Un régime impérial propice à une accentuation du lien d’obédience politique du ministre des Affaires étrangères envers l’Empereur
Avec un pouvoir législatif effacé, Napoléon III s’impose comme le maître absolu du jeu diplomatique, sinon tout au long de son règne, du moins jusqu’à la veille de sa chute en 1870. Sous la République, il avait parfois accepté d’associer ses ministres à l’élaboration de Affaires étrangères que la France ait connus (…) » (In « LAMARTINE, Alphonse-Marie-Louis, de », in Dictionnaire des ministres des Affaires étrangères, Op. cit., p. 325). Il faut reconnaître avec cet éminent historien que celui qui, en sa qualité d’ « homme social » se défend de verser dans le « ministérialisme » [OLBACH (L.), La France parlementaire (1834-1851) : œuvres oratoires et écrits politiques par Alphonse de LAMARTINE, Tome II, « Lettre aux électeurs de Bergues du 16 octobre 1837 », Éd. A. LACROIX, VERBOECKHOVEN et Cie, Paris, Bruxelles, Leipzig et Livourne, 1864, pp. 1-2] avait une pratique peu académique pour entretenir des relations avec l’étranger ou même avec ses propres agents. Ainsi, pour LAMARTINE, la diplomatie devait se faire par voie d’incantation et non par écrit: « [o]n ne rédige pas des instructions, a-t-il écrit, en période de Révolution » (Cité par M. Jean BAILLOU in Les Affaires étrangères et le Corps diplomatique français, Tome I, Op. cit., p. 677). Or, cette technique n’était pas pour faciliter une action diplomatique harmonieuse entre l’administration centrale et les services extérieurs car les instructions orales étant par nature, incontrôlables, leur mise en œuvre relevait de l’interprétation plus que de l’exécution formelle. Selon M. Jean BAILLOU la nature imprécise de LAMARTINE se réfléchissait même dans les bases juridiques sur laquelle il appuyait l’action du Ministère. Ainsi, les diplomates devaient-ils se référer à une circulaire du 2 mars relative aux agents diplomatiques complétée le 4 ou 6 mars par un « texte [non] daté » souligne l’auteur (Ibid.). Il semble que le texte auquel M. Jean BAILLOU fasse référence soit celui du 4 mars 1848 connu sous l’appellation de « Manifeste aux puissances, circulaire du ministre des Affaires étrangères aux agents diplomatiques de la République française » (reproduit en Annexe I, texte 63). Il semble, en effet, que ce fut là l’essentiel du jeu d’instructions de LAMARTINE a destination des chefs de poste (Voir Annexe I, texte 64). Mais, comme il a été précédemment souligné, dès lors que le ministre des Affaires étrangères entendait réserver à l’administration centrale les activités de négociation et ramener les diplomates au rang de simples informateurs, on comprend mieux son désintérêt manifeste pour la correspondance diplomatique, qui reste pourtant la mission historique de son département. des plus fervents sympathisants du régime, le duc Victor de PERSIGNY qui non content d’avoir désavoué le choix d’Eugénie comme impératrice, confia dans une note adressée en 1867 à Louis-Napoléon ses inquiétudes quant à « l’innovation faite en faveur de l’Impératrice, d’appeler la femme du souverain dans le conseil des ministres. Il y a là, insiste t-il un sujet de sérieuses réflexions » (in Mémoires du duc DE PERSIGNY, Publiés avec des documents inédits, un avant-propos et un épilogue par M. H. DE LAIRE, Comte d’ESPAGNY, Éd. Plon, Nourrit et Cie, 2e éd., Paris, 1896, p. 394). On pourra juger des propos tour à tour alarmistes et critiques du duc à l’égard de l’Impératrice en se reportant à l’extrait de cette note reproduite en Annexe I (texte 66). La présence de l’Impératrice au Conseil des ministres y est dépeinte comme étant à la fois source de faiblesse pour la France aux yeux du Monde mais aussi, une cause de paralysie pour l’action gouvernementale en tant qu’elle priverait les ministres du « courage, mis à une pareille épreuve, [de] dire la vérité, sans crainte de se heurter à l’une ou l’autre des deux volontés » (Op. cit., p. 395).
Ce « Prince du hasard » comme l’appelle TOCQUEVILLE1533 espère secrètement satisfaits »1534. Toutefois, le choix d’une politique de guerre amènerait Louis-Napoléon à renoncer au rang que les cours européennes avaient daigné lui consentir sous la Seconde République. Il l’avait obtenu en contrepartie de la promesse d’une paix continentale durable. Manifestement son désir de fonder une puissante dynastie européenne est incompatible avec son projet expansionniste1535. Il sollicite, alors, l’arbitrage des souverains légitimes et leur propose la tenue d’un congrès à l’image de celui de 1815. S’il avait affaibli l’aura internationale de la France, il avait eu le mérite de pacifier pendant près de quarante ans le continent. La fin de non-recevoir que lui adresse les monarques européens le conduit – à français des Affaires étrangères avait eu le tort de réprouver ouvertement un rapprochement avec l’Italie. Aussi, Napoléon III ne l’informera-t-il de négociations entreprises avec roi Victor-Emmanuel que cinq mois plus tard, à la veille de se rendre à Turin où il doit secrètement entériner les engagements pris au nombre desquels figure son mariage avec la fille du souverain italien. Le ministre des Affaires étrangères se plaint d’avoir été tenu à l’écart d’un évènement aussi déterminant. Imperturbable, Napoléon III « se contentera avec les monarques européens. Il court-circuite également les rapports privilégiés du chef du Département avec les représentants des puissances étrangères qui, selon les usages diplomatiques en vigueur depuis le Moyen Age, adressent prioritairement leur accréditation auprès du ministre. Or, le noyautage de sa compétence par Napoléon III combiné à la nature indécise de ce dernier n’est pas sans exposer la direction de la politique extérieure de la France à l’ingérence des couronnes européennes. « L’Empereur, déplore ainsi a posteriori l’un des ministres des Affaires étrangères, n’ouvrait pas seulement ses audiences privées aux ambassadeurs, il leur créait des facilités de le pénétrer, de l’influencer, de l’engager, de profiter de ses premiers mouvements irréfléchis, en les admettant parmi les familiers de sa cour. Ils étaient de toutes les fêtes, invités à Biarritz, Fontainebleau, Compiègne ; ils avaient le bouton, ils célébraient le génie de l’Empereur.