Un art ancré dans l’histoire et une oeuvre profondément actuelle

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Un travail autonome formellement peu élaboré ?

Made it yourself

A l’heure actuelle, de nombreux artistes font appel à des assistants ou à des personnes ayant un savoir faire qu’ ils ne maîtrise nt pas. L’art s’est largement complexifié et le mélange des pratiques et des composants de l’art nécessite souvent des collaborations et la mise en réseau du systèmede production artistique. Dans le domaine de la vidéo ou des installations, la participation de personnes extérieures sur les projets est fréquente voire systématique. Lorsque l’on regarde le générique des « Cremasters »18 de Matthew Barney, on remarque qu’il fait appel à un grand nombre de techniciens et assistants. Son équipe ressemble à celle d’une production cinématographique classique. L’art contemporain filmique flirte avec le cinéma, il en adopte les techniques, les financements ainsi que le mode de production. Pourtant certains artistes comme Olaf Breuning continuent à vouloir tout faire eux-mêmes.
Du storyboard aux derniers arrangements, Olaf Breuning se charge de tout. Il commence par dessiner de petits croquis que l’on retrouve dans les ouvrages « Queen, Mary »19 et « Drawings »20. Il écrit ensuite les scénarios, prépare lestory-boards, choisit les lieux de tournages, les acteurs, les accessoires et les costumes. Il trouve le matériel technique dont il aura besoin. Sur le tournage, il filme et dirige les acteurs. Puis il s’occupe du montage, de la post-production et fabrique la musique. Olaf Breuning est donc à la fois scénariste, dessinateur, producteur, réalisateur, photographe, assistant, monteur, musicien… Il touch e à tout et s’attache à contrôler tous les aspects de ses productions.
Le travail de l’artiste se situe donc entre art vidéo home-made et productions cinématographiques classiques. Olaf Breuning ne crée pas de vidéos expérimentales comme Bruce Nauman (Manipulating a Fluorescent Tube, vidéo noir et blanc,1969) ni des vidéos performatives comme Pipilotti Rist (Ever Is Over All, vidéo couleur,1997). Ses travaux vidéographiques sont plus élaborés techniquement et scéniquement. La caméra ne cadre pas un plan fixeet unique, sinon une multitude de plans construits et préparés. Les productions de l’artiste se rapprochent donc davantage des courts-métrages sur le plan technique, puisque ses œuvres vidéos sont des fictions construites avec scénario à l’appui.
Mais l’artiste se distingue des réalisateurs de cinéma par son attachement au principe du « made it yourself » que l’on peut traduire par « fais le toi-même ».Cette maxime rappelle les slogans de publicité avariés qui font tant rire l’artiste mais cette fois-ci, il est sérieux. Olaf Breuning préfère deoinl la fabrication maison aux grosses productions industrielles. La preuve cette citation de l’artiste : « Les films, je les fais moi-même, j’écris l’histoire, je filme moi-même, jemonte moi-même mise à part jouer l’acteur, je fais tout, tout seul. J’aime ça, ainsi ça reste plus une home production. ». 21
On a montré que l’artiste s’occupe de tout dans la construction de ses vidéos, il en va de même pour ses photographies et ses installations. Olaf Breuning réalise des dessins préparatoires, prépare les mises en scènes,puis les fabrique et/ou photographie lui même. De plus lors des expositions, il participe à la mise en place de ses œuvres et ajoute les touches finales aux mises en scène qu’il a construite. Par exemple, à Strasbourg, quelques heures avant le ver nissage de son exposition, il jette deux verres de vin contre le mur et écrit avec ses doigts « Under the bridge » titre d’un court-métrage intégré à la vidéoHome.
Cette volonté de tout faire lui-même induit un désir réel de l’artiste de mettre de lui-même dans ses œuvres. Ce qui ne signifie nullement que ses productions sont autobiographiques ou personnelles. Il s’agit davantage d’ implication concrète et physique. Pour un peintre ou un sculpteur, cette implication est facile et fréquente. Pour un photographe ou un vidéaste, c’est plus difficile puisque la machinerie fait barrière entre l’artiste et l’œuvre. Les éléments techniques, la caméra, l’appareil photo, le logiciel de montage, de sons sont généralement considérés comme neutres, ainsi de nombreux réalisateurs de cinéma ou artiste vidéastes font appel à des caméramans, à des monteurs professionnels et à des compositeurs. Olaf Breuning pense différemment, il réfléchit la technique et inscritl’ fortement dans ses productions.
On peut par ailleurs se demander pourquoi est ce qu’Olaf Breuning appuie sur l’aspect fait maison de son travail ? Il ne s’agit pas d’une revendica tion du type :
« revenons à un travail manuel ». Olaf Breuning aff ectionne particulièrement la technique, l’électronique et l’informatique. Si l’artiste est connu pour l’aspect fait maison de son travail, c’est parce que ses œuvres laissen t transparaître les conséquences du choix de l’artiste. En effet, l’artiste fait tout, tout seul et cela se voit. Il s’agit d’une particularité majeure du travail d’Olaf Breuning. On remarque ses travaux dans une exposition comme un gâteau fait maison au milieu de gâteaux de pâtissiers. Ce qui nous conduit à traiter de l’aspe ct qualitatif du travail d’Olaf Breuning. Celui-ci a l’habitude de travailler seul, sans technicien, avec une caméra au poing, ce qui donne à ses images un caractère peu élaboré. Il ne peut évidemment pas obtenir un résultat équivalent à celui d’une super production, en réalisant tout lui-même. Ainsi un certain voile d’amateurisme plane sur son œuvre, ce qui renforce le caractère home production de son travail.
Nous avons montré qu’Olaf Breuning s’occupe seul des aspects créatifs et techniques, cependant l’artiste fait appel à plusi eurs personnes pour gérer les relations publiques, les ventes, les déplacements et l’organisation de ses expositions. Olaf Breuning est suivi par plusieurs galeristes implantés en Europe et aux Etats-unis, une assistante gère les aspects d’ordre financiers et administratifs à Zurich et plusieurs assistants l’aident ponctuellement pour la mise en place d’expositions. Olaf Breuning étant un artiste reconnu sur la scène international de l’art contemporain, il ne peut gérer seul, toute la machinerie économique qui découle de son activité. L’artiste très sollicité, participe à un nombre important de projets et il ne peut tout prendre en main. Mais nous doutons qu’il ait abandonné la gestion financière et administrative à d’autres avec regret puisque ce sont les éléments nventifs que l’artiste prend plaisir à créer seul .
L’activité économique qui découle des travaux d’Olaf Breuning est à l’origine du développement d’un réseau artistique international et en même temps familial. En effet, l’artiste semble tenir à avoir des liens de proximité avec ceux qui l’entourent. Il est proche de ses galeristes et sollicite bénévolement ses amis pour lui servir de modèles. Ainsi on retrouve le visage de Brian Kerstetter sur de nombreuses photographies et vidéos (Chris Croft22, Primitive, Home…). Mais lorsque l’artiste travaille loin de chez lui, il fait alors appel à d es figurants trouvés sur place. Le choix de comédiens amateurs se traduit visuellement par un amateurisme apparent et divertissant.
Malgré l’ampleur du phénomène économique qui découle de son activité, Olaf Breuning reste attaché au côté fait maison de son travail. Il pourrait employer des acteurs professionnels, des assistants monteurs, des maquilleurs spécialisés en effets spéciaux, mais non. Il préfère travailler seul, dans une ambiance familiale et amicale quitte à ce que ses productions gardent une saveur d’amateurisme effectif.

De l’effet spécial raté

Si les effets spéciaux ratés sont fréquents danse l cinéma de série B et représentent l’apothéose de mythiques navets cinématographiques, ils sont plutôt rares dans le champ de l’art. Qu’à cela ne tienne, Olaf Breuning en a fait sa marque de fabrique et il règne en maître en ce qui concerne les effets spéciaux contre faits et amateurs dans le monde de l’art contemporain.
Le terme d’effets spéciaux désigne l’ensemble des techniques utilisées pour créer l’illusion d’actions et de phénomènes qui n’existent pas dans la réalité.Les effets spéciaux sont notamment utilisés dans la science fiction et le cinéma d’horreur. Les effets spéciaux permettent de créer sur ordinateur des éléments qui ne peuvent être filmés sur le tournage. Cependant, certains effets spéciaux ou plutôt trucages sont créés manuellement avant le tournage grâce à des techniques de maquillage, des accessoires et costumes qui viennent modifier l’aspect physique des personnages ou enrichir les décors.
Olaf Breuning ne réalise pas ses effets spéciaux urs ordinateur, il est plutôt un spécialiste des trucages manuels. Les special effects made in Breuning sont totalement faits main et cela se remarque. Prenons l’exemple de la photographie intitulée Sibylle.23 Un vrai monstre fait de multiples monstruosités techniques. Avec de la pâte à modeler rose pâle, Olaf Breuning a cac hé les yeux et l’un des seins de  cette sibylle post-moderne et il a ajouté une dizaine de pustules sur son corps. La jambe repliée et le genou maculé de confiture et autre nourriture séchée simulent l’amputation sanguinolente. Les poils foncés colléssur le bras droit du personnage laisse apparaître des traces de colle blanche. Le nez rouge de Sibylle est en plastique et son élastique qui lui permet de tenir est visible. Voici quelques exemples de trucages ratés typiques de l’univers d’Olaf Breuning. Un vrai travail de cochon, tellement mal fait qu’on ne peut douter du choix de l’artiste de nous enseigner délibérément ces imperfections. En effet Olaf Breuni g réalise consciemment et avec humour des effets spéciaux de mauvaises qualités, uo plutôt de faux effets spéciaux. En dévoilant les trucages, Olaf Breuning détruit leur fonction première, qui est de rendre plausible des faits ou objets irréalistes. Ces effets spéciaux non opérants répondent à d’autres prérogatives. Tout d’abord les trucages remplissent une fonction esthétique, ils accroissent le caractèreheavy des productions. De plus, en parodiant les mauvais effets spéciaux du cinéma avec excès, lesrucagest d’Olaf Breuning prennent une dimension humoristique ou sarcastique.
Plus largement Olaf Breuning saborde l’aspect formel de ses productions, en permettant à la technique de s’afficher. Il s’agit d’un véritable choix artistique. Ce n’est par manque de savoir faire, mais plutôt par d ésinvolture qu’Olaf Breuning s’applique à rater ses productions.
Nous avons déjà présenté la vidéoWoodworld dans laquelle l’environnement décoratif apparaît et prend vie. Dans le décor de ettec œuvre, la machinerie technique qui produit les changements d’ambiance est étalée ua-devant de la scène. Olaf Breuning présente la technique comme ses comédiensPour. l’artiste, la technique est partie intégrante de l’art vidéo, il choisit alorsde la mettre en scène et de lui donner un rôle artistique et esthétique. La technique étan visible, l’illusion fictive est ineffective. Le spectateur voit littéralement la fiction et il ne peut donc pas s’impliquer pleinement dans l’histoire contée.
En révélant la technique, Olaf Breuning démonte donc les mécanismes fictifs de ses productions avec humour. Bien évidemment l’artiste n’est pas le premier à s’être intéressé aux mécanismes de construction desproductions audiovisuelles. D’autres comme Nam June Paik ou Averty se sont attelés au démontage, à la déstructuration ou même à la destruction des fictions. Souvent leurs entreprises comportaient une partie critique, car ils ne voyaient pas toujours d’un bon oeil les productions audiovisuelles classiques. Chez Olaf Breuning, il ne s’agit pas d’une critique acerbe des techniques cinématographiques ou des productions visuelles classiques. Olaf Breuning opère davantage comme un enfant curieux. Il s’amuse à démonter les productions cinématographiques et photographiques puis il les remonte en disposant à la surface chacun des éléments qui les constituent. Il pose tout à plat, et met les différents aspects de son travail au même niveau. Les environnements, les personnages, la technique, les accessoires sont présentés comme dans une vitrine de magasin. Mais son étale est particulièrement divertissante.
Dans l’univers d’Olaf Breuning la réalité technique reprend sa place dans la fiction. L’apparition brute des trucages et plus globalement de la technique choque le regard et suscite toujours plus de questionnements dans l’esprit du spectateur.
Afin d’accroître la confusion du spectateur, Olaf Breuning ajoute à cette incapacité technique de surface, un sérieux sabotage esthétique de ses œuvres par le biais du « cheap »

Une économie de moyen : l’art ducheap

« Les perruques et les cuirasses dont il a affublé se personnages semblent être des jouets à quatre sous, achetés dans des stands de fêtes foraines. »
« Cheap » signifie « bas prix » en anglais. Cheap comme les articles utilisés par Olaf Breuning dans ses productions. Des décalcomanies à la place de vrais tatouages, des simples draps pour les fantômes, des masques en plastique pour les monstres, des costumes de mauvaise qualité plus adaptés à une fête déguisée qu’à une production artistique : tous ces accessoires semblent avoir été trouvés dans un banal magasin de farces et attrapes.
Olaf Breuning a acquis une large reconnaissance dans le monde de l’art, sa côte est montée très vite et il dispose maintenant de moyens plus conséquents. Cependant l’artiste semble vouloir continuer à réaliser des économies de moyens. Il s’agit donc bien d’un choix esthétique et non pragmatique.
Pourquoi préciser que l’artiste utilise du matérielbon marché ? Il est vrai que savoir si Olaf Breuning dépense beaucoup ou peu en costumes et accessoires n’est pas essentiel à notre développement. Mais cela devient essentiel lorsqu’on observe les travaux de l’artiste de plus près car il s’agit de l’une des caractéristiques de l’art d’Olaf Breuning. Celui-ci employant un grand nombre d’accessoires cheap, ses productions prennent une apparence cheap. Plusieurs exemples viennent corroborer notre propos : la photographie Hellen, Freundin aus America25 met en scène une femme nue couverte à moitié par une simple couverture blanche avec des bouts de pain aux pieds, aux mains, sur le nez et au-dessus des oreilles. La photographie Lady G26 présente une femme nue sur un cheval avec des faux tatouages en papier, collés avec du scotch apparent sur ses fesses. Dans la vidéo Home, Brian Kerstetter est affublé d’une multitude de costumes plus cheap les uns que les autres. L’esthétique cheap de ses productions révèle la volonté d’Olaf Breungi de fabriquer du « faux ». Peu importe si le spectateur voit l’accessoire comme un accessoire. Dans ses œuvres, les costumes, les décors et autres éléments qui servent la scénographie existent et sont présentés en tant que tels. Les accessoirescheap se dévoilent à l’excès afin de rendre réelle la consistance fictive des productions de l’artiste.
Plus largement on peut qualifier les productions d’Olaf Breuning de cheap. Les comédiens amateurs, la technique apparente et inopérante, les accessoires de qualité médiocre, autant de signes visuels qui donnent aux œuvres de l’artiste une surface qui manque singulièrement de classe et de raffinement. Ce langage de surface cheap n’est d’ailleurs pas du goût de tous : «…Force es t de constater que l’on reste souvent à la surface de son bric-à-brac de signes g alvaudés, doté d’un vernisglam trash déjà passé de mode. » Il est certain que l’une des conséquences logiques de l’emploi excessif de bric à brac cheap est l’allure vulgaire et de mauvais goût des œuvres de l’artiste.
Si on met bout à bout les composants du travail d’O laf Breuning, la thématique heavy, les comédiens amateurs, le décor fantasmagorique,une production fait maison avec des effets spéciaux ratés et des ccessoiresa cheap, qu’en ressort-il ? La réponse est évidente, un résultat d’extrême mauvais goût, un art trashéet trashy.
Au cas où le lecteur ne serait pas convaincu, nous allons expliciter notre propos par un exemple encore une fois tiré deHome. L’une des microfictions de cette vidéo montre Brian Kerstetter accompagné de son gan de gros bras, vêtus de grands débardeurs fluos, de bandanas ridicules et de chaînes en or trop grandes dans un parking désert. Ce déguisement fait référence à lamode vestimentaire des ghettos américains, mais l’usage d’accessoires cheap révèle le décalage entre les acteurs et leurs personnages. Cette vidéo ne nous présente que des comédiens mal déguisés, à la gestuelle gauche (on sent toute suite qu’ils n’ont jamais fait partie d’un quelconque gang). Les signes ostentatoires que les acteurs portent sont si nombreux, que l’on ne peu douter de la volonté de l’artiste de produire une esthétique de mauvais goût. De surcroît dans la scène suivante, cette esthétique rashéet est associée à une thématique d’un goût douteux. Ce gang absurde s’en prend à un Amish. Ils le pourchassent, le déshabillent, le masquent avec la tête de E.T. etellaissent courir nu dans un champ. Vraiment c’est d’un goût peu sur mais ce que c’est drôle.
L’esthétique cheap et la thématique de mauvais goût apporte incontestablement à l’art d’Olaf Breuning un compos ant humoristique décapant et surprenant. Si le cheap est utilisé et apprécié au premier degré, c’est frayant,ef mais si le cheap est employé au deuxième degré pour son pouvoir kitsch et humoristique, comme dans les productions d’Olaf Breuning, le résultat est puissant et amusant.
Après avoir aborder la technique heavy des œuvres d’Olaf Breuning, nous allons nous intéresser auvernis glam, au spectaculaire et à l’industrie de la culture que l’artiste absorbe et dévore dans ses pièces.

Un univers d’expérience médiatique

La diversité des références médiatiques

« Du clip Around the world de Daft Punk aux campagnes publicitaires Benetton, de 2001 l’odyssée de l’espace ( le rasta cintré lance sa basket dans les airs) aux chorégraphies de boys bands, longue est la liste des références qui peuplent l’œuvre de Breuning. » 28
Les films d’horreur, les grands classiques du cinéma, la musique hard rock, la musique classique, les publicités, les séries télévisées, les séries Z, les livres à succès, les ouvrages philosophiques, les dessins animées, les bandes dessinées, en somme tout type de productions cinématographiques, musicales, télévisées ou encore littéraires passe sous les griffes d’Olaf Breuning. Cet artiste est une véritable éponge qui se nourrit des médias auxquels il donne une large place dans ses œuvres.
Les références cinématographiques d’Olaf Breuningonts multiples. Le cinéma d’horreur de John Carpenter, le cinéma indépendantde John Waters et les vieilles séries Z aux accessoires loufoques comptent parmi les sources majeures de l’artiste. Dans une interview avec Daniele Perra, Olaf breuning précise :« J’aime tous les films imparfaits. Il me rappelle mon propre travail. J’ai toujours essayé d’être parfait mais ça n’a jamais vraiment marché. »29 Mais on retrouve également des références à un cinéma plus classique, les westerns, le cinéma de David Lynch, de Stanley Kubrick ou encore de Buster Keaton…
En ce qui concerne les séries télévisées, Olaf euningBr aime aussi bien 24 heures chrono (série d’aventure aux plans rapides que l’on retrouve par exemple dans la vidéo d’Olaf Breuning, King30) que les Simpsons ou South Park (l’esprit de ses dessins animés est notamment réemployé par l’artiste dans la photographie Waldfest31). Le temps des séries lui plait car il permet aux personnages de se développer et d’évoluer au fil des épisodes. Par lleursai il aime le langage simple et stéréotypé des séries qui font l’économie de l’esthétique au profit d’un certain pragmatisme.
Plusieurs montages vidéos de l’artiste font directement référence à l’univers des vidéo-clips, avec des images s’enchaînant rapidement sur un fond sonore. Le meilleur exemple de ce réemploi est le presque clip intégré à la vidéoKing. Dans celui-ci une chanteuse glamour se produit dans un garage au milieu de comédiens déguisés, entamant des semblants de chorégraphies.
Les objets clichés attirent particulièrement l’artiste, ainsi retrouve-t-on dans ses œuvres des baskets de sport et des survêtements de marque, des énormes 4×4, un yacht, des scooters, des planches de skate-board ou de surf… Ces accessoires sont littéralement présentés dans les productions de l’artiste comme dans les publicités qui s’appliquent à en faire l’éloge. C’est par ce biais qu’Olaf Breuning fait référence à la publicité, il reprend ces articles phares ainsi queces codes visuels et il joue avec.
Olaf Breuning est également un lecteur éclectique.Il a certainement lu un grand nombre de romans de fictions policières comme American Psycho de Breat Easton Ellis afin de créer ses personnages psychopathes. Mais il s’inspire également de littérature philosophique. L’artiste avoue avoir lu Jean François Lyotard 32 et reconnaît être un pur produit du post-modernisme.
Quant à la musique, Olaf Breuning confiait dans une interview accordée à Jade Lindgaard : « La musique est la seule source d’inspiration de mon imagination. La musique m ‘évoque toujours des images. Concerts, films, télé : j’ai beaucoup vu et beaucoup entendu quand j’étais plus jeune, mais je ne peux me souvenir d’aucun nom. Je n’ai jamais été un fan. » L’artiste n’a donc pas de prédilection pour un style musical en particulier. De la pop, du heavy metal, de la musique classique, de la flûte de pan, de la country, Olaf Breuning pioche dans tous les types de culture musicales. Dans King, on passe d’un morceau classique de Gyorgy Ligeti à un titre de Rondo Veneziano pour finalement découvrir un morceau totalement new age, créé par un ami de l’artiste (Beat Cadruyvi) .
Pour ce qui est de la photographie, Olaf Breuning fait référence à la photographie de groupe qui permettait de documenter les différents métiers, les différents corps professionnels et sociaux qui composent la société à la fin du dix-neuvième siècle. Il s’inspire également de la photographie publicitaire en reprenant ces codes schématiques très visuels. En outre l’artiste édite souvent ses photographies dans plusieurs formats (32x40cm, 80x100cm, 122x155cm,149x 186 cm, 300x420cm) comme s’il s’agissait d’images de communication (af fiches, posters…).
Finalement Olaf Breuning s’inspire également de l’art contemporain et notamment des artistes de sa génération. Ainsi pourfabriquer sa Sibylle, l’artiste a pioché dans les répertoires formels des artistes qu’il cite. Le collant en fourrure et le caleçon que porte Sibylle rappelle les travaux de Vanessa Beecroft, le rond coloré sur l’un des seins, fait référence à Ugo Rondinone, lesmorceaux de pain aux doigts sont issus de la fameuse photographie de Picasso… En som me cette Sibylle n’est que le résultat d’une somme de citations artistiques.
Toutes ces références médiatiques que nous venonseddécrire, représentent la base du travail artistique d’Olaf Breuning. Les médias sont pour lui comme un énorme puit d’informations dans lequel il vient pécher à sa guise selon ses besoins figuratifs.
Pour illustrer notre propos nous avons choisi la vidéo King car cette œuvre de neuf minutes fait référence à l’ensemble des source médiatiques que nous venons de citer.
La vidéo est filmée comme unroad movie (genre cinématographique apparu dans les années quarante). Elle débute avec les images d’une route sinueuse de nuit filmée du point de vue du conducteur d’une voiture. Dès les premières secondes, on pense instantanément à Lost Highway de David Lynch. La musique de cette scène est tirée de 2001, Odysée de l’espace de Stanley Kubrick. Puis on passe à une scène dans le désert ensoleillé où un 4×4 fonce à toute vitesse. Le conducteur qui s’élance dans une quête mystique n’est autre que l’artiste, il se met en scène comme Matthew Barney dans ses Cremasters. Dans la voiture il écoute de la musique classique. La voiture s’arrête au milieu du désert et Olaf Breungi sort, il nous enseigne alors son torse tatoué de décalcomanies et sa perruque« dread locks », il porte un short de sport, des baskets de marque et des Ray-bans, des articles de mode fashion très présents dans la publicité et lorsqu’il sort de son4x4, il semble poser comme un mannequin en s’étirant contre sa voiture monstre. Ensuite l’artiste s’assied et lance sa basket, qui vole et effectue plusieurs pirouettes exactement comme l’os que lance le singe dans 2001, l’odysée de l’espace. L’ellipse qui suit ne nous conduit pas dans le futur mais dans un vidéo-clip new age aux mélodies suaves et mélancoliques. Les images de ce clip très glam-trash sont très proche des modèles qui les inspirent, à cela près que les danseurs ont des chorégraphies minables et qu’ils se découragent avant de les finir. Dans cette sous-fiction des personnages encapuchonnés ou déguisés avec excès semblent tout droit sortit d’un dessin animéou d’une bande dessinée. Ensuite on retrouve notre héros dans le désert, il s’est entre temps vêtu d’une armure de chevalier et il part dans une mystérieuse quête, armé d’une épée qu’il tient maladroitement. Un Don Quichotte post-moderne.

Table des matières

Introduction
I. Un langage de surface spectaculaire
1. Un monde tout droit sorti d’un fantasme d’adolescent
a) Des microfictions heavy
b) Des personnages hauts en couleur
c) Un environnement fantasmagorique
2. Un travail autonome formellement peu élaboré ?
a) Made it yourself
b) De l’effet spécial raté
c) Une économie de moyen : l’art du cheap
3. Un univers d’expérience médiatique
a) La diversité des références médiatiques
b) Des mises en scènes spectaculaires
c) Des oeuvres redondantes ?
II. …Qui dissimule une pluralité de sens et de formes
1. Des fictions particulièrement construites
a) Le détail qui tue
b) Des univers sociaux, culturels et environnementaux éclectiques
c) Un art du mixe et du recyclage
2. Entrecroisement de pratiques et de techniques
a) Du dessin… à la vidéo, un sérieux savoir faire
b) Bien fait, mal fait
c) Un éloge du faux, authentique ?
3. Un art qui ne dit rien mais qui comprend tout
a) Juste pour rire
b) Une absurdité nihiliste
c) Une pluralité de réflexion libératrice
III. Un art ancré dans l’histoire et une oeuvre profondément actuelle
1. Un art dans la lignée des courants provocateurs du XXe siècle ?
a) Dans l’esprit dadaïste et pop artiste ?
b) Contre la société du spectacle ?
c) Une culture punk ?
2. L’ère du vide et de l’absurdité
a) Les paradigmes d’une société postmoderne
b) Olaf Breuning un stéréotype de l’homme postmoderne ?
c) L’art de l’idiotie et de l’étrange
3. L’ère de la recompilation
a) De la multimédiatisation à la démocratisation des savoirs
b) Olaf Breuning, un magicien de la postproduction ?
c) L’art de rejouer le donné
Conclusion
Bibliographie

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