Un deuxième mode d’activation de Yap1 en réponse aux électrophiles
Chez E. coli, la réponse au peroxyde d’hydrogène, contrôlée par OxyR et la réponse à l’ion superoxyde, mise en oeuvre par le régulon SoxRS sont distinctes. Il existe également chez S. cerevisiae une réponse adaptative en réponse à la toxicité des composés à activité redox cycliques. Cependant, les bases moléculaires de cette réponse restent encore largement inconnues. Nous avons donc étudié chez S. cerevisiae la réponse cellulaire à la ménadione. Ce travail a été réalisé en collaboration avec Dulce Azevedo, étudiante en thèse dans le laboratoire de Claudina Pousada-Rodrigues (Lisbonne, Portugal), et Frédérique Tacnet, chercheur au laboratoire. I. Bases moléculaires de l’activation de Yap1 en réponse à la ménadione. A. qu’est-ce que la ménadione ? La ménadione ou vitamine K3 est un composé à activité redox cyclique entraînant la génération d’ions superoxyde (O2 .- ) par réduction de l’oxygène moléculaire [116 , 203]. La ménadione tire son activité redox de la présence d’un groupement quinone, qui peut être réduit en semiquinone (réduction à un électron) ou en hydroquinone (réduction à deux électrons) (Fig. 34). Seule la forme semiquinone peut se réoxyder efficacement en quinone en utilisant le pouvoir oxydant de l’oxygène. Cette forme est dite auto-oxydable. Elle est donc responsable de la production d’ions superoxyde et de son caractère cyclique. La ménadione est réduite in vivo par les chaînes de transfert d’électron en utilisant le pouvoir réducteur du NADPH. La mesure de la consommation en oxygène en présence d’inhibiteurs de la cytochrome oxydase (cyanure et/ou azide), permet de suivre l’activité redox de la ménadione, en mesurant la « respiration dite cyanure-résistante » [116, 204]. La ménadione possède également des propriétés électrophiles vis-à-vis des thiols organiques, tout d’abord mises en évidence par son addition sur le glutathion pour former un adduit appelé thiodione [205].
Le rôle de Yap1 dans la réponse à la ménadione
A l’instar d’E. coli, la levure est capable de développer une réponse adaptative à la ménadione [19, 20]. Ce processus d’adaptation est dépendant d’une néo-synthèse protéique et implique l’induction d’un stimulon. La comparaison des stimulons ménadione et H2O2 [22] montre que les réponses génomiques impliquées sont pour une grande part similaires, suggérant l’existence de régulateurs communs. L’invalidation de Yap1 entraînant une hypersensiblité à la ménadione, nous avons analysé le rôle de Yap1 dans la réponse cellulaire à ce composé [136]. 1) La ménadione induit une réponse Yap1-dépendante (a) Yap1 est activé en réponse à la ménadione La mesure par RT-PCR quantitative de l’expression de TRX2, TSA1 et SOD1, trois gènes cibles de Yap1, en réponse à la ménadione nous a permis de conclure que Yap1 est activé en réponse à ce composé. Après 30 minutes d’exposition, l’induction de l’expression de ces trois gènes est maximale pour une dose de ménadione non toxique, égale à 250 mM, puis décroît lorsque les doses augmentent (Fig. 35A). L’analyse de la cinétique d’induction de TRX2 en réponse à 250 mM de ménadione montre que l’expression de ce gène est maximale entre 40 et 60 minutes d’exposition puis décroît (Fig. 35B) ; l’expression de TRX2 reste cependant élevée à moins que la ménadione ne soit éliminée par lavage des cellules (données non montrées). Cette induction est dépendante de Yap1 car elle est complètement abolie dans une souche Dyap1. L’activité de Yap1 dépend de son accumulation nucléaire en réponse à un inducteur. Nous avons donc analysé sa localisation sub-cellulaire après exposition des cellules à la ménadione.
Yap1 est oxydé en réponse à la ménadione
Nous avons vu précédemment que Yap1 est spécifiquement activé par le H2O2 . Or, l’exposition des cellules à la ménadione engendre une production d’ions superoxyde, rapidement dismutés en H2O2 ., suggérant que l’activation de Yap1 par la ménadione pourrait être indirecte. L’analyse de l’état redox de Yap1 nous a permis de montrer que Yap1 est effectivement oxydé en réponse à la ménadione (Fig. 36). Cette oxydation est comparable à celle observée en réponse au H2O2 , puisqu’elle dépend de la présence des cystéines 303 et 598 (Fig. 36B) et de Gpx3 (données non montrées). L’oxydation de Yap1 en réponse à la ménadione est cependant plus limitée puisqu’elle n’affecte au maximum que 50% de la protéine (contre 90 % en réponse au H2O2 ), quelle que soit la dose de ménadione utilisée (données non montrées). Après exposition des cellules à 250 mM de ménadione, Yap1 est oxydé rapidement et de façon persistante (Fig. 36A), à moins que la ménadione ne soit éliminée (données non montrées). Ces données suggèrent donc que l’oxydation de Yap1 par la ménadione est effectivement indirecte. Ainsi, en conditions anaérobies, dans lesquelles il n’y a pas de production d’ions superoxyde ni de H2O2 , le traitement des cellules par la ménadione n’entraîne pas d’oxydation de Yap1 .