Tumeurs de la rétine
Résumé. – La définition et l’incidence du rétinoblastome, son épidémiologie, les circonstances de découvertes et les formes cliniques, les éléments du diagnostic positif et du diagnostic différentiel sont présentés. Nous abordons la prise en charge thérapeutique avec l’évolution actuelle vers une diminution des indications de radiothérapie externe ; nous définissons les méthodes thérapeutiques qui sont l’énucléation et les traitements conservateurs. Nous donnons des éléments sur l’examen anatomopathologique et les études cytogénétiques. L’irradiation externe, la cryothérapie, la photocoagulation, la curiethérapie et la thermochimiothérapie avec leurs indications, ainsi que le suivi et le conseil génétique sont décrits. Enfin, nous décrivons les formes extraoculaires, leurs causes et leur prise en charge. Nous abordons rapidement les autres tumeurs de la rétine qui sont les hamartomes combinés de la papille et de l’épithélium pigmentaire, les hypertrophies congénitales bénignes de l’épithélium pigmentaire, les astrocytomes rétiniens et les angiomes capillaires rétiniens.
Le rétinoblastome est une tumeur intraoculaire hautement maligne touchant essentiellement le nourrisson et le jeune enfant. C’est la tumeur intraoculaire maligne la plus fréquente chez l’enfant. Sa fréquence est estimée approximativement à 1 pour 15 à 20 000 naissances. C’est une tumeur d’origine génétique. Deux mutations du gène rétinoblastome situé sur le bras long du chromosome 13 sont nécessaires à son apparition. Dans les formes bilatérales, il existe une mutation somatique préexistante transmissible à la descendance selon un mode autosomal dominant. Dans les formes unilatérales, les deux mutations surviendraient au niveau de la cellule rétinienne mais 15 à 20 % des formes unilatérales présentent la mutation germinale. Les aspects génétiques et le conseil génétique seront détaillés ultérieurement. Le rétinoblastome met en jeu le pronostic vital de l’enfant et également le pronostic visuel. Le pronostic vital lié à la tumeur est un problème majeur dans les pays en voie de développement du fait de la fréquence dans ces pays de l’extension orbitaire et des métastases. Dans les pays développés, le pronostic vital peut être mis en jeu par la prédisposition génétique à d’autres cancers comme le pinéaloblastome (rétinoblastome trilatéral) et plus fréquemment à des sarcomes secondaires. Le pronostic visuel peut être mis en jeu lorsque l’atteinte est bilatérale.\
¶ Épidémiologie
Il n’y a pas de prédisposition pour une race ou un sexe ou un côté droit ou gauche. La tumeur est bilatérale dans environ 35 % des cas. Les formes bilatérales sont en augmentation du fait du développement des formes familiales. Dans les formes bilatérales, le nombre moyen de tumeurs par œil est de 5. Le diagnostic se fait à un âge moyen de 2 ans pour les formes unilatérales et 1 an pour les formes bilatérales. Lorsqu’il existe des antécédents familiaux de rétinoblastome, le diagnostic peut se faire dès la naissance par un examen systématique du fond d’œil. Les formes diagnostiquées tardivement après l’âge de 5 ans sont rares. La survenue d’un rétinoblastome est exceptionnelle à l’âge adulte. Elle n’est d’abord visible que sous certaines incidences et avec certains éclairages puis lorsque la tumeur a grossi, elle devient permanente (c’est l’aspect classique d’œil de chat amaurotique). Elle est facilement remarquée par l’entourage proche du bébé mais n’est pas toujours visible au début lors de l’examen médical. Néanmoins l’existence de ce symptôme devrait toujours faire pratiquer un fond d’œil après dilatation pupillaire. La leucocorie est parfois bien mise en évidence sur les photographies aux flashes : la pupille apparaît orangée sur l’œil normal et blanche sur l’œil malade. Malheureusement, la signification de cette anomalie n’est pas toujours connue des parents. Un test de dépistage basé sur cet aspect photographique est en cours d’étude.
Le strabisme est un signe d’appel qui peut être relativement précoce lorsque la tumeur est localisée dans la région maculaire. Il peut s’agir d’un strabisme convergent ou divergent. Il faut garder à l’esprit que si un strabisme accommodatif intermittent est habituel chez le nourrisson, la survenue d’un strabisme unilatéral permanent est un signe d’appel pouvant correspondre à une tumeur intraoculaire et justifiant un examen du fond d’œil après dilatation. La néovascularisation irienne est fréquente dans les formes évoluées de rétinoblastome. Elle est caractérisée par la présence de néovaisseaux sur la surface de l’iris entraînant une hétérochromie irienne. Ce processus néovasculaire est secondaire à l’ischémie du segment postérieur provoquée par la tumeur et peut être responsable d’une hypertonie oculaire avec douleurs et œdème de cornée. Un hyphéma spontané peut survenir. Celui-ci doit faire pratiquer un examen du fond d’œil surtout en l’absence d’antécédent traumatique. Lorsque le fond d’œil est inexplorable, un examen échographique ou un scanner peut être nécessaire.