Un nouveau phénomène le contrat de gestion privée d’un service public
La nature du contrat de gestion privée
Les origines du phénomène Depuis une quinzaine d’années, on constate, au Québec comme ailleurs, que l’État tient de plus en plus compte des facteurs économiques dans le choix de ses moyens d’intervention. Cela s’est généralement traduit par une tendance à la privatisation et à la déréglementation et par une réforme plus ou moins profonde de la fiscalité. Il est par ailleurs frappant de constater que cette tendance est le fait de gouvernements aussi différents idéologiquement que l’Angleterre de Mme Thatcher et la France de M. Mitterand. De même, au Québec, cette tendance très évidente sous le gouvernement « libéral » de M. Bourassa était néanmoins déjà présente sous les gouvernements « sociaux-démocrates » de MM. Lévesque et Johnson. Diverses explications ont été fournies à ce phénomène. Certains ont prétendu que les changements présentés comme des changements fondamentaux de politique sont en fait le résultat d’adaptations graduelles normales à la politique gouvernementale. D’autres, au contraire, y voient la manifestation d’un changement d’orientation idéologique du public ou des élites en faveur d’un plus grand conservatisme économique. D’autres encore pensent qu’il s’agit là du résultat d’une réadaptation parmi les groupes d’intérêt ayant pour effet de modifier l’équilibre politique d’une façon défavorable à l’interventionnisme. D’aucuns croient qu’il faut y voir le résultat d’un apprentissage par les bureaucrates et les politiciens en réponse à la critique et aux avis d’analystes et d’experts. Enfin, certaines personnes veulent qu’il s’agisse là d’une réponse à des facteurs exogènes, en particulier les changements technologiques, les tendances macro-économiques et l’internationalisation des économies domestiques (la « globalisation des marchés»).
Les principales caractéristiques du contrat de gestion privée d’un service public
Ainsi, le contrat de gestion privée d’un service public aura à satisfaire à deux objectifs fondamentaux : accroître l’efficacité de l’organisation administrative de l’État tout en encourageant la participation du milieu. Ces impératifs seront reflétés dans les principales caractéristiques du contrat de gestion privée d’un service public.
L’approche contractuelle
Le choix de l’approche contractuelle en est une première illustration. En effet, dans ses relations avec les particuliers, l’État a toujours la possibilité d’imposer sa volonté au moyen de décisions unilatérales (lois ou règlements). Cependant, dans le cas présent, ce mode d’intervention n’est pas approprié au résultat recherché. En effet, l’État souhaite d’abord rationaliser et rentabiliser son activité et, pour ce faire, il veut obtenir la collaboration du secteur privé. Cette collaboration sera d’autant plus efficace qu’elle se fera sur une base volontaire, c’est-à-dire au moyen d’un contrat plutôt que par une loi ou un règlement. Par ailleurs, la technique du contrat s’est révélée être la plus efficace pour organiser les relations au sein du secteur privé. Il serait donc paradoxal que l’État n’utilise pas cette technique dans ses relations avec le secteur privé alors que c’est précisément pour une raison d’efficacité qu’il fait appel à des entrepreneurs privés. D’autre part, l’État souhaite une participation plus grande du milieu. Un recours à la concertation a beaucoup plus de chances d’obtenir cette participation que toute forme de coercition. C’est d’ailleurs en réponse à l’insatisfaction des citoyens devant une intervention législative et réglementaire jugée excessive que l’État recherche une participation plus grande du milieu. Encore là, le recours à l’approche contractuelle s’avère le seul susceptible d’obtenir le résultat souhaité. La présence à l’acte de l’Administration fait du contrat de gestion privée d’un service public un «contrat administratif». Cependant, contrairement à certains droits, dont le droit français, le droit québécois ne connaît pas de régime particulier pour le «contrat administratif»7 . Le contrat de gestion privée d’un service public est donc avant tout un contrat, c’est-à-dire « un acte juridique bilatéral créateur d’obligations8 ». Cet aspect bilatéral et consensuel de l’acte juridique sera fondamental pour pouvoir parler de contrat de gestion privée d’un service public. C’est lui qui permettra de reconnaître le même concept sous les différents noms que lui donneront les parties.