport avec la crise frappant actuellement cette gestion, est celui du régime de responsabilité des gestionnaires publics.
La responsabilité personnelle des ordonnateurs des collectivités et des établissements publics appliquant les règles de la comptabilité publique est inexistante en cas de graves anomalies affectant la présentation des comptes.
De manière plus générale, les sanctions personnelles et financières, sous la forme de peines d’amendes, prévues par les articles L 313-1 à L 313-14 du code des juridictions financières, réprimant les infractions aux règles de gestion financière des administrations de l’Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics, ne s’appliquent pas, ordinairement, aux ordonnateurs qui ont la qualité de membres du Gouvernement, ou de membres élus de l’exécutif d’une collectivité locale.
Ceux-ci ne sont personnellement sanctionnables que par exception, lorsqu’ils ont agi dans des fonctions qui ne sont pas l’accessoire obligé de leur mandat gouvernemental ou électif, ou lorsque leur inaction a fait condamner leur administration, leur collectivité, ou leur établissement à des astreintes judiciaires ou administratives pour inexécution d’une décision de justice, ou lorsqu’ils ont engagé leur propre responsabilité à l’occasion d’un ordre de réquisition du comptable public accordant, ou tentant d’accorder à autrui un avantage injustifié.
Le projet de loi portant réforme des juridictions financières, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2009, tentait de supprimer cette différence de traitement de la responsabilité des ordonnateurs selon leur statut. Dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, il était notamment affirmé que : « Force est de constater que si la LOLF a octroyé aux gestionnaires des marges de manœuvre plus importantes, les mécanismes de mise en jeu de leur responsabilité n’ont pas évolué et restent largement en-deçà des attentes. Le mécanisme de sanction des irrégularités et des fautes de gestion devant la Cour de discipline budgétaire et financière – mécanisme pourtant original et adapté aux spécificités de la gestion publique – est singulièrement limité. Aussi, l’alternative joue-t-elle actuellement entre l’absence de sanction, inacceptable pour nos concitoyens, ou la sanction pénale, souvent disproportionnée ». source: clicours.com
Le projet de loi proposait donc d’étendre le régime commun de responsabilité des ordonnateurs, prévu par les articles précités du code des juridictions financières, à tous les ordonnateurs de l’Etat et des collectivités locales, en adoptant le principe suivant : tout gestionnaire, quel que soit son statut, bénéficie d’une plus grande liberté de gestion, mais à cette liberté doit correspondre une responsabilité réellement sanctionnable sur le plan personnel.
Ces dispositions n’ont, depuis, jamais pu être examinées par le Parlement. La gestion des finances publiques, et celle des finances locales en particulier, se trouve ainsi privée d’un mécanisme de sanction, qui serait le bienvenu dans la période de crise actuelle, où l’attente d’un comportement exemplaire de la part de tous les gestionnaires se fait encore plus présente.