Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)
Morphologie externe
La tête de Pan troglodytes verus est haute et étroite, le museau peu proéminent. Les oreilles sont grandes et écartées. La paume des mains et la plante des pieds sont de couleur rose chair avec quelques taches foncées. Chez les jeunes, la face est pâle, couleur rose chair, avec des marques foncées autour des yeux dessinant un masque en forme de papillon (Napier & Napier, 1973). On retrouve aussi des taches marron clair au-dessus du nez et il existe une raie médiane sur la tête. Les taches se développent peu à peu et la face devient finalement noire chez l’adulte. Cependant la coloration plus foncée autour des yeux persiste (d’où son surnom de « chimpanzé à lunettes ») et les oreilles restent plus claires. Les mâles possèdent souvent une barbe gris blanche plutôt épaisse. Avec l’âge une calvitie apparaît, dessinant un triangle sur le front (Remond, 1992). Les arcades sourcilières sont fortement proéminentes et le crâne est étroit (Fiennes, 1972). Le nez est petit, la lèvre supérieure est très longue et mobile.
Les chimpanzés possèdent des ongles, cela donne à leurs mains et à leurs pieds une certaine habilité dans la manipulation d’objets, grands et petits. Ils ont les bras plus longs que leurs jambes, des pouces opposables aux autres doigts et de gros orteils. Les chimpanzés marchent habituellement à quatre pattes sur la plante de leurs pieds et sur la jointure des doigts de leurs mains, mais ils peuvent également se déplacer sur leurs deux jambes à certaines occasions.
À sa naissance, le chimpanzé Pan troglodytes pèse en moyenne entre 907 g à 1,8 kg. La femelle pèse en moyenne 30 kg et le mâle pèse 40 à 55 kg. Leur durée de vie moyenne est de 40 à 50 ans.
Distribution géographique
Le chimpanzé commun vit dans les savanes boisées, les mosaïques de forêts et de savanes herbeuses et les forêts humides tropicales, à une altitude allant du niveau de la mer à environ 2 800 m (Groves, 1971; Kortlandt, 1983; Teleki, 1989). Autrefois, il vivait certainement sur la majeure partie de l’Afrique équatoriale, du Sud-Est du Sénégal au Sud-Ouest de la Tanzanie, occupant en totalité ou en partie 25 pays ou plus (Hill, 1969; Teleki, 1989). Aujourd’hui, le chimpanzé commun est l’espèce la plus répandue de toutes les espèces de primates simiens africains: il vit dans 22 pays, de la latitude 13°N à la latitude 7°S (Hill, 1969; Kortlandt, 1983; Lee et al., 1988; Teleki, 1989). Cependant, sa distribution passée et actuelle dans ces pays reste peu connue, à quelques exceptions près. L’aire de distribution géographique actuelle du chimpanzé commun est d’environ 2 342 000 km2 (Butynski, 2003).
Le chimpanzé d’Afrique occidentale, Pan troglodytes verus, vivait autrefois dans 12 pays mais sa distribution actuelle est parcellaire et couvre neuf ou dix pays (Sénégal, Mali, Guinée Bissau, République de Guinée, Sierra Léone, Liberia, Côte d’Ivoire, Ghana, Burkina Faso, Nigéria). Son aire de distribution s’étend du Sud-Est du Sénégal au Dahomey Gap ou au fleuve Niger (Lee et al., 1988; Teleki, 1989). L’aire de distribution des chimpanzés d’Afrique occidentale est aujourd’hui fortement fragmentée, mais elle a dû être continue du Sénégal au Togo jusqu’au milieu des années 1900 (Jolly et al., 1995).
Les chimpanzés d’Afrique occidentale au Sénégal se situent à la limite Nord de la répartition de l’espèce et sont soumis à des pressions écologiques dues aux pénuries d’eau et à la chaleur saisonnière (Boyer-Ontl & Pruetz, 2014).
Structure sociale et comportements sociaux
Structure sociale
Une communauté de chimpanzés regroupe 5 à plus de 100 individus en fonction des sites (35 en moyenne) ; elle couvre un territoire pouvant s’étendre sur 30 km2. Les communautés comprennent davantage de femelles que de mâles et environ la même proportion de jeunes que d’adultes. Les individus d’une même communauté sont rarement réunis tous ensemble et se déplacent en général plutôt en sous-groupes de 2 à 10 individus (Hrapkiewicz et al., 1998).
La taille et la composition de ces sous-groupes sont extrêmement variables au cours du temps, résultant de fréquentes jonctions et séparations d’individus. On parle de structure de type fission-fusion (Kummer, 1971 ; Sourmail, 2002). Les sous-groupes varient en particulier en fonction des ressources alimentaires disponibles : l’abondance de nourriture à certains endroits est un facteur de rassemblement, alors que lorsque la nourriture est dispersée, les chimpanzés ont plutôt tendance à se déplacer seul ou en groupes de deux ou trois individus. La composition et la taille du groupement peuvent également être influencées par la menace due aux prédateurs (Tutin & Fernandez, 1983), par la chasse d’autres mammifères (Boesch & Boesch-Achermann, 2000), par la disponibilité et la répartition de l’eau, par les sites de nidification et l’étendue du domaine vital (Baldwin et al., 1982; Tutin & Fernandez, 1983).
La présence de femelles en œstrus a aussi une influence sur la composition des groupes, qui comptent alors davantage de mâles. La seule association stable au cours du temps est celle de la mère avec son enfant (Remond, 1992). Il existe également des mouvements d’individus entre communautés. Les femelles atteignant la puberté quittent en général leur groupe d’origine pour intégrer une nouvelle communauté, évitant ainsi la consanguinité. Il n’y a en revanche jamais de transferts de mâles entre communautés, mais des affrontements peuvent intervenir entre mâles de communautés différentes.
L’organisation sociale est déterminée non seulement par l’environnement mais également par les conditions sociologiques et démographiques au sein de la population comme les relations entre les femelles, la structure du groupe et la disponibilité des femelles fertiles (Boesch & Boesch-Achermann, 2000). Les mâles adultes vivent dans un monde hiérarchisé, mais le mâle dominant n’est pas forcément l’individu le plus fort physiquement ; il peut compenser par un grand pouvoir de manipulation et user de coalitions. De plus, la position sociale peut varier au cours du temps avec l’apparition de coalitions, d’alliances, de réconciliations entre individus. Chez les femelles, le rang s’élève plutôt avec l’âge et les relations sont beaucoup plus stables que chez les mâles (de Waal, 1982).
Comportements sociaux
Les rapports sociaux sont entretenus par l’épouillage ou grooming, contact tactile commun à la quasi-totalité des primates. Au-delà de sa fonction de nettoyage du pelage, le grooming sert à apaiser les tensions sociales et à renforcer les liens affectifs entre individus. L’épouillage social est ainsi au cœur de la vie de relation des chimpanzés (Remond, 1992).
Le jeu permet quant à lui d’enseigner les règles de la vie aux jeunes : les rapports de force, les contacts avec les autres individus du groupe, les déplacements. Toutefois, le jeu peut également faire intervenir des individus adultes et présente alors un rôle uniquement social.
Enfin, des conflits souvent spectaculaires peuvent éclater entre individus, accompagnés de cris et de charges et ayant souvent pour but d’affirmer la dominance d’un individu. Une des manifestations d’intimidation des chimpanzés mâles, consiste aussi à tambouriner très fort sur les gros troncs d’arbres ou les racines de certains arbres tropicaux dont la résonance est très grande : on parle de « display » (Grzimek & Fontaine, 1975). Cependant, si les interactions entre mâles de communautés voisines sont très violentes, les blessures physiques résultant des agressions entre mâles d’une même communauté sont rares et en général peu graves. La réconciliation, basée sur des contacts corporels, fait le plus souvent suite à ces conflits (Didier, 1998).
Les chimpanzés ont une structure et un système sophistiqués, qui rappellent fortement la société humaine et prouvent leur remarquable capacité d’intelligence sociale (Byrne & Whiten, 1988).
Comportement de construction des nids de repos
Les chimpanzés nidifient chaque nuit dans les arbres. Pour construire leur nid, ils préparent une fondation faite de rameaux solides ou de fourches qu’ils courbent, cassent et entrelacent en croix (Fruth & Hohmann, 1996). Ils terminent cette construction en courbant la plupart des petites brindilles en cercle sur le bord du nid (figure 7). Les brindilles qui se sont détachées sont parfois utilisées comme revêtement (Goodall, 1968). Les chimpanzés peuvent parfois construire des nids pendant la journée pour se reposer. Ces nids sont en général dans les arbres, mais l’utilisation de nids au sol a été constatée dans plusieurs communautés (Kormos et al., 2004). Goodall (1968) a constaté que les jeunes commencent à construire des nids rudimentaires en jouant dès l’âge de huit mois.
La structure des nids (figure 8) varie du niveau rudimentaire et superficiel, ce qui est généralement le cas des nids du jour, au niveau très élaboré pour les nids nocturnes. Les chimpanzés n’utilisent généralement qu’un seul arbre pour la nidification mais n’hésitent pas à intégrer plusieurs arbres qui s’entremêlent (Humle, 2003), ce qui a parfois été vu à Bantankiline (Micheletti, 2018). Le nombre le plus important jamais constaté est de 7 arbres intégrés dans un seul nid, à Seringbara en Guinée (Humle, 2003). Il y avait un total de 13 nids trouvés dans un arbre à Bantankiline (Micheletti, 2018), le précédent record pour le plus grand nombre de nids trouvés dans un seul arbre était de 10, à Gombe en Tanzanie (Goodall, 1962).
Le choix du site de nidification varie d’une population et d’une communauté de chimpanzés à l’autre et dépend de la structure de l’habitat, de la distribution des ressources, des niveaux de prédation et de la perturbation par l’homme. Les chimpanzés peuvent montrer de fortes préférences pour certains arbres lors de la nidification, qu’ils soient ou non présents dans leur habitat. Ainsi, certains aspects de la nidification comme le choix des arbres et peut-être la construction des nids terrestres pourraient être des faits culturels (Kormos et al., 2004).
MATERIEL ET METHODES
Dans cette partie du document, nous présentons le matériel utilisé et la méthodologie adoptée pour réaliser ce travail.
Matériel
Pour effectuer le travail de terrain, nous avons utilisé le matériel ci-dessous:
Un GPS Garmin etrex 10 pour la localisation des observations et des transects prospectés,
Une paire de jumelles Canon HD pour une meilleure observation des nids de chimpanzés et identification de leurs âges,
Un télémètre Bushnell yardage pro pour mesurer les hauteurs des nids,
Un appareil photo Sony Zeiss pour les prises d’images,
Des fiches de terrain et un crayon noir pour enregistrer les observations,
Des flacons, de l’alcool, des gants, des masques et des bâtonnets pour le prélèvement d’échantillons de crottes de chimpanzés,
Un piège photographique (caméra trap) Bushnell pour la prise de photos d’animaux,
Un décamètre et des rubans pour délimiter les plots.
Méthodes
L’étude s’est déroulée entre Juillet et Novembre 2018. Les prospections ont été faites respectivement en juillet-août, août-septembre et novembre.
Informations préliminaires
Suite à des informations provenant du Pr. Jill PRUETZ, de membres du projet « Fongoli Savanna Chimpanzee » (FSCP) et de prospections effectuées par le Dr. Papa Ibnou NDIAYE en 2014 et 2015 confirmant la présence du chimpanzé Pan troglodytes verus à Bantankiline, nous avons décidé de mener une étude plus détaillée sur cette espèce dans cette zone pour contribuer à la production d’informations scientifiques sur ce groupe. Pour cela, nous avons procédé d’abord à une étude de la typologie des nids du chimpanzé Pan troglodytes verus dans cette zone.
Prospection
Les informations préliminaires ont permis d’orienter les prospections vers les galeries forestières et les forêts boisées suivant des transects de reconnaissance. Les zones occupées par les chimpanzés sont très difficiles d’accès et en moyenne nous faisions 10 km de marche par jour (entre le départ et l’arrivée au camp y compris la prospection).
Typologie des nids de chimpanzés À la rencontre d’un nid, 4 paramètres sont recherchés :
o Le type d’habitat dans lequel il se trouve : ce qui permet de savoir leur répartition selon les types d’habitat,
o L’âge du nid, qui permet d’apprécier la présence ou l’absence des chimpanzés dans la zone,
o La détermination de l’espèce végétale support du nid en se basant sur la collaboration des autres membres de l’équipe et l’utilisation de la clé de Michel Arbonnier (2009) ou bien de Végétation et Flore, Parc Transfrontalier Niokolo Badiar (Ba et al, 1997) mais aussi de l’aide de M.CAMARA, Botaniste au département de Biologie Végétale de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar.
o Et la mesure de la hauteur du nid à l’aide d’un télémètre électronique.
Estimation de l’âge des nids
Une fois un nid trouvé, on vérifie d’abord son âge pour voir s’il est frais, récent, ancien ou décomposé en se basant sur la classification conventionnelle de Tutin & Fernandez (1984).
Nid frais (A) : composé que de feuilles vertes. Les matières fécales et les urines peuvent être présentes. Généralement de la nuit précédente ou de 2 jours maximum. Nid récent (B) : feuilles vertes mais fanées
Nid ancien (C) : feuilles brunes mais présence possible de feuilles vertes fanées
Nid décomposé ou squelettique (D) : il ne reste que le cadre du nid. S’il reste des feuilles, elles sont à la base du nid et représentent moins de 10% de la quantité initiale.
Cartographie des transects prospectés
Pour cartographier les transects prospectés et la distribution des nids, nous avons utilisé les Systèmes d’Information Géographique (SIG). Pour cela, nous avons géoréférencé une carte de la région de Kédougou scannée que nous avons ensuite introduite dans un projet avec le logiciel Qgis 2.2.0. Ensuite nous avons projeté les cordonnées des nids et les tracés dans ce projet enregistré lors des prospections ; ce qui a permis d’obtenir la carte finale (figure 11).
Abondance des espèces végétales le long des transects prospectés
Pour déterminer l’abondance des arbres, nous avons effectué des recensements des espèces végétales supposées être de potentiels supports de nids de chimpanzés dans des plots disposés le longs des transects prospectés. Les plots ont consisté à faire des carrés de 20 m de côté et de relever (identifier et dénombrer) toutes les espèces végétales à hauteur de poitrine et dont la circonférence du tronc est supérieure ou égale à 10 centimètres se trouvant à l’intérieur des carrés. Les points sur lesquels les plots ont été faits, étaient choisis par P.I. NDIAYE.
Echantillonnage de crottes du groupe de Pan troglodytes verus
Pour cela, nous avons prélevé des crottes de Pan troglodytes verus trouvées sous des nids frais. Ces crottes sont ensuite conservées dans des flacons contenant de l’alcool. Ces crottes seront soumises à des analyses génétiques et parasitaires.
Piégeage photographique
C’est une méthode permettant, même dans des conditions extrêmes (vent, pluie,…), de prendre des photos aussi bien le jour que la nuit sans perturber les activités animales. L’appareil est le plus souvent fixé sur un tronc d’arbre à une hauteur de 30 à 40 cm dans des endroits jugés stratégiques, comme les points d’eau, les couloirs de passage ou à l’intérieur des galeries forestières qui constituent les biotopes de prédilections de nombreux animaux de la zone. Un piège photographique de surveillance numérique à infrarouge a été placé à un endroit où il y avait beaucoup de nids. L’appareil est muni de capteurs sensibles aux mouvements d’animaux qui traversent leurs objectifs dans un champ de 20 à 25 mètres (plage de détection). Il est paramétré afin de prendre une photo en couleur toutes les 10 secondes (intervalle/retard) et sur chacune d’elles apparaît : la date, l’heure, et la température du milieu ambiant au moment de la prise. L’appareil fonctionnait 24 h sur 24 avec huit piles duracell et contenait une carte SD de 32 Go. Des LED (light-emitting diode) infrarouge fournissaient l’éclairage pour une bonne et nette prise d’images pendant la nuit ou en condition d’obscurité. Nous avons laissé le piège photographique un mois durant dans la brousse avant de le récupérer. Les images de la carte SD sont ensuite téléchargées sur un ordinateur pour visualisation. Cependant, nous n’avons pas obtenu d’images d’animaux.
Menaces pour la survie de Pan troglodytes verus à Bantankiline
Pendant les prospections, nous avons relevé, par des observations directes, tout ce qui est susceptible d’être une menace pour la conservation de la forêt et, par conséquent, des animaux et plus précisément de Pan troglodytes verus.
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Zone d’étude
1.1. Localisation
1.2. Climat
1.3. Pluviométrie
1.4. Température
1.5. Milieu physique
1.6. Végétation
1.7. Populations et activités économiques
2. Espèce étudiée
2.1. Position systématique
2.2. Morphologie externe
2.3. Distribution géographique
2.4. Structure sociale et comportements sociaux
2.5. Comportement de construction des nids de repos
CHAPITRE II. MATERIEL ET METHODES
1. Matériel
2. Méthodes
2.1. Informations préliminaires
2.2. Prospection
2.3. Typologie des nids de chimpanzés
2.4. Estimation de l’âge des nids
2.5. Cartographie des transects prospectés
2.6. Abondance des espèces végétales le long des transects prospectés
2.7. Echantillonnage de crottes du groupe de Pan troglodytes verus
2.8. Piégeage photographique
2.9. Menaces pour la survie de Pan troglodytes verus à Bantankiline
CHAPITRE III. RESULTATS ET DISCUSSION
1. Résultats
1.1. Cartographie des transects prospectés
1.2. Répartition des nids selon leurs âges
1.3. Répartition des nids selon leurs hauteurs
1.4. Répartition des nids selon les espèces d’arbres supports
1.5. Distribution géographique des nids sur le site et leur répartition en fonction de l’habitat
1.6. Abondance des espèces végétales le long des transects prospectés
1.7. Echantillonnage de crottes du groupe de Pan troglodytes verus
1.8. Menaces pour la survie de Pan troglodytes verus à Bantankiline
2. Discussion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE
RAPPORTS