Les deux isotopes de l’hélium ont des propriétés macroscopiques très particulières à basse température largement étudiées depuis la découverte de la superfluidité de l’hélium-4 dans les années 30. De plus, l’hélium-3 étant un fermion (spin nucléaire I = 1/2) et l’hélium-4 un boson (I = 0), ils ne sont pas régis par les mêmes lois de statistique quantique. Leurs propriétés peuvent ainsi différer de façon spectaculaire (température de superfluidité, diagramme de phase, …). Depuis un peu plus d’une décennie, un nouvel état de l’hélium est venu enrichir la famille des fluides quantiques : l’hélium-3 nucléairement polarisé, le taux de polarisation M (-1 ≤ M ≤ 1) des spins nucléaires pouvant être considéré comme une nouvelle grandeur thermodynamique pour ce fluide. Depuis le premier congrès consacré aux systèmes quantiques de spins polarisés (« Spins Polarized Quantum System », J. Physique Coll. 41, (1980)) à Aussois en 1980, la recherche sur l’hélium-3 polarisé à basse température s’est beaucoup enrichie grâce au travail de plusieurs équipes tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Ces développements ont été rendu possibles par les progrès des méthodes de polarisation des spins nucléaires de l’hélium-3.
La méthode la plus couramment utilisée pour polariser l’hélium-3 est celle dite « brute force », consistant à placer l’échantillon dans un champ magnétique intense à basse température. Ce procédé n’est efficace que pour l’hélium-3 solide (M ~ 70% à une température de 10mK dans un champ magnétique de 7T et sous une pression de 36atm ) ou en solution dans l’hélium-4. Suite à une suggestion de Castaing et Nozières [Castaing et al, 79], une rapide décompression du solide polarisé permet de fabriquer transitoirement de l’hélium-3 liquide polarisé. Des phénomènes très variés ont ainsi été étudiés, comme le diagramme d’équilibre solide/liquide ou la viscosité dans l’hélium-3 liquide ou en solution dans de l’hélium-4 superfluide (voir par exemple le compte-rendu de la troisième conférence « Spin Polarized Quantum Systems » à Turin en 1988 [Stringari, 89]).
Le principe du pompage optique inventé par Kastler a été appliqué au cas de l’hélium par [Colegrove et al., 63], le pompage optique ayant lieu à partir d’un niveau métastable. Notre équipe à l’ENS s’est alors attachée à développer une technique permettant de porter à basse température des échantillons d’hélium-3 polarisés à température ambiante par pompage optique. Certaines propriétés de transport ont été étudiées dans le gaz (ondes de spin [Tastevin, 87], conduction de la chaleur [Larat et al., 90]). D’autres expériences sont menées actuellement : étude du diagramme d’équilibre liquide/gaz de l’hélium-3 pur ; étude des solutions diluées d’hélium-3 dans l’hélium-4 ; extension de la gamme de température accessible par la construction d’un cryostat amagnétique, permettant ainsi de porter le liquide à une température inférieure à la température de Fermi (régime dégénéré).
Notons que l’intérêt de l’hélium-3 polarisé déborde largement du champ des basses températures. Ainsi, les magnétomètres à hélium sont utilisés pour mesurer de très faibles variations du champ magnétique terrestre ou spatial [Schearer, 85]. Ces magnétomètres fonctionnent à toutes températures, consomment peu d’énergie et sont commercialisés aux Etats-Unis par Texas Instrument. De même, en physique nucléaire l’hélium-3 polarisé à température ambiante est utilisé comme cible pour des expériences de collisions (« scattering ») destinées par exemple à mesurer la fonction d’onde des trois nucléons ou la structure électrique et magnétique du neutron [Woodward, 90]. L’hélium-3 polarisé peut également servir en physique nucléaire de filtre à état de spin du neutron pour polariser des faisceaux de neutron [Coulter et al., 90]. Pour une revue plus détaillé des applications de l’hélium-3 polarisé, se reporter à [Schearer, 85] et [Leduc, 90].
Le but de mon travail a été d’améliorer les conditions du pompage optique de l’hélium pour pouvoir obtenir les fortes polarisations nucléaires nécessaires tant pour les expériences à basses températures en cours au laboratoire que pour les diverses applications de l’hélium polarisé à température ambiante. Pour ce faire, j’ai orienté mes recherches dans deux directions :
* développement d’un laser bien adapté au pompage optique de l’hélium ; il s’agissait ainsi de construire un laser à solide à la fois pratique d’emploi, de forte puissance (plusieurs watts en continu à 1,0803BCm) et possédant des caractéristiques spectrales (longueur d’onde et structure de mode) requises par le pompage optique de l’hélium ;
* amélioration des taux de polarisation nucléaire par pompage optique ; ceci a comporté une étude des polarisations obtenues dans des mélanges hélium-3/hélium-4, avec une extension à ce cas d’un modèle existant rendant compte de la cinétique du pompage dans l’hélium-3 pur [Nacher et al, 85].
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