Un environnement médiatique et informatif offensif qui influence les comportements à suivre (1905-1906)

Un environnement médiatique et informatif offensif qui influence les comportements à suivre (1905-1906)

Pour tenter de répondre à notre questionnement, et sachant que nous manquons de sources précises pour nous rendre compte de l’état d’esprit de la population durant toute la fourchette chronologique choisie, il nous a donc fallu trouver des sources alternatives. Le choix a rapidement été fait de se diriger vers les journaux. Témoignant en partie d’un état d’esprit de la population, le journal nous en apprend plus encore. Il nous informe sur les comportements, les réactions de la population ou encore les réflexions et ordres, insinuées voire carrément dictées par les auteurs aux lecteurs. Au-delà de l’état d’esprit des auteurs journalistes manceaux, l’objectif est alors de reconstituer l’environnement médiatique que la population de nos deux cantons a pu connaître durant les années 1905 et 1906. Environnement qui aurait pu influencer leurs comportements vis à vis de l’application de la loi de séparation. Pour cela, deux journaux furent choisis, un d’obédience républicaine, Le Petit Manceau,et un autre d’opinion plus conservatrice à tendance royaliste Le Nouvelliste de la Sarthe. Il est évidemment nécessaire pour l’historien de prendre du recul sur des propos et des affirmations avancées qui peuvent parfois résulter d’un simple combat idéologique et non pas d’une véritable enquête sourcée. Nous allons ici redonner les principales idées, accusations et jugements portés par le journal que les lecteurs de la période analysée ont pu lire et intégrer à leur mentalité.

Le Petit Manceau : Un discours assuré et moqueur à l’encontre des cléricaux et de l’Église a)

Un parti pris républicain , un net caractère anticlérical et radical Malgré des essais répétés, les républicains ont du mal, au courant du XIX e s a imposer un journal les représentant sur tout le département. En premier lieu, de décembre 1901 à décembre 1906, c’est le journal L’Express de la Sarthe qui va remplir ce rôle représentatif et propagandiste. Cependant, un autre journal prend la relève il s’agit du Le Petit Manceau dit « républicain, progressiste et indépendant ». Le titre est un hebdomadaire dès l’année 1885 avant de devenir un quotidien dès 1906 . Il est, durant cette période, le fer de lance médiatique du mouvement républicain sarthois, d’où la pertinence de notre choix. Il nous est tout d’abord nécessaire de comprendre l’orientation politique claire de ce journal diffusé dans tout le département. A première vue, il est clair que nous avons affaire à un journal de Gauche car on peux lire dans l’en-tête du journal la citation de Léon Gambetta « Le péril est à droite ». Une seconde citation suit cette première « Le cléricalisme, voilà l’ennemi », prononcée par le même élu à la Chambre le 7 mai 1877. Personnage emblématique de la III e République, auquel on accorde aisément en partie le mérite de la continuité du régime républicain, Léon Gambetta fait partie du panthéon de la République française. De convictions très radicales au début des années 1870, les années 1880, avec la mort de son leader, marquent le début de la modération républicaine du mouvement gambettiste Ce dernier se définit dès lors par le mouvement des « opportunistes » au moment des législatives de 1885. C’est justement durant cette année que notre journal est fondé. Il est aussi intéressant de voir qu’en haut à gauche du journal, la date de publication est convertie en calendrier révolutionnaire ; cela démontre une fois de plus une prise de partie républicaine et antimonarchiste. Le caractère républicain du journal est souvent porté au fil des publications. On se rend compte de son rôle propagandiste par l’importance qui est donnée aux informations propres aux mouvements républicains locaux. Le 20 mars 1905, le premier article à l’ordre du jour est la publication d’un vœu de la Fédération des Comités Républicains de la Sarthe concernant le vote de la loi de séparation. Ce dernier espère alors que cette loi soit votée avant « la fin de la session parlementaire ». La peur première est de voir la Séparation passer par un référendum, ce qui obligerait alors le vote à être repoussé après les élections législatives de 1906 et de faire de ce débat le centre de cette élection. Briand est d’ailleurs salué par l’auteur pour avoir contré et montré le danger pour la République de cette méthode d’opposition. Rapidement, on voit que la confiance est grande dans les rangs des républicains. Malgré la tentative des opposants au vote de la loi de reporter la discussion du rapport Briand de quelques jours ; 337 voix contre 243 votent pour son maintien à l’ordre du jour convenu auparavant. Ces 337 voix sont, pour les républicains, la majorité qui sera approximativement prête à voter la Séparation définitive. L’inquiétude dans leurs rangs est donc très mesurée voire quasi absente quant au probable refus de la loi par la majorité de la Chambre. Le 18 décembre 1905 Le Petit Manceau se fait le porte-parole de la Société de Libre Pensée du Mans qui organise une grande fête de la Séparation à laquelle elle convie « tous ses membres, les Sociétés de Libre Pensée, les comités politiques et tous les républicains du département et de la région » . Les sociétés de Libre Pensées rassemblent des individus éclairés qui défendent les valeurs et principes de solidarité, de progrès, de laïcité et de République. Il s’agit encore une fois d’une prise de parti révélatrice du rôle propagandiste républicain radical de notre journal. Néanmoins, malgré tous ces indices, la tendance politique de ce journal reste plus complexe. Il est évident que le journal se positionne pour la Séparation. Il est cependant intéressant de se demander pour quelle Séparation. Dès le 18 février 1905, la prise de position du journal est déjà connue et un article intitulé « Tribune démocratique – A propos de la Séparation » 75 ne se fait pas attendre pour déjà mettre en valeur les fractures qui se créent au sein du clergé. L’Abbé Gayraud, député du Finistère sans discontinuer depuis 1897 et inscrit dès l’élection de 1902 au groupe de l’Action libérale, est notamment cité comme représentant cette partie du clergé sans grande inquiétude vis à vis de la Séparation. Dans l’article, cette partie est opposée à celle inquiète et préoccupée par cette séparation notamment sur la question du financement ultérieur du culte. Le journal se réjouit vite de la suppression de la loi Falloux et donc du financement passé des « fonctionnaires qui combattent nos institutions ». Après avoir dénoncé l’opposition ferme et généralisée des évêques à la République la conclusion est sans appel : « c’est le divorce ». La prise de position est donc sans nuance et radicale au sens premier du terme. Il est clair que le souhait premier des auteurs de ce journal est l’aboutissement rapide et effectif de la séparation des Églises (mais plus précisément de l’Église Apostolique et Romaine) et de l’État. La séparation défendue par le journal est parfois plus radicale que celle du projet Briand. On pourrait même dire que la prise de position du journal se rapproche d’avantage des positions prises par le projet Combes. Ce dernier proposait une séparation beaucoup plus tranchée, avec un culte catholique réduit à sa plus faible force. En effet il prévoyait de réduire la taille des unions à l’échelle des départements, de plus les fonds de réserve des associations devaient être strictement limités au tiers de leur revenu annuel, les rendant ainsi totalement impuissantes. Dans l’article du 4 mai 1905 « Le devoir républicain », l’appel à l’union des républicains et la dénonciation des divisions des radicaux sur la question du vote de l’article 4 est fièrement relayé par l’auteur récurrent Pierre Manceau, rédacteur en chef de notre journal. Les députés Briand et Jaurès sont même accusés de faire preuve de « larges libéralités envers l’Église ». On retrouve ces dures prises de positions dans un article daté du 24 juin 1905 intitulé « La Séparation et les communes » qui relaie les dires du député de l’Aube, inscrit au groupe radical-socialiste Paul Meunier. Ce dernier défend l’idée que « la loi de séparation a été trop mauvaise pour les communes. ». Il entend par là dénoncer la remise des biens du clergé à des associations cultuelles dont la loi « décrète elle-même la création future et règle le fonctionnement ». La liberté des communes à disposer librement des églises et presbytères est vivement défendue, le projet est accusé d’être trop complaisant avec l’Église voire même d’organiser sa reconstruction. Pour autant, malgré ce radicalisme latent et cette velléité prononcée à l’égard du clergé, le projet fini par être salué pour avoir, malgré tout, réalisé « le divorce nécessaire entre l’Église romaine et l’État républicain ». Le 6 juillet est publié l’article premier du numéro intitulé « Enfin ça y est ! » . Le lundi précédent, la loi de séparation est votée à la Chambre par 341 contre 233 soit avec une majorité de 108 voix. Ici, le rapporteur Aristide Briand est érigé en héros de la République radicale, on peut citer : « Le remarquable rapporteur de la loi, a merveilleusement établi dans le magistral discours qu’il a prononcé […] ». Cet article, rédigé par le journaliste Pierre Manceau révèle une certaine dualité de discours à la tête du journal. On va tantôt être en accord avec le projet Briand et l’ériger en aboutissement ultime du programme radical républicain et tantôt relayer les propos d’autres individus plus extrémistes favorables à l’anéantissement de la force cléricale. L’adhésion au projet voté se retrouve au début de l’année 1906 dans la publication d’un article, le 4 janvier, actant de la vente et de la livraison d’exemplaires aux lecteurs de la loi de séparation pour la somme de 15 centimes. Le 28 avril 1906 un article, prenant une large place sur la première page et intitulé en gros caractère « La loi de séparation des Églises et de l’État – Loi nécessaire, Loi de Justice, Loi de Liberté », défend la loi de séparation comme étant « libératrice ». Contre les attaques des opposants il confirme que « le budget des cultes pouvait être supprimé ». Enfin la liberté du clergé et des Libres-Penseurs est mise en avant. Le journal et plus largement les républicains radicaux se rangent fièrement derrière ce projet. 

Une attaque perpétuelle 

Une Église victimaire, cupide et faussement pieuse L’attaque la plus récurrente que l’on peut lire dans les lignes de ce journal tient à dénoncer la cupidité de l’Église et de ses servants. On peut le lire dans un article du 10 avril 1905 : « Tandis que la dénonciation du concordat laisse chacun à sa place et n’est en somme qu’une question d’argent ». Le centre de l’argumentaire tenu et diffusé par ce journal a pour seul but de décrédibiliser l’Église aux yeux des lecteurs. Les auteurs sont convaincus et font savoir que l’application de la loi de séparation ne changera rien aux habitudes cultuelles de la population. Dans le même article cité précédemment on peut également lire : « Chaque paroisse continuera à avoir son curé, chaque diocèse son évêque, il faudra seulement consentir quelques sacrifices pour assurer leur traitement ». Les attaques continuent de plus belle en particulier avec l’article « La Séparation – Les Points en litige Question d’argent ». Dans ce dernier publié en date du 17 avril 1905 sont mis en valeur les principaux problèmes qui font se déchirer les défenseurs et les opposants à la loi de séparation. Les affrontements concernent déjà l’article 4 qui légifère sur le respect par les autorités de la hiérarchie de l’Église séparée de l’État. La crainte de la création d’associations cultuelles schismatiques avec la complicité du Conseil d’État gagne tous les catholiques. Ce débat fini par être arrangé par l’adoption d’un article 4 qui prévoit la prise en compte et le respect, par le Conseil d’État, des règles générales du culte catholique et plus particulièrement de son organisation hiérarchique. Le deuxième gros point qui pose problème se trouve autours de l’article 9 qui règle le service des pensions aux ministres des cultes. Le budget des cultes s’élèverait, dans l’estimation de l’article, à 42 millions de francs. Là est l’enjeu des opposants à la loi et des ministres du culte, le but étant d’en percevoir le maximum. La crainte partagée par ces derniers, préoccupés par l’appauvrissement de l’Église, est un effondrement rapide de l’Église en France et par là une déchristianisation de la population ou pire, sa conversion massive vers le protestantisme ou le judaïsme. Le journal ne se fait pas attendre pour clamer haut et fort l’hypocrisie des ministres du culte catholique : « […] dans cette grosse affaire, tout tourne autour d’une question de gros sous. Aura-t-on les biens dits de l’Église, en toute propriété ? Parviendra-t-on à se faire adjuger […] la totalité du budget des cultes, 42 millions ? Telles sont les préoccupations uniques des serviteurs de Dieu et de leurs défenseurs. ». La virulence et l’attaque de l’auteur est telle qu’il termine son article par dire que « la religion n’est pas autre chose qu’une affaire, une exploitation de la crédulité publique dont vivent largement ceux qu’on nomme pompeusement ses ministres ». Les propos du journal ont beau parfois sembler diffamatoires et extrêmes, pourtant il ne manque pas d’exemples pour prouver ce qu’il avance. Un certain abbé Garnier, déjà connu dans la Sarthe dans les années 1890, apparemment revenu au Mans dans le courant de l’année 190590. « Ses amis » avaient organisé au Mans une conférence sur la séparation des Églises et de l’État à laquelle il a assisté. Le journal relève d’abord le fiasco d’affluence à la conférence et appuie largement sur la fâcheuse tendance de l’abbé à sortir des billets de 100 francs. En 1894 il semble qu’il ait déjà fait cela sous le coup de la colère à une conférence donnée salle des Concerts et présidée par Rubillard. Il recommence alors en 1905 pour défier quiconque qui arriverait à prouver que le Pape avait violé un seul article du Concordat. Ces événements sont rêvés par les journalistes qui se précipitent dessus afin d’en faire un modèle de l’ecclésiastique riche, plaintif et faussement pieux : « Cela nous prouve surabondamment que les curés dont il entend défendre les églises et les traitements, ne tomberont pas dans la misère, après la Séparation ». Pour appuyer cet argument financier et démontrer la véracité de l’Église vis à vis des traitements d’État, le journal dresse le 27 avril 1906, dans un article d’une demi-page, un tableau récapitulant le coût de ces traitements par régimes successifs depuis le Premier Empire. La somme totale est rapportée à hauteur de 4 Milliards de francs91. L’argument est évidemment largement discutable, le franc du début du XIX e s n’ayant pas même valeur que le franc du début du XX e s. Ne connaissant même pas les sources d’où les chiffres sont tirés, le premier but est évidemment psychologique, ce dernier étant de choquer et de révolter le lecteur. Les condamnations continuent : le journal saisit l’occasion du passage de la loi au Sénat pour tirer le bilan des revendications, et tentatives d’amendement par l’opposition. Dans l’article « La Séparation au Sénat », l’auteur dénonce les positions victimaires des opposants et clercs se profilant en mendiants auprès des législateurs. Il dénonce littéralement le fait qu’ « il faut avoir la main à la bourse depuis le moment où l’on vient au monde jusqu’au moment où l’on s’en va dans l’inconnu », argument qu’il pose pour démontrer qu’aucun clerc ne se trouvera véritablement en position de mendicité. Il rajoute même en s’adressant directement au lecteur : « Notez que toutes les modifications demandées à la loi, ont toute pour base une question de gros sous ». Le 23 octobre 1905 le journal fait allusion à la lettre envoyée du Pape au cardinal Richard93, archevêque de Paris, pour connaître son avis et demander conseil face aux événements français « qui menacent les intérêts suprêmes de la religion ». L’auteur profite de nouveau de cette occasion rêvée pour prendre directement le Pape Pie X à parti sur cette obsession de l’Église pour l’argent. Pour appuyer son propos l’auteur propose même ironiquement de « laisser le budget des cultes, et vous verrez toutes les lamentations du chef de l’Église et de nos prélats se changer en un concert de bénédictions ». dans cet article, le Pape appelle même les fidèles à prier pour la miséricorde divine afin de subvenir, entre autres, aux « besoins particuliers » de l’Église. Le journal reprend rapidement cela et s’empresse de cibler l’enjeu financier et matériel de cette prière. Le discours victimaire est encore une fois pris pour cible et tourné au ridicule. Le trop grand attachement de l’Église et de ses ministres aux biens temporels, est souvent raillé par le journal en particulier au moment de la mise sous séquestre et de la dévolution des biens de l’Église. Déjà avant la mise sous séquestre, dans l’article cité du 10 avril 1905, le journal ironise autours du nécessaire détachement du religieux aux biens matériels : « Toutes les religions nous prêchent le détachement des biens de ce monde, la religion catholique surtout. […] C’est donc vers les biens de ce monde que sont tournées les convoitises du clergé. » 94. Cette attaque va se répéter et se renforcer au moment de la mise sous séquestre des biens de l’Église. Dans un article en date du 10 mars 1906, l’auteur commence par citer une réplique de la pièce de théâtre écrite par Molière Le Tartuffe ou l’Imposteur : « – La maison est à moi, disait jadis Tartuffe, c’est à vous d’en sortir » 95 tout en liant la réplique au contexte actuel : « Pardon, Monsieur les églises sont à nous tous, citoyens français. Elles ne sont pas plus à vous qu’à nous ». Autrefois simple attaque utilisée à des fins ironiques, cet argument devient une partie intégrante de l’idéologie anticléricale radicale. Considérant que la majorité des frais affectés à la construction puis à l’entretien des églises et du culte reviennent aux français mêmes puis à l’État français, le républicain considère clairement que ces biens reviennent clairement de droits aux citoyens français et que toute autre revendications reviendraient à une spoliation des biens de ces derniers. L’auteur en vient même à comparer la situation du curé et de son église et presbytère à d’autres situations tout cela dans le but de ridiculiser ce dernier : « C’est comme si les gens qui vont souvent voir jouer la comédie ou entendre l’opéra, prétendaient que le théâtre est à eux ». Faisant référence aux inventaires il compare la situation du curé refusant l’entrée des agents de l’État dans l’église à un maire qui ferait de même pour sa mairie : « Vous le traiteriez de fou ». Au-delà des attaques perpétuelles sur la grande Institution qu’est l’Église apostolique et romaine, le journal n’hésite pas à diriger ses attaques vers le représentant local de cette dernière : l’évêque du Mans Monseigneur de Bonfils.

Des affaires locales utilisées à des fins politiciennes ou la stigmatisation de l’Église déclinante 

En effet, les journalistes du Petit Manceau vont se précipiter sur toutes les affaires qui peuvent donner du tort aux représentants ecclésiastiques locaux et en particulier contre l’évêque du Mans Mgr de Bonfils.Les journalistes se font un malin plaisir à relever toutes les incohérences et les mensonges dans les discours de l’évêque. On le voit rapidement dès le 20 juillet 1905 dans un article intitulé « Les erreurs volontaires de Monseigneur de Bonfils ». L’auteur de ce dernier fait référence à un extrait de La Semaine du fidèle dans lequel l’évêque accuse la loi de séparation de provoquer la nécessaire location des églises par les curés96. Il avance même l’idée qu’au bout de dix ans, le Conseil municipal aurait le droit de faire fermer l’église car « C’est la loi. ». Le journal, non sans tort, récupère ces propos et les contredisent rapidement en citant simplement l’article 11 qui rend la disposition des édifices du culte et des objets les garnissant gratuite. Il est clair que la stratégie de l’évêque ici est d’affoler la population, d’aggraver le tableau pour provoquer une réaction de la part de la population catholique en faveur des intérêts de l’Église. La loi en témoigne, les propos de l’évêque ne sont pas réels et sont véritablement symptomatiques de la mauvaise foi de ce dernier. Le journal ne manque pas de tacler une nouvelle fois l’évêque dans l’article du 30 septembre 1905 « La lettre de Gédéon »  . L’article a pour sujet une lettre envoyée par l’évêque aux curés du diocèse les mettant en garde sur les conséquences de la loi: précarité des desservants du culte, expulsion à terme des presbytères, désaffection de la population pour la pratique du culte et par là le financement de ce dernier et de ses ministres. Le cynisme de l’article est déjà annoncé par le surnom donné à l’évêque premièrement utilisé par l’archiprêtre de la cathédrale, il est repris par l’auteur pour se moquer du protagoniste. Argument politique et idéologique ou véritable indice de l’état d’esprit du personnel clérical sarthois, l’auteur ironise sur le fait que l’évêque dut avoir la nécessité d’écrire et d’envoyer cette lettre tant les réactions des clercs étaient faibles voire inexistantes dans le diocèse : « Gédéon s’est aperçu que ses prêtres ne s’épouvantaient pas outre mesure de l’éventualité de la Séparation ; Certains, dit-il, étaient même persuadés  »qu’après sa promulgation, rien ou à peu près rien, ne sera changé dans la vie religieuse de leur paroisse » ». Au-delà de l’argumentaire idéologique républicain il est tout de même intéressant de relever ce fait pour notre analyse. Portant l’image d’une Église et d’une pratique religieuse déclinante, le journal s’en donne à cœur joie quand on peut lire dans la lettre en question que des familles « effrayées par la guerre faite à la religion » détournent leur fils du sacerdoce et s’opposent à leur entrée au séminaire. Le journal rétorque immédiatement : « Cela prouve simplement que le bon sens reprend toujours ses droits ». On note ici la nouvelle émergence claire des convictions laïques et anticléricales de la rédaction du Petit Manceau.

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